Les α-synucléinopathies

Les α-synucléinopathies

Les maladies neurodégénératives représentent un vrai défi pour la recherche fondamentale et clinique. En France, d’après les chiffres du ministère des Solidarités et de la Santé, plus de 850 000 personnes sont touchées par la maladie d’Alzheimer (MA), 200 000 par la maladie de Parkinson (MP) et 100 000 par la sclérose en plaque. La MP est donc la deuxième maladie neurodégénérative la plus répandue en France. Cette maladie ne change pas l’espérance de vie, mais elle affecte particulièrement la qualité de vie. La MP fait partie d’un groupe de maladies liées à une protéine neuronale, l’αsynucléine (α-syn), appelées les α-synucléinopathies. La famille des α-synucléinopathies comporte au moins trois membres : La MP, la démence à corps de Lewy (DCL) et l’atrophie multisystématisée (MSA). 

La maladie de Parkinson

 La maladie de Parkinson (MP) est une maladie neurodégénérative se caractérisant par une évolution progressive et lente de symptômes moteurs délétères. Les causes de cette maladie peuvent être divisées en deux groupes distincts : les cas familiaux, dus à des anomalies génétiques, et les cas idiopathiques, dont l’étiologie multifactorielle ne permet pas d’identifier clairement la cause du déclenchement de la maladie. Les symptômes de la maladie de Parkinson sont assez facilement identifiables, caractérisés par des tremblements incontrôlés, une rigidité et une posture voûtée. Ces symptômes sont dus à la dégénérescence de neurones dopaminergiques au niveau de la substance noire du cerveau des individus atteints, dont les neurones présentent des corps d’inclusions intracytoplasmiques composées majoritairement d’α-syn. Cette dégénérescence est due à l’accumulation de protéine d’α-syn au niveau de ces neurones (Kalia et Lang, 2015).De nos jours, la MP aussi est la seconde maladie neurodégénérative la plus fréquente dans le monde, elle affecte environ 4% de la population française ayant plus de 60 ans. Son incidence et sa prévalence sont variables en fonction du pays et des études épidémiologiques. En France, l’incidence annuelle de la MP est de 36 à 49 pour 100 000 par ans, toutes populations confondues. Si l’on considère des intervalles d’âge, l’incidence de la MP augmente à 139-172 pour 100 000 habitants dans l’intervalle 65-74 ans, à 251-313 pour 100 000 chez les personnes âgées de plus de 85 ans et de sexe masculin. La prévalence de la MP est là aussi différente selon l’intervalle d’âge considéré, elle est de 293-376 pour 100 000 dans la tranche d’âge 55 – 64 et augmente jusqu’à 3760-4578 pour 100 000 en considérant les personnes âgées de plus de 85 ans. (Blin et al., 2015; Wong et al., 2014).

Neuropathologie de la MP 

L’une des particularités de la MP est qu’elle est le plus souvent diagnostiquée lors de l’apparition des premiers symptômes moteurs caractéristiques de la maladie. Cependant, ces symptômes ne marquent pas le début de la maladie, celle-ci s’est déclenchée une voire deux décennies précédent l’apparition de ces symptômes. (Prigent et al., 2017) Dégénérescence de la substance noire L’élément clé dans la neuropathologie de la MP est la dégénérescence des neurones dopaminergiques dans la partie pars compacta de la substance noire (SN), visible sur la Figure 2. Découverte en 1786 par Félix Vicq d’Azyr, médecin et anatomiste français, cette partie des ganglions de la base possède de nombreux rôles dans les mouvements et la récompense. Anatomiquement, la SN est constituée de deux parties : la SN pars compacta, composée principalement de neurones dopaminergiques facilement identifiables par un examen macroscopique car ils sont pigmentés par de la neuromélanine, et la SN pars reticulata, moins dense que la SN pars compacta, elle possède une forme réticulée car elle est composée principalement de projections neuronales (Barter et al., 2014; Parent et Parent, 2010). Parmi les fonctions de la SN pars compacta, certaines seraient impliquées dans le mouvement, même si le rôle de la SN dans le contrôle moteur est indirect ; car la stimulation électrique de cette zone n’entraîne pas de mouvement. Cependant, la dégénérescence de la Page | 17 SN pars compacta a une grande influence sur le mouvement, comme en témoignent les symptômes moteurs de la maladie de Parkinson. En effet son activation par des stimuli électriques n’engendre pas de mouvements chez le rat, son rôle résiderait donc dans la régulation du mouvement par l’inhibition (Wu et al., 2012). Cette perte d’inhibition du mouvement inhérente aux neurones dopaminergiques de la SN pars compacta expliquerait en partie les tremblements observés dans la MP.Il est à noter que la perte des neurones dopaminergiques de la substance noire est associée à l’accumulation d’une forme pathologique hyperphosphorylée de l’α-syn. (Wang et al., 2012). Manifestations cliniques Les manifestations cliniques de la MP peuvent être regroupées en deux grandes familles, les symptômes non-moteurs et les symptômes moteurs. La particularité de ces deux groupes de symptômes est que les symptômes non moteurs apparaissent une à deux décennies avant les premiers signes cliniques moteurs caractéristiques de la MP (Figure 3). Il est donc d’intérêt de travailler ces phases précoces et asymptomatiques de la maladie car plus la maladie est décelée tôt, plus un traitement peut être administré tôt, afin de ralentir sa progression (Hughes et al., 2002; Sveinbjornsdottir, 2016). 

Les symptômes non-moteurs

Les symptômes non-moteurs de la MP se présentent sous une multitude de manifestations non spécifiques. Ces symptômes peuvent être des anomalies dans la régulation des cycles circadiens, des fonctions cognitives défaillantes, des troubles du système nerveux autonome ainsi que des défauts d’intégration sensorielle. Ces symptômes apparaissent une à deux décennies avant la phase symptomatique (Poewe, 2008). Troubles autonomes Des dysfonctionnements du système nerveux autonome sont présents dans la quasitotalité des cas de MP. Ces troubles touchent le système digestif, le système urogénital, et la régulation de la tension artérielle. (Micieli et al., 2003) D’un point de vue clinique, la constipation désigne un prolongement du temps de transit intestinal. Elle est présente, selon les études, chez 28 à 61% des patients atteint de la MP (Edwards et al., 1991; Kaye et al., 2006; Visanji et Marras, 2015). Phases pré-motrices Phase symptomatique Degré du handicap Constipation Hyposmie Dépression -20 -10 0 10 20 Troubles des MOR Bradikinésie Rigidité Tremblements Douleurs Fatigue Troubles cognitifs Troubles urinaires Démences Dysphagie Instabilité posturale Chutes Moteur Complications Non-moteurs Psychose Dyskinésie Temps (années) Page | 19 Cette constipation ne serait pas due à une dénervation sympathique colique des plexus myentériques (Corbille et al., 2014). Le système urogénital présente aussi des atteintes chez les patients parkinsoniens. Ces troubles se traduisent par des troubles de l’érection, des fuites urinaires, des mictions incomplètes et de l’incontinence. (Jost, 2013; Swaminath et al., 2010) Des hypotensions orthostatiques, désignant le fait de subir une baisse de tension en passant de la posture allongée à la posture debout, affectent environ 20 à 30% des patients atteints par la MP (Micieli et al., 2003). Troubles neuropsychiatriques Contrairement à l’étude de cas publiée par James Parkinson en 1817, où il est rapporté que la MP n’affecte pas l’intellect ni les sens, il est montré que des troubles neuropsychiatriques sont présents chez les patients parkinsoniens. La dépression affecte de 4 à 70% des patients. Cette dépression se manifeste par des pertes d’intérêt, de la fatigue et de l’anhédonie. Le patient peut aussi présenter des crises d’angoisse (Hemmerle et al., 2012; Marsh, 2013; Rihmer et al., 2014). Les troubles du sommeil font partie des symptômes non moteurs les plus fréquents et comprennent une multitude de désordres liés au sommeil tels que des difficultés d’endormissement, un sommeil léger menant à des phases de réveil fréquentes et des crampes nocturnes. Surtout, les patients atteints de MP ont des perturbations du sommeil paradoxal, présentes durant les phases de mouvements oculaires rapides. Les patients perdent dans ces phases l’atonie musculaire associée au sommeil, conduisant à une activité motrice calquée sur l’activité cérébrale. Ceci mène à des rêves lucides que les patients décrivent comme effrayants, conduisant à un comportement éventuellement violent, voire dangereux, tant pour le patient que pour son partenaire (Poryazova et al., 2013). Des psychoses et démences sont aussi vues dans la MP. Les psychoses se traduisent par des hallucinations visuelles (vues chez 30% des patients) et des délires (5% des patients). Ces troubles peuvent mener à des démences (Friedman, 2013).  

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