Les blessures dans les sports de glisse au Québec

Les sports de glisse tels que le surf des neiges et le ski alpin comptent de nombreux adeptes et sont classés parmi les sports les plus populaires. En 2009-2010 au Québec, il y avait 980 000 adeptes de ski alpin et 433 000 adeptes de surf des neiges. Tous types de blessures confondues, le ski alpin se situait au douzième rang des activités sportives et récréatives ayant engendré le plus haut taux de blessures avec un taux de blessures de 31% et le surf des neiges au cinquième rang avec un taux de 56%. Par ailleurs, le ski alpin et le surf des neiges étaient situés respectivement au troisième et au quatrième rang des activités sportives et récréatives de tout genre ayant engendré le plus haut taux de blessures sévères , après la planche à roulettes (69,2%) et le patinage sur glace (50,6%), avec 42,7% des blessures recensées chez les adeptes de ski alpin étant considérées comme sévères comparativement à 37,1% pour les blessures survenant chez les adeptes de surf des neiges. Ces sports de glisse comportent donc un risque élevé de blessures, avec une grande proportion des blessures étant considérée comme sévère (Hamel & Tremblay, 2012). Cette proportion élevée de blessures survenant chez les adeptes  de sports de glisse justifie l’intérêt de se questionner sur leurs comportements sur les pentes. Plusieurs études ont examiné la relation entre la prise de risque et les blessures dans divers domaines et ont permis d’établir que la prise de risque était associée à la survenue de blessures ou d’accidents, par exemple dans le domaine de la conduite automobile (Bell, Amoroso, Yore, Smith, & Jones, 2000; Turner, McClure, & Pirozzo, 2004). Par contre, en ce qui concerne le domaine des sports, peu d’études ont été publiées sur la relation entre la prise de risque et les blessures (Kontos, 2004). Il serait logique de penser que la prise de risque mène à un plus grand risque de blessures dans le domaine des sports, mais cela n’a jamais été vérifié empiriquement dans le domaine des sports de glisse dans le cadre d’une étude de suivi. Les quelques études transversales effectuées à ce jour dans le domaine des sports de glisse amènent des résultats contradictoires allant d’une absence de relation (Goulet, Régnier, Valois, & Ouellet, 2003) à une relation positive (Cooper, 2008; Paquette, Dumais, Bergeron, & Lacourse, 2016). Cette divergence de résultats suggère l’existence de variables intermédiaires pouvant influencer le lien entre la prise de risque et les blessures. Nous pourrions compter parmi ces variables intermédiaires l’adoption de comportements sécuritaires (ex. port du casque, protègepoignet, protection lombaire) qui ont été corrélés négativement dans la littérature à l’occurrence de blessures survenant lors de la pratique d’un sport de glisse (Cusimano & Kwok, 2010; Russell, Hagel, & Francescutti, 2007).

Par ailleurs, une autre difficulté réside dans le fait qu’il semble exister actuellement une confusion dans la littérature en ce qui concerne les variables psychosociales permettant de prédire l’occurrence de blessures et celles permettant de prédire la témérité, les prédicteurs des blessures étant souvent confondus avec ceux de la témérité. Par exemple, Hagel et ses collaborateurs (2004) affirment que les garçons se blessent plus que les filles en raison de leur plus grande témérité, sans même qu’ils aient mesuré la témérité. Un autre auteur explique la propension de certains individus à subir à nouveau des blessures par leur témérité mais sans avoir évalué cette dimension (Machold et al., 2000).

À ce jour, aucune étude de suivi n’a examiné la relation entre la prise de risque et l’occurrence de blessures sportives dans le domaine des sports de glisse tout en vérifiant l’effet d’interaction de l’adoption de comportements sécuritaires sur cette relation. Cet essai a donc comme objectifs d’évaluer les dimensions psychosociales liées à la témérité et de vérifier la capacité prédictive de la témérité sur la survenue de blessures.

Au Québec, près de 24 000 adeptes de surf des neiges et 31 000 adeptes de ski alpin ont consulté un professionnel de la santé pour un traumatisme d’origine récréative et sportive (TORS) en 2009-2010 (Hamel & Tremblay, 2012). La plus récente enquête menée par le Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport du Québec indique que le taux de blessés en surf des neiges pour l’année 2009-2010 était de 56 blessées pour 1000 personnes alors que celui pour le ski alpin était de 31 blessés pour 1000 personnes, ce qui situe le ski alpin et le surf des neiges respectivement au 12e rang et au 5e rang des activités sportives et récréatives ayant engendré le plus haut taux de blessures (Hamel & Tremblay, 2012). Depuis 2008, la proportion de blessures survenant chez les adeptes de sports de glisse québécois est en hausse (Tremblay, 2009). En effet, les stations de ski du Québec ont connu une hausse du taux de blessés de 9,9 % en ski alpin et de 4,3 % en surf des neiges au cours de la saison 2009-2010 (Tremblay, 2011). Le taux de blessures à la tête a quant à lui subi une baisse de 69 % depuis la saison 2001-2002 en lien avec l’augmentation du port du casque chez les adeptes (Tremblay, 2009) qui est maintenant devenu obligatoire dans les parcs à neige du Québec (MELS, 2011). Comme l’indiquent les recherches recensées dans cette section, la prise de risque serait l’un des principaux facteurs évoqués comme déterminants de l’occurrence de blessures dans les sports de glisse.

La prise de risque se définit, selon Turner et ses collaborateurs (2004), comme « l’engagement dans un comportement volontaire socialement inacceptable avec des conséquences possibles en termes de blessure ou de mortalité (p.ex. vitesse excessive, conduite sous l’influence de l’alcool) ou d’un comportement socialement acceptable dont le danger est reconnu et valorisé (p.ex. sports compétitifs ou à risque) ». La prise de risque est très diversifiée et peut s’étendre de la consommation de drogues et d’alcool aux comportements sexuels à risque, à la conduite dangereuse d’un véhicule motorisé ou la pratique d’un sport présentant un haut risque de blessures, tel que l’alpinisme ou les sports de glisse.

Les premières études sur la psychologie du risque sportif ont été fondées sur une conceptualisation de la prise de risque en termes de comportements objectifs observables considérés comme risqués par des professionnels (ex. exécution de sauts dans une piste bondée ou vitesse excessive dans les sports de glisse) plutôt qu’en termes de prise de risque intentionnelle subjectivement voulue par l’individu (Goulet et al., 2003). Par contre, la difficulté que présente l’évaluation de la prise de risque en tant que comportement objectif plutôt que subjectif est qu’elle ne prend pas en compte le niveau d’habileté de l’adepte. En fait, l’exécution d’une même manœuvre comporte un risque de blessure différent tout dépendant du niveau d’habileté de l’adepte, soit selon qu’elle est exécutée par un novice ou un expert (Paquette, Lacourse, & Bergeron, 2009). Ce phénomène permettrait d’expliquer pourquoi certaines études effectuées dans le domaine des sports, dont celle de Goulet et ses collaborateurs (2003) et celle de Kontos (2004), qui ont considéré les comportements bjectifs de prise de risque plutôt que la prise de risque subjective, ne sont pas parvenues à établir de relation entre la prise de risque et les blessures.

Table des matières

Introduction
Contexte théorique
Les blessures dans les sports de glisse au Québec
Définition de la prise de risque
Prise de risque, adoption de comportements sécuritaires et blessures
Dimensions psychosociales de la prise de risque et des blessures
Variables sociodémographiques : sexe et âge
Variables reliées au sport : type de sport, niveau d’habileté et fréquence de pratique
Traits de personnalité
Impulsivité et recherche de sensations fortes
Alexithymie
Névrosisme/anxiété
Agressivité/hostilité
Cognitions associées au risque et aux blessures
Attribution des accidents et des blessures à la malchance et au destin : fatalisme et
conduites ordaliques
Fierté associée aux blessures et aux cicatrices
Blessures antérieures
Objectifs spécifiques et hypothèses de recherche
Méthode
Recrutement et procédure
Instruments de mesure
Échelles de prise de risque en surf des neiges et ski alpin
Questionnaire relié aux pratiques sportives
Questionnaires sociodémographiques
La version francophone du Zukerman-Kuhlman Personality Questionnaire
Questionnaire d’alexithymie
Questionnaire sur les cognitions associées au risque et aux blessures
Stratégies d’analyse
Résultats
Analyses descriptives de l’échantillon : participants
Attrition des participants au temps 2 et différences avec les participants du temps 1 sur
les variables de l’étude évaluées au temps 1
Corrélations : variables reliées à la témérité et à l’occurrence de blessures
Régressions
Régression linéaire multiple hiérarchique
Régression logistique exacte
Discussion
Prédiction de la témérité
Prédiction des blessures
Capacité prédictive de la témérité sur l’occurrence des blessures
Capacité prédictive de l’adoption de comportements sécuritaires sur l’occurrence de
blessures
Autres dimensions psychosociales reliées à la survenue de blessures
Effet modérateur de l’adoption de comportements sécuritaires sur la relation entre la
prise de risque et les blessures
Conclusion

Cours gratuitTélécharger le document complet

 

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *