Les causes de la ṣara‛at selon les Rabbins

 Les causes de la ṣara‛at

Avant de rechercher la ou les causes de la ṣara‛at selon les Rabbins, il convient de se reposer la question de sa nature même : la ṣara‛at est-elle une maladie ? Une réponse positive s’impose à l’évidence, bien que, la Bible n’étant pas un traité médical, il soit impossible de rattacher, avec certitude, les lésions décrites à une pathologie en particulier. Il parait pourtant raisonnable de penser, à la lecture de la Bible, que le terme de ṣara‛at recouvre une famille d’affections cutanées, bénignes, non contagieuses, même si le texte biblique ne fait allusion, à aucun moment, à un quelconque traitement, médical ou autre et si une éventuelle guérison est évoquée à deux reprises960 : « Mais si la teigne s’est tenu à ses yeux et que du poil noir y a poussé, la teigne est guérie (nirpa), il est pur : le kohen le déclarera pur961. » « Le kohen sortira en dehors du camp, le kohen examinera, et voici : la lésion de ṣara‛at est guérie (nirpa) chez le porteur de ṣara‛at962. » Il est clair que le rédacteur du Lévitique ne considère pas réellement la ṣara‛at comme une maladie, et de plus, il ne porte aucun jugement de valeur sur les personnes qui en sont atteintes. Il y a actuellement, même s’il est récent, un consensus dans les milieux médicaux pour affirmer que la ṣara‛at n’est pas la maladie de Hansen, mais les débats restent ouverts quant à l’identification de cette ou de ces affections, et les hypothèses sont nombreuses et plus ou moins convaincantes. Mais notre propos n’est pas de rechercher les causes médicales de la ṣara‛at, mais d’examiner celles qui sont proposées par les textes et la tradition. Dans la Bible hébraïque, Dieu est tantôt la cause de la maladie963, tantôt celle de la guérison. Néanmoins, les cas où Dieu se montre guérisseur sont beaucoup moins nombreux que ceux où il provoque la maladie. Dans le passage suivant, Dieu aurait pu soigner un malade beaucoup mieux que les médecins consultés : « En la trente-neuvième année de son règne, Asa (roi de Juda) eut les pieds malades d’une maladie extrêmement grave ; et pourtant au cours de sa maladie, il ne consulta pas l’Eternel, mais les médecins. Puis Asa se coucha avec ses pères et il mourut en l’an quarante et un de son règne964 » De nombreux textes bibliques évoquent la possibilité d’une guérison par intervention divine. A Ezéchias, très gravement malade, Dieu fait dire par l’intermédiaire d’Isaïe : « […] j’ai entendu ta prière, j’ai vu tes larmes. Voici que je vais te guérir : au troisième jour tu monteras à la Maison de l’Eternel. J’ajouterai à tes jours quinze années965 […] » Ailleurs, l’Eternel s’adresse à Moïse : « Si tu écoutes bien la voix de l’Eternel, ton Dieu, et si tu fais ce qui est droit à ses yeux, si tu prêtes l’oreille à ses ordres et si tu observes toutes ses règles, je ne t’infligerai aucune des maladies que j’ai infligées à l’Egypte, car je suis l’Eternel, celui qui te guérit966  » Enfin, toujours dans Exode, l’Eternel s’adresse ainsi aux Hébreux : « Vous servirez l’Eternel, votre Dieu. Il bénira ton pain et ton eau. J’écarterai la maladie de chez toi. Il n’y aura pas dans ton pays de femme qui avorte ni de femme stérile967 ». Enfin, si un hommage est rendu au médecin968 « créé par Dieu », la divinité reste le dernier recours969 : « quand tu es malade, ne te révolte pas, mais prie l’Eternel et il te guérira ». Le texte suivant apporte quelques pistes de réflexion sur les causes de la ṣara‛at telles que les conçoivent les Rabbins : Voici ce qui est écrit : « Il y a six choses que hait l’Eternel et sept (we-sheva‛) qu’il a en horreur970 ». Rabbi Me’ir a dit : six et sept qui font treize [choses]. Nos Sages ont dit : sept choses seulement sont mentionnées. Mais comment nos Sages interprètent-ils « et sept » ? [Ils l’interprètent ainsi :] et la septième est la pire de toutes. Quelle est-elle ? « Le semeur de querelles entre frères971 ». Les sept choses sont : des yeux hautains, une langue menteuse, des mains qui répandent le sang innocent, un cœur qui médite des projets coupables, des pieds empressés à courir au mal, un faux témoin qui profère des mensonges, le semeur de querelles entre frères. Rabbi Yoḥanan a dit : ces sept choses sont punies par la ṣara‛at  . Les Rabbins aimaient beaucoup les énumérations et dans un autre texte , on retrouve une variante de cette liste de causes de la ṣara‛at : Rabbi Shemu’el ben Naḥmani a dit au nom de Rabbi Yoḥanan : on est frappé de ṣara‛at à cause de sept choses. Ce sont : la calomnie (ou la médisance), verser le sang, le faux serment (ou la profanation du nom de Dieu), l’inceste (ou les relations sexuelles interdites), l’arrogance, le vol et la jalousie. La suite du texte va, comme dans le Midrash, donner des exemples justifiant les sept causes énumérées. Mais les Rabbins ont développé d’autres théories et énuméré d’autres causes, qui recoupent parfois celles déjà exposées : Du verset : il y a onze jours974, Rabbi Yehudah ha-Lévi a déduit que la ṣara‛at vient de onze péchés : maudire le nom de Dieu, immoralité, massacre, accuser quelqu’un d’une faute qu’il n’a pas commise, arrogance, accaparer le bien d’autrui, mensonge, vol, faux serment, profanation du nom du Ciel, idolâtrie. Rabbi Yiṣḥaq a ajouté : le mauvais œil, et les Sages : le mépris des mots de la Torah975 . Une autre liste recoupe plus ou moins les précédentes : A cause de dix choses la ṣara‛at frappe la terre : idolâtrie, union illicite (inceste et adultère), massacre, profanation du nom divin, blasphème, vol, usurpation de nom, orgueil, médisance et calomnie.

Médisance 

La médisance (ou la calomnie, lashon ha-ra‛ הרע לשון (est la cause principale de la ṣara‛at pour la grande majorité des Rabbins de l’Antiquité et même des commentateurs modernes979 . Faut-il penser que les Juifs, dans le désert, avaient la langue acérée au point de justifier deux chapitres de la Torah et la punition terrible qu’est l’exclusion du camp et de la communauté ? Il est vrai que la médisance et la calomnie occupent une grande place dans la Bible hébraïque. Ainsi, un verset interdit implicitement la propagation d’une information pouvant nuire à autrui : Lévitique 19, 16 : Tu n’iras pas colportant la médisance dans tes peuples […]. La calomnie est d’ailleurs punie, comme dans le cas du mari qui soupçonne sa femme et l’accuse, à tort, d’adultère : Deutéronome 22, 14 : et qu’il lui impute alors des fautes et la diffame publiquement en disant : Cette femme que j’ai épousée et dont je me suis approché, je ne lui ai pas trouvé les signes de la virginité. La suite du texte précise que l’époux calomniateur sera puni d’une amende de cent sicles d’argent et condamné à ne pas pouvoir divorcer de l’épouse calomniée. Le prophète Jérémie stigmatise la calomnie à plusieurs reprises et n’a pas une très bonne opinion de son entourage : Jérémie 6, 28 : Tous sont rebelles, colporteurs de calomnies, durs comme bronze et fer, tous sont des destructeurs. Jérémie 9, 3 : Que chacun soit en garde contre son ami, méfiez-vous de tout frère ; car tout frère ne pense qu’à tromper, tout ami colporte la calomnie. De nombreux autres versets pourraient être cités mais la médisance et la calomnie sont surtout décrites et condamnées dans les Psaumes et les Proverbes. Ainsi : « La mort et la vie sont au pouvoir de la langue980 […] » ; « Mettre un frein à sa bouche et à sa langue, c’est se préserver de bien des tourments981 » ; « Préserve ta langue du mal et tes lèvres des discours perfides982 » et : « Leur bouche s’attaque au ciel ; leur langue promène ses ravages sur la terre983 ». Cependant, il faut bien noter que texte biblique ne donne aucune cause à la ṣara‛at de l’homme (ou des vêtements, mais attribue celle des maisons à une action divine sans en préciser la raison ni le sens). La tradition est prolixe en matière de médisance. Ainsi le divin ne peut supporter la calomnie et la Présence divine (la shekhinah) se voile984 . Dans T.B. ‛Arakhin 15b, on peut lire : L’école de Rabbi Yishma’el a enseigné : la médisance dépasse les trois transgressions que sont le meurtre, l’inceste (qui inclut l’adultère) et l’idolâtrie. Un peu plus loin : Elle (la médisance) détruit trois personnes, celui qui la profère, celui qui la reçoit et la transmet et celui qui est visé. Enfin, un exemple tout simple de médisance est exposé : « le feu flambe dans le four d’Untel » est une information. Mais dans un certain contexte, elle peut être une désinformation, comme si on disait, « ailleurs le feu ne flambe pas ; il flambe chez Untel, car il y a beaucoup de viande et de poisson (il est donc riche !) ». Lors de la repentance de Yom Kippur985, sur quarante-trois péchés énumérés, onze concernent le langage. D’une façon générale, on ne doit pas répéter ce qu’on a entendu, ni parler en bien ou en mal de quiconque, car cela risque d’être mal interprété ou d’offenser son interlocuteur. Mais on est autorisé à parler quand on témoigne devant un tribunal ou quand son prochain est en danger.

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