Les conceptions des élèves en sciences

En abordant une séquence d’enseignement de sciences durant le secondaire, nous prenons le temps de convoquer les conceptions des élèves, et sommes souvent surpris par l’exotisme de ces dernières. Et pourtant, la plupart du temps, cette thématique a déjà été abordée par les élèves durant leur parcours scolaire. Dès lors, il devient légitime de nous questionner sur les possibilités que nous avons de permettre à l’élève de transformer une conception erronée en une autre qui serait en accord avec les connaissances scientifiques actuelles. Cette étude poursuit le dessein de comprendre davantage le processus d’apprentissage des élèves durant une séquence de sciences. Des conceptions initiales semblent exister. Il s’agira de comprendre d’où elles proviennent et s’il est important d’en tenir compte lorsque nous construisons une séquence.

Les conceptions des élèves en sciences

La notion de conception a rapidement été évoquée. Nous nous devons de préciser notre pensée en exposant ce que nous entendons par ce terme. Notons pour commencer, qu’ « un apprenant n’est nullement un sac vide que l’on peut « remplir de connaissances », et encore moins un objet de cire conservant en mémoire les empreintes qu’on y a moulées » (Giordan & de Vecchi, 1987, p. 66). Giordan et de Vecchi précisent que l’élève serait plutôt :

Un organisme « acteur  » […] construisant au cours de son histoire sociale, au contact de l’enseignement, mais bien plus encore à travers toutes les informations médiatisées et les expériences de la vie quotidienne, une structure conceptuelle dans laquelle s’insèrent et s’organisent les connaissances appropriées et les opérations mentales maîtrisées. Cet assemblage est à la fois une structure d’accueil permettant d’assimiler ou non les informations nouvelles et un outil à partir duquel chacun va déterminer ses conduites et négocier ses actions. (Giordan & de Vecchi, 1987, p. 66) .

Giordan et de Vecchi constatent que cette structure conceptuelle individuelle constitue un sujet d’étude assez récent. Leibniz prétendait que l’esprit n’était pas une table rase, mais qu’au contraire, il existait en lui quelque chose de préformé, une sorte de bloc de marbre à façonner. Condillac, au contraire, affirmait que l’esprit était passif et ne faisait que recevoir sans réagir. Ces affirmations demeuraient au stade d’intuitions et ne reposaient sur aucune étude approfondie auprès de sujets.

Plus tard, Piaget a mis en évidence l’existence d’un développement cognitif. Afin de parvenir à ses conclusions, Piaget a utilisé une méthodologie inévitable lorsque nous cherchons à analyser les conceptions d’un sujet : l’entretien clinique. Néanmoins, Giordan et de Vecchi reprochent à Piaget de ne pas s’intéresser directement à l’apprenant mais à une espèce de « modèle », de ne pas tenir compte des aspects dynamiques, et finalement, d’éluder les contenus et de ne pas s’intéresser à chaque domaine particulier du savoir. L’analyse des représentations des élèves en sciences a connu un fort essor depuis une quarantaine d’années. La volonté initiale était de découvrir davantage certains paramètres dont il faut tenir compte lors de la construction d’une séquence d’enseignement. « A cette époque, les représentations […] sont des sortes de « choses » existant dans la tête des élèves, de nature stable quelles que soient les circonstances et à connaître en préalable à un cours » (Giordan & de Vecchi, 1987, p. 74).

Sous l’impulsion de personnes comme Giordan, Astolfi, ou encore Martinand, on développe un certain nombre de travaux de catégorisation des représentations et des obstacles aux apprentissages. Depuis, 1980, ce genre d’études se sont multipliées et se sont affinées. Les représentations ne sont plus étudiées en tant que produit, mais comme processus.

Elles sont considérées comme des sortes de structures mentales mises en œuvre face à des situations-problèmes particulières. Nous souhaitions définir davantage la notion de conception, et pourtant, nous parlons actuellement de représentation. Il s’agit du terme utilisé historiquement, mais, Giordan et de Vecchi le précisent : Aussi à ce terme de « représentation », nous préférons, pour des raisons de clarté, celui de « conception » ou de « construct ». Le premier met l’accent sur le fait qu’il s’agit, à un premier niveau, d’un ensemble d’idées coordonnées et d’images cohérentes, explicatives, utilisées par les apprenants pour raisonner face à des situations problèmes, mais surtout il met en évidence l’idée que cet ensemble traduit une structure mentale sous-jacente responsable de ces manifestations contextuelles. Quant au second, il met en valeur l’idée, essentielle à nos yeux, d’élément moteur entrant dans la construction d’un savoir, et permettant même les transformations nécessaires. (Giordan & de Vecchi, 1987, p. 79) .

La conception est, donc, le processus d’une activité de construction mentale du réel. L’apprenant la réalise par l’intermédiaire de ses sens, mais également par le biais de relations qu’il entretient avec autrui, ainsi qu’avec d’autres savoirs, et qui demeurent notés dans sa mémoire. Tous ces éléments sont codés dans un système cognitif global et cohérent. Ces conceptions antérieures filtrent, trient et élaborent les informations reçues. Ce processus engendre, parfois, de nouvelles conceptions. Giordan et de Vecchi résument cela en expliquant qu’une conception peut être représentée comme étant une fonction dépendant des variables suivantes : problème, cadre de référence, opérations mentales, réseau sémantique et signifiants.

Le problème constitue l’élément déclencheur permettant à la conception de naître et d’émaner. Le cadre de référence est dû à toutes les connaissances et représentations que possède l’apprenant et sur lesquelles il va se baser pour construire une conception. Les opérations mentales représentent l’ensemble des opérations intellectuelles que l’apprenant maîtrise et qu’il va mettre en jeu. Le réseau sémantique permet de donner une cohérence à la conception créée. Finalement, les signifiants constituent l’ensemble des traces, signes et symboles qui permettent la production de la conception. Convoquer les conceptions des élèves recèle une grande richesse pour l’enseignant de sciences. Elles lui permettent de circonscrire les connaissances initiales des élèves, mais surtout, d’observer comment elles seront mis en jeu face à une situation-problème donnée. Tentons d’être pragmatique en illustrant cette notion de conception avec des exemples concrets.

Table des matières

1. Introduction
1. 1. Les conceptions des élèves en sciences
1. 2. Exemples de conceptions erronées
1. 3. Des conceptions erronées en physique
1. 4. La reconfiguration du savoir
2. La problématisation
2. 1. Définition de l’enseignement
2. 2. Les didactiques des sciences : le modèle allostérique
2. 3. Les conceptions erronées en optique
2. 4. Des références communes
3. Cadre théorique
3. 1. Concepts scientifiques et concepts quotidiens
3. 2. Le concept quotidien peut jouer le rôle d’obstacle
3. 3. Les obstacles épistémologiques
3. 4. La synthèse additive et la synthèse soustractive
3. 5. Nos questions de recherche
4. Méthodologie
4. 1. Analyse préalable
4. 2. Analyse a priori
4. 3. Planification argumentée
4. 4. La composition du recueil de données
5. Analyse du recueil de données
5. 1. Evaluation diagnostique pré-séquence
5. 2. Evaluation diagnostique post-séquence
5. 3. Item 2 et item 3 de l’évaluation sommative
5. 4. Interprétation des données recueillies
6. Conclusion

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