Les concepts-clés des méthodes pédagogiques de M. Montessori et d’E.Willems

Les concepts-clés des méthodes pédagogiques de M. Montessori et d’E.Willems

Formation et contenu de la méthode pédagogique Maria Montessori (1870-1952) et Edgar Willems (1890-1978) sont deux pédagogues qui s’inscrivent dans le concept de méthode active et le mouvement de l’Ecole nouvelle. Au premier regard, on peut penser que beaucoup de choses les séparent. Edgar Willems est un musicien et un pédagogue de la musique. Maria Montessori, elle, n’a pas de formation musicale et s’est appuyée sur le savoir musical d’une de ses connaissances, Anna Maccheroni (1879-1965), avec qui elle a collaboré plusieurs années. M. Montessori vient du monde de la science, mais son parcours de vie (supervision d’un orphelinat) l’a menée sur la voie de l’éducation. Elle a alors créé une méthode d’éducation générale qui inclut toutes les disciplines scolaires. Méthode empirique basée sur l’observation de l’enfant Leurs préceptes sont basés sur une observation de l’enfant dans son développement. E. Willems a fait des parallèles entre le rythme physiologique de l’humain et la musique. M. Montessori, elle, a développé une théorie basée sur les tendances naturelles de l’enfant (aussi nommées « périodes sensibles ») qui rendent l’enfant particulièrement réceptif et perméable à certains éléments de son environnement. Son attirance instinctive lui permettra d’apprendre sans effort grâce à son « esprit absorbant ». Cette qualité est particulièrement présente chez les enfants de 3 à 6 ans; c’est pourquoi les apprentissages tels que la musique doivent avoir lieu dès le plus jeune âge. Les apprentissages se feront de manière sensorielle et expérimentale pour que le concept se forme de façon durable. Pour E. Willems, l’apprentissage se fait aussi par imprégnation réceptive et active et doit commencer dès le plus jeune âge (environ 3-4 ans). Willems ainsi que Montessori souhaitent laisser beaucoup de temps à l’enfant pour manipuler, jouer, expérimenter avant de conceptualiser l’apprentissage par la théorie.

Buts de l’apprentissage musical

La musique doit, selon eux, non seulement procurer de la joie et du plaisir mais elle a également pour but l’épanouissement. En effet, la musique éveille les sens de l’enfant et doit lui permettre d’exprimer ses sensations et de bâtir sa personnalité. Elle est, pour E. Willems comme pour M. Montessori, un facteur de développement personnel certain.2 Pour M. Montessori, la musique peut également aider à développer certaines compétences transversales; elle permet, par exemple, de structurer la langue car la musique présente en elle-même un type de structure analogue. Elle aide aussi à développer la pensée symbolique, la coordination et la pensée sociale, puisqu’une des finalités de la musique est le partage3. Contenu du programme d’enseignement musical Une partie relativement importante du programme des deux pédagogues est réservée à l’ « éducation de l’oreille » selon les termes d’E. Willems. Dans son ouvrage « L’oreille musicale », il distingue trois stades de développement : la sensibilité auditive, la sensibilité affective auditive et l’intelligence auditive. Les activités rythmiques corporelles font également partie de leur programme.

Tous deux recourent aux mouvements naturels de l’enfant (balancements, marche, sautillés, courses, galops). Les enfants sont invités à ressentir et vivre la musique. « Ils absorbent ces différences rythmiques par la sensation musculaire » (E. Willems, 1968). M. Montessori conseille aux enseignants les mêmes types d’exercices qu’elle associe à une autre activité qui se nomme « autour de la ligne » et qui travaille, entre autres, l’équilibre. La pratique instrumentale est présente dans les deux méthodes, néanmoins il existe un désaccord sur la question de la création. En effet, Willems affirme que « la création musicale n’est presque jamais le fait des petits» (E. Willems, 1978). Montessori en revanche préconise que l’enfant, par l’exploration des instruments et l’improvisation, invente des mélodies qui pourront être écrites par l’enfant lui-même et donner lieu à une représentation devant la classe. L’écriture et la lecture de la musique sont enseignées et tiennent une place d’importance. Les enfants apprennent très tôt, dès 4 ans environ, des éléments théoriques: la gamme chromatique, les intervalles entre les notes de musique, la gamme majeure et mineure… Ces apprentissages conduisent à notre sens davantage à une formation poussée de la musique qui prépare à la pratique d’un instrument qu’à une formation de base qui serait une ouverture, une initiation à la musique. La méthode E. Willems est d’ailleurs souvent utilisée dans les conservatoires de musique, notamment celui de Lausanne.

Matériel pédagogique E. Willems se base beaucoup sur des chants à caractères variés et invite les enfants à développer leurs perceptions des sons de manière ludique, sous forme de jeux, de danse et d’activités rythmiques. Il est également connu pour son carillon intra-tonal accordé au ton, demi-ton, tiers, quart… jusqu’au 18ème de ton. Cela permet un travail subtil sur la discrimination de la hauteur du son. Ce matériel permet d’explorer des mélodies tonales mais également atonales, ce qui constitue une réelle originalité. Montessori propose également un matériel qui permet la discrimination auditive. Les boîtes sonores permettent aux plus jeunes enfants, vers 3 ans, d’explorer les différences de timbres. Ces cylindres en bois sont remplis de différentes matières (sable, petits cailloux…). Un jeu de cylindres est composé de deux séries identiques de cylindres opaques. Ils permettent à l’enfant de faire des appariements, c’est-à-dire qu’il doit retrouver, par la discrimination auditive, les paires qui vont ensemble. Les clochettes permettront également de raffiner le sens auditif et serviront de base pour apprendre l’écriture de la musique.

Celles-ci (constituées de deux séries de clochettes identiques présentant la gamme chromatique) sont accompagnées d’une tablette en bois sur laquelle est dessinée la portée ainsi que de jetons numérotés sur lesquels est écrit le nom des notes. Les activités de chant et d’écoute font également partie du programme car elle les mentionne dans plusieurs de ses ouvrages mais ils apparaissent davantage sous forme de préceptes que d’exercices précis ou de matériel. Modalités de travail et gestion de classe Le mode d’organisation de la classe est sensiblement différent d’un pédagogue à l’autre. Une classe Willems se compose souvent d’une dizaine d’enfants. Ce sont des classes à effectif réduit dans lesquelles les élèves suivent tous la même leçon de musique en même temps. Les enfants ont souvent le même âge et avancent grosso modo au même rythme. A l’inverse, la méthode Montessori s’appuie sur un programme individualisé pour chaque enfant. Une classe comprend souvent une vingtaine d’élèves d’âges différents (entre 3 et 6 ans pour le premier stade ; entre 6 et 12 ans pour le second). Personne ne fait la même chose au même moment. Le matériel pédagogique se manipule souvent individuellement et de manière autonome. L’enfant n’a que très peu besoin de l’adulte car le matériel permet l’autocontrôle. Il y a chez Montessori également une place pour le collectif mais ces moments ne sont jamais imposés (les enfants peuvent décider de ne pas y participer) et doivent toujours rester spontanés. Contrairement à Willems, l’autonomie a une grande place et l’adulte reste très en retrait. Willems, lui, préconise une place centrale de l’adulte. L’instrument de musique a également une grande importance chez Willems. Chaque enseignant de musique doit impérativement pratiquer un instrument de musique avant de suivre la formation. Il doit être capable de jouer de son instrument et de conduire la classe simultanément, ce qui demande une grande maîtrise de la pratique musicale, comme nous avons pu l’observer lors d’un cours Willems au conservatoire.

Critiques des méthodes actives

Il existe peu de littérature scientifique sur les pédagogies actives. Dans son livre « Pourquoi enseigner la musique », C. Dauphin (2011) expose les différentes méthodes actives et propose des regards critiques d’autres pédagogues. Selon C. Dauphin, certaines théories constructivistes valorisant la créativité contestent les activités mimétiques qui réduiraient le sujet à simplement répéter sans même réfléchir. Elles auraient été mises en place uniquement pour éviter que les élèves soient passifs. On peut en effet penser que la pure répétition n’est pas en soi un atout pour l’apprentissage. Cependant, il y a peut-être un malentendu sur le sens du mot répétition. La majorité des gens comprend ce mot comme quelque chose de rébarbatif, qui nous est imposé sous la contrainte, mais pour Maria Montessori, la répétition part du mouvement volontaire de l’enfant. Ce désir de l’enfant fait toute la différence entre ce que l’on pourrait nommer répétition « fertile » et répétition « stérile ». Comme le rappelle Patel (2008), les théories de l’apprentissage des langues et de la musique (celles de Gruhn et de Gordon) ont démontré que la répétition était un élément essentiel à l’apprentissage des savoirs.

Dauphin (2011) cite les travaux de plusieurs pédagogues qui formulent des critiques. Certains prônent plutôt la pédagogie de l’éveil à la créativité, l’inventivité et l’expérimentation sonore et sont opposés au culte de la voix juste, des pulsations égales, de l’écriture et de la lecture de notes, notions qui sont toutes présentes dans les méthodes actives. Nous n’avons pas eu le même ressenti lors de nos observations aux cours d’Initiation musicale Willems du Conservatoire de Lausanne : il y avait une large place à l’expérimentation et à la créativité. L’enseignante ne corrigeait pas systématiquement les élèves et préférait un enseignement par acculturation et expérimentation à un enseignement technique. Synthèse du cadre théorique Ainsi, nous constatons, après avoir exposé l’histoire, les conceptions et les enjeux principaux de ces méthodes, qu’il y a une correspondance entre les théories didactiques contemporaines sur l’apprentissage musical et l’esprit des méthodes actives. En effet, l’organisation de l’apprentissage en trois étapes (percevoir, produire, réfléchir) correspond tout à fait à la volonté de E.Willems et M. Montessori de privilégier une entrée par l’expérimentation et la pratique pour cheminer vers la conceptualisation. Les deux pédagogues finalisent leur enseignement dans l’appropriation de notions de la théorie musicale, ainsi que de l’écriture et de la lecture. Rappelons également que le terme « actif » ne signifie pas le simple fait d’être en mouvement et de jouer mais précise le rôle de l’enfant face au savoir.

Table des matières

1. Introduction
1.1. Genèse et élaboration du travail
2. Cadre théorique
2.1. L’apprentissage musical
2.2. Les méthodes actives
2.3. Les concepts-clés des méthodes pédagogiques de M. Montessori et d’E.Willems
2.4. Critiques des méthodes actives
2.5. Synthèse du cadre théorique
3. Mise en oeuvre du travail de recherche
3.1. Travail préalable : Analyse du plan d’études (PER) et des moyens d’enseignement romands (MER)
3.2. Evolution de notre question de recherche
3.3. Méthodologie de la recherche
4. Séquences d’enseignement : planifications et analyses
4.1. Planification générale de l’enseignante 1
4.2. Séances 1 à 4 de l’enseignante 1
4.3. Planification générale de l’enseignante 2
4.4. Séances 1 à 4 de l’enseignante 2
5. Discussion des analyses
6. Conclusion
7. Bibliographie
8. Annexes
9. Résumé

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