Les conseils d’élèves hebdomadaires en CE2

Les conseils d’élèves hebdomadaires en CE2

POURQUOI METTRE EN PLACE UN CONSEIL D’ELEVES ? 

 La pédagogie coopérative de Freinet

Le conseil d’élèves est une pratique de classe promue par Célestin Freinet et le mouvement de l’Ecole Moderne à la suite de la première Guerre Mondiale. Replacer cette pédagogie dans son contexte sociétal permet d’appréhender globalement ses volontés. Le conseil d’élèves, également appelé le conseil de coopérative, assure la gestion de cette dite « coopérative ». La coopérative à l’école a été créée par l’inspecteur du primaire Barthélemy Profit au lendemain de la première Guerre Mondiale3 . Son objectif est de permettre aux citoyens de participer financièrement aux dépenses de chaque école. En effet, l’économie française est affaiblie à la suite de ce conflit. Ainsi, chacun peut aider l’institution scolaire à se reconstruire. Conformément à ce nouveau dispositif, Célestin Freinet met en place des classes coopératives. Célestin Freinet est instituteur militant pour les Droits de l’enfant et un « acteur engagé et national de l’école et de la politique éducative française. » 4 Dans ces classes coopératives, la coopérative est aux mains du groupe-classe et le conseil de coopérative représente l’assemblée générale durant laquelle les décisions sont prises. D’autres dispositifs sont présents dans la pédagogie coopérative : la correspondance interscolaire, l’imprimerie, le journal scolaire, les projets, les plans de travail en autonomie5 . L’imprimerie est instaurée dès 1924 à l’école de Bar-sur-Loup. La pédagogie coopérative se réclame de la méthode naturelle ; l’école s’ouvre sur l’extérieur, « l’école est dans la vie. » 6 Plusieurs organismes diffusent cette pédagogie, notamment l’ICEM (institut coopératif de l’école moderne). Selon l’ICEM, le conseil de coopérative « organise la vie de classe, les relations entre ses membres, [et] le travail collectif ou individuel. » 7 Cette pédagogie se réclame comme pédagogie nouvelle, faisant le lien avec d’autres pédagogues notoires comme Montessori, Decroly, Dewey. Cependant, contrairement a ses homologues, Freinet est issu du milieu scolaire ; c’est un instituteur qui applique ses théories dans sa classe. Ainsi, la pédagogie coopérative de Freinet est avant tout axée sur la pratique Cette pratique est issue de la volonté de Freinet d’offrir aux élèves, « enfants d’ouvriers et de petits paysans » 8 , la perspective de la pédagogie nouvelle. De ce fait, la pédagogie coopérative a été conçue pour les milieux populaires ruraux. 

Les pédagogies institutionnelles de Oury et Fonvieille 

Disciples de la pédagogie coopérative, deux instituteurs, Fernand Oury et Raymond Fonvieille rejoignent le mouvement de l’ICEM et intègrent l’IPEM (institut parisien de l’école moderne). Ces deux professeurs rédigent les publications de l’ICEM en région parisienne au sein de l’IPEM : L’éducateur d’Ile de France. Celle-ci fait rapidement office de référence en la matière à l’échelle nationale. Oury et Fonvieille tâchent d’adapter la pédagogie de Freinet aux écoles de la ville puisque celle-ci était principalement adaptée aux écoles de milieu rural9 . Oury et Fonvieille s’éloignent du groupe et créent le GTE (groupe des techniques éducatives) en 1961. Ces deux pédagogues empruntent alors les outils de la pédagogie coopérative de Freinet et les mêlent à des apports issus de la psychothérapie et de la socio-politique. En effet, à cette époque, Oury est en charge d’une classe de perfectionnement (ce qui correspond aux actuelles CLIS). Le public d’élèves auquel il enseigne est un public difficile, considéré comme « débiles mentaux » d’après l’arrêté du 12 août 196410. De son côté, Fonvieille enseigne à un public socialement défavorisé en situation d’échec scolaire. Ainsi, Freinet, Oury et Fonvieille enseignent tous les trois à un public particulier. C’est la raison pour laquelle ils vont collaborer avec médecins, psychologues, architectes, urbanistes, parents d’élèves, journalistes, commissions spécialisées de l’ICEM, d’autres courants pédagogiques et des spécialistes des sciences humaines.La notion d’institution est au centre de cette nouvelle pédagogie. Ahmed Lamihi distingue les institutions internes des institutions externes : – Les institutions internes sont propres à la classe : le travail en équipe, la coopérative et son conseil, la correspondance interscolaire. – Les institutions externes régissent la classe : le groupe scolaire, l’académie, les instructions officielles, les règlements. La pédagogie institutionnelle naît de cette distinction entre la classe et son environnement. Le conseil est donc une institution interne faisant partie d’un tout. Tandis que Freinet qualifiait le conseil de « conseil de coopérative », pour les pédagogues institutionnels, ce conseil devient le « conseil de classe », son rôle et ses sujets s’élargissent. En effet, le conseil devient le lieu où les tâches pédagogiques sont gérées et où les conflits sont analysés. L’objectif principal de la pédagogie institutionnelle selon Fonvieille est l’éducation à l’autonomie. Trois principes constituent le socle du consei : – Le premier est la non-directivité : le maître autorise les élèves à discuter de ce qu’ils souhaitent tout en respectant le cadre organisationnel du conseil. Selon Fonvieille, l’éducation à l’autonomie est permise par la non-directivité. – Le deuxième principe est l’autogestion : le conseil est « l’organe de prises de décision et de régulation de la totalité des activités scolaires et socio-culturelles du groupe-classe. »  Le troisième principe est l’analyse institutionnelle. Le conseil est donc un lieu d’analyse collective, les élèves doivent pouvoir réfléchir sur leur pratique du conseil. 

Le conseil d’élèves est un outil qui permet de répondre à des objectifs variés en lien avec les instructions officielles 

Quels objectifs disciplinaires sont visés ?

L’instauration du conseil d’élèves dans la classe fait référence à deux disciplines dans les instructions officielles. Tout d’abord, c’est l’instruction civique et morale qui est concernée. Conformément au Bulletin officiel (hors série) n°3 du 19 juin 2008, « L’instruction civique et l’enseignement de la morale permettent à chaque élève de mieux s’intégrer à la collectivité de la classe et de 11 LAMIHI Ahmed, De Freinet à la pédagogie institutionnelle ou l’Ecole de Gennevilliers, op. cit., chap. 9. 12 Idem 9 l’école. »  L’objectif choisi pour cet enseignement est relatif à la compétence 6 du socle commun, « les compétences sociales et civiques ». L’objectif est le suivant ; « prendre part à un dialogue : prendre la parole devant les autres, écouter autrui, formuler et justifier un point de vue. »  D’après les nouveaux programmes d’enseignement moral et civique pour l’école élémentaire et le collège publiés au Bulletin officiel spécial n°6 du 25 juin 2015, au cycle 3, le domaine « Le droit et la règle : des principes pour vivre avec les autres » prévoit les conseils d’élèves et les débats démocratiques comme exemples de pratiques en classe pour « comprendre les notions de droits et de devoirs, les accepter et les appliquer. » Ainsi, deux objectifs de formation sont mis en avant lors de la pratique d’un conseil d’élèves : – Premièrement, les élèves sont amenés à « comprendre les raisons de l’obéissance aux règles et à la loi dans une société démocratique. » La loi est alors constituée par le groupe classe lors du conseil d’élèves qui représente une microsociété démocratique. – Deuxièmement, les élèves peuvent transposer cette expérience participative à l’échelle de la société au sens large pour « comprendre les principes et valeurs de la République française et des sociétés démocratiques. »C’est notamment pour cette raison que, dans l’emploi de temps de la journée, le conseil d’élèves est systématiquement associé à l’enseignement moral et civique, ce que les élèves ne perçoivent pas forcément au premier abord. Le rôle du professeur est alors de faire comprendre aux élèves la similarité entre leur conseil d’élèves, vécu comme une expérience anecdotique, et les sociétés démocratiques, dans lesquelles, l’échange et le débat constituent le premier outil de la liberté d’expression pour garantir l’égalité de tous les citoyens. C’est également en lien avec l’enseignement du français que le conseil d’élèves peut être transposé. Le conseil d’élèves participe à la maîtrise de la langue française. En effet, les élèves sont amenés à s’exprimer précisément et clairement à l’oral. Dans les programmes du cycle des approfondissements, le domaine du langage oral est résumé ainsi : « L’élève est capable d’écouter le maître, de poser des questions, d’exprimer son point de vue, ses sentiments. Il s’entraîne à prendre la parole devant d’autres élèves pour reformuler, résumer, raconter, décrire, expliciter un raisonnement, présenter des arguments. Dans des situations d’échanges variées, il apprend à tenir compte des points de vue des autres, à utiliser un vocabulaire précis appartenant au niveau de la langue courante, à adapter ses propos en fonction de ses interlocuteurs et de ses objectifs. »  Durant le conseil d’élèves, il est nécessaire pour les élèves d’être audibles pour être compris par leurs pairs. Chacun doit donc faire attention à sa prise de parole. En effet, lors du conseil d’élèves, chacun s’entraîne à prendre la parole devant ses pairs pour exprimer son avis en utilisant le vocabulaire approprié (je critique, je félicite ou je propose). Le président du conseil, assure la tenue du conseil et doit respecter son déroulement habituel. Sa prise de parole est réglée. De ce fait, le langage oral est le pilier de cet enseignement. Le domaine de l’écriture est également investi. Le secrétaire doit consigner dans le cahier du conseil d’élèves les dires de chacun. L’attention n’est pas portée sur l’orthographe mais sur la prise de notes des échanges entre les élèves.

Le climat scolaire à l’échelle nationale, l’éducation prioritaire à l’échelle locale et le projet d’école à l’échelle de l’établissement appuient cette démarche

 D’un point de vue institutionnel, plusieurs cadres permettent d’intégrer la pratique du conseil d’élèves dans les moyens d’actions des établissements pour leur permettre de répondre à des problématiques internes à l’école ou bien territoriales. En 2013, Vincent Peillon, alors Ministre de l’Education Nationale, propose refonder l’Ecole de la République avec la loi du 8 juillet 2013. Le texte mentionne plusieurs orientations dont : « améliorer le climat scolaire pour refonder une école sereine et citoyenne en redynamisant la vie scolaire et en prévenant et en traitant les problèmes de violence et d’insécurité. » 18 D’après cette loi, « les conditions d’un climat scolaire serein doivent être instaurées dans les écoles et les établissements scolaires pour favoriser les apprentissages, le bien-être et l’épanouissement des élèves et de bonnes conditions de travail pour tous. » 19 Sept leviers ont été mis en place pour agir sur le climat scolaire. La pédagogie et la coopération représentent un de ces   facteurs. Le guide de la Direction générale de l’enseignement scolaire intitulé Agir sur le climat scolaire à l’école primaire cite notamment les conseils d’élèves comme pratique favorable à l’engagement, à la coopération et à la motivation20. Fernand Oury est même cité sur le site internet CANOPE : « Il y a une chose qu’on peut donner sans la perdre : la parole. » Au-delà des instructions nationales, l’appartenance de l’école à un réseau d’éducation prioritaire légitime d’autant plus la pratique du conseil d’élèves. L’école concernée par ce mémoire fait partie du réseau d’éducation prioritaire de la Grange-aux-Belles. Ainsi, pour les établissements soumis à ce dispositif, deux des six priorités du référentiel permettent de légitimer la mise en place des conseils d’élèves. Il convient de préciser que ce référentiel est le fruit de la circulaire n°2014-077 en date du 4 juin 2014 intitulée « La refondation de l’éducation prioritaire ». Le premier axe d’action du référentiel, « maîtriser le lire, parler, écrire et enseigner plus explicitement », stipule que les élèves doivent lire, écrire et parler pour apprendre dans toutes les disciplines22. Ainsi, dans l’enseignement qui fait l’objet de ce mémoire, le « parler » est au centre de l’apprentissage de la discipline de l’enseignement moral et civique. Le deuxième axe, indique que « le climat scolaire et le bien-être des élèves dans les projets d’écoles, collèges et réseau », est une priorité. Ainsi, la notion de climat scolaire détaillée ci-dessus prend tout son sens au sein des établissements REP. La communauté éducative de l’école Parmentier a décidé de placer « la parole de l’élève » au centre de son projet d’école23 (annexe 1). Ainsi, dans les classes, des 15lib sont mis en place. Les élèves sont invités à échanger pendant quinze minutes à partir d’un support choisi par chaque professeur. Dans notre classe de CE2, les deux enseignants ont donc établi des plages horaires intitulées « Quoi d’neuf ? » pour répondre à cette attente. Néanmoins, le conseil d’élèves concerne également le projet d’école puisque la parole de l’élève est au centre de celui-ci

Table des matières

Introduction
1. Pourquoi mettre en place un conseil d’élèves ?
1.1. Quelles sont les origines de cet outil ?
1.1.1. La pédagogie coopérative de Freinet
1.1.2. Les pédagogies institutionnelles de Oury et Fonvieille
1.2. Le conseil d’élèves est un outil qui permet de répondre à des objectifs variés en lien avec les instructions officielles
1.2.1. Quels objectifs disciplinaires sont visés ?
1.2.2. Le climat scolaire à l’échelle nationale, l’éducation prioritaire à l’échelle locale et le projet d’école à l’échelle de l’établissement appuient cette démarche
1.3. Quel contexte m’a poussé à mettre en place un conseil d’élèves hebdomadaire ?
1.3.1. La découverte de cet outil en classe
1.3.2. Une école « banale » devenue particulière
1.3.3. Le contexte de cette classe
2. Comment mettre en place un conseil d’élèves hebdomadaire ?
2.1. L’organisation rigoureuse du conseil
2.1.1. Les responsabilités occupées par les élèves
2.1.2. L’organisation spatiale
2.1.3. L’organisation matérielle
2.1.4. L’organisation temporelle
2.2. Le déroulé des différents conseils
2.2.1. La structuration des conseils réguliers hebdomadaires
2.2.2. Les conseils extraordinaires
2.2.3. Les conseils bilans de fin de journée
2.3. Les composantes inhérentes au conseil
2.3.1. Sujets types abordés lors des conseils
2.3.2. L’enseignant assure trois fonctions pendant le conseil d’élèves
3. Quel bilan porter sur le conseil d’élèves ?
3.1. La vision des élèves
3.1.1. Les ressentis des élèves exprimé à la suite d’un conseil en milieu d’année
3.1.2. Les perceptions des élèves dégagées à partir de deux questionnaires
3.2. La vision de l’enseignant
3.2.1. Observations portées sur la classe et le climat scolaire
3.2.2. Observations portées sur les individus et les apprentissages
3.2.3. Améliorations possibles pour une meilleure pratique des conseils d’élèves
3.3. Prolongements d’étude
3.3.1. Perspectives interdisciplinaires
3.3.2. Des visions variées du conseil d’élèves et de la pédagogie coopérative
Conclusion
Annexes
Annexe 1 : projet d’école
Annexe 2 : disposition de la classe durant un conseil
Annexe 3 : « réfrigérateur »
Annexe 4 : compte-rendu d’un conseil
Annexe 5 : questionnaire climat scolaire
Annexe 6 : questionnaire conseil d’élèves
Annexe 7 : questionnaire de l’Académie de Grenoble
Bibliographie

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