Les différentes composantes d’une collaboration

En 1996, suite à l’affaire Dutroux, les Maisons de Justice sont créées afin d’augmenter la cohérence interne du système judiciaire, notamment suite à l’arrivée des nouvelles missions au sein du secteur pénal . Le mardi 13 décembre 2011, Nordine Amrani, qui est en libération conditionnelle, lance une grenade parmi la foule qui attend devant les abribus à Liège. Au-delà̀ du drame et de l’émotion suscitée, cet évènement a soulevé différentes interrogations à propos du contrôle, de la détention d’armes mais également au sujet de la récidive et du suivi des libérés conditionnels .

Pour Sébastien Dauchy et Jean Michel Brinert , la prison est souvent une fabrique de criminels. Nous devons donner les moyens de mieux surveiller les gens qui en sortent. Avant les attaques, de type Nordine Amrani, on traitait encore trop souvent l’information sur la base d’une classification « need to know ». A présent, il est important de pouvoir échanger rapidement et facilement les informations, ce qui prévaut maintenant c’est le « need to share ».

C’est ainsi qu’en 2015, au sein des Maisons de Justice, la directive vérification de 1999 est révisée. Celle-ci va modifier les moyens de contrôle mis à disposition des assistants de justice (AJ) et va également réinstaurer les contacts entre ces derniers et les services de police. Afin de comprendre la relation entre ces deux services, nous allons réaliser une étude sur la collaboration entre les services de police et la Maison de Justice de Verviers.

Pour commencer cette partie, il nous semble opportun de définir et d’expliquer les différents concepts qui lient les deux services. C’est ainsi que nous allons présenter la directive vérification de 2015. Cette directive, qui s’applique à toutes les missions pénales assurées par les Maisons de Justice, comprend les moyens de vérification que l’AJ doit mettre en place dans le cadre de ses missions et de sa méthode « aide contrôle ». Nous retrouvons, par exemple, la consultation du casier judiciaire du justiciable et de son milieu d’accueil, les visites domiciliaires permettant une rencontre avec le milieu de vie et un aperçu du contexte de vie ainsi que les attestations que le justiciable doit faire parvenir à l’AJ afin d’attester son discours. Nous retrouvons également les contacts avec les tiers, et plus particulièrement avec la police.

Cette directive stipule dans quel cas les AJ peuvent prendre contact avec la police. Tout d’abord dans le cadre de la vérification du domicile/ de la résidence, en début de guidance, en cas de déménagement ou si le justiciable ne répond pas aux convocations,… Ensuite, dans le cadre de la vérification des conditions d’interdictions. Pour terminer, l’AJ peut contacter les services de police afin d’obtenir des informations sur une éventuelle commission d’infraction et ainsi savoir si le justiciable a été auditionné comme auteur dans le cadre d’un nouveau dossier. Toute autre information transmise par la police devra être analysée par l’AJ en terme de pertinence. Dans le sens inverse, cette directive autorise les AJ à transmettre des informations aux services de police en vue de résoudre des difficultés survenant dans le cadre de la guidance.

Depuis fin 2018, un programme informatique a été mis en place entre les différents services, il s’agit d’I+ Belgium. Il est intéressant de savoir que la Commission d’enquête parlementaire sur les attentats terroristes a insisté sur la nécessité d’une numérisation et d’une accélération de la procédure: I+ Belgium apporte dès lors une réponse à cette recommandation. Ce programme est une plate-forme électronique d’échanges d’informations pour le contrôle, la surveillance et le suivi des libérés conditionnels.

Comme le souligne « Le journal de la Police » , les objectifs de ce programme sont l’alimentation d’une banque de donnée par un flux électronique simplifié en vue de permettre un signalement des personnes concernées dans un délai de 48heures, assurer une collaboration et permettre un échange d’informations rapide et simplifié. I+ Belgium a donc pour objectif de résoudre le problème de l’accès déficient et tardif aux informations sur les conditions.

Ce système se distingue de la Banque de donnée nationale générale (BNG) car il est possible d’y ajouter des informations, ce n’est donc pas une base de donnée uniquement destinée à la consultation. Ce programme est destiné à plusieurs catégories de personnes. Tout d’abord à ceux qui sont présumés innocents mais qui peuvent rester en liberté sous conditions. Deuxièmement, aux personnes condamnées mais qui peuvent rester en liberté sous conditions. Troisièmement, aux personnes condamnées à une peine de prison partiellement purgée.

C’est ainsi que nous poursuivons avec la circulaire des procureurs généraux de 2013 (COL 11-2013). Dans « Le journal de la Police », l’auteur nous explique que cette circulaire impose aux Maisons de Justice et aux zones de police de contrôler les personnes libérées sous conditions. Du côté de la police, l’objectif général de la surveillance consiste en la détection précoce de situations dans l’environnement de l’intéressé qui pourraient éventuellement conduire à la récidive. Leur mission consiste donc à contrôler le domicile ou le lieu de résidence du justiciable, à organiser un entretien pour lui expliquer les conditions imposées et à contrôler le respect des conditions d’interdictions. L’AJ quant à lui va réaliser des missions de guidance et de surveillance des conditions. Pour ce faire, il va vérifier que le justiciable respecte les conditions qui lui sont imposées et l’aider en cas de difficultés.

Le ministre de la Justice, Koen Geens cite : « La sécurité des citoyens nécessite une approche en chaîne. Ce n’est qu’en collaborant que notre société progresse. Une coopération approfondie avec l’ensemble des services et des niveaux, comme I+ Belgium le permettra désormais, veille à pouvoir rapidement réagir et rectifier le tir, si nécessaire ».

Selon Bronstein L. (2003)  , les tendances en matière de problèmes sociaux et de pratiques professionnelles font qu’il est pratiquement impossible de servir efficacement les clients sans collaborer avec des professionnels de diverses disciplines .

Ce concept de collaboration cité ci-dessus est défini dans le dictionnaire « Larousse» comme étant le fait de travailler de concert avec quelqu’un d’autre, l’aider dans ses fonctions, participer avec un ou plusieurs autres à une œuvre commune.

Berg-Weger et Schneider (1998) définissent la collaboration interdisciplinaire comme  » un processus interpersonnel par lequel des membres de différentes disciplines contribuent à un produit ou un but commun « . Et pour finir, Bruner (1991) explique que pour lui, la collaboration interdisciplinaire est un processus interpersonnel efficace qui facilite l’atteinte d’objectifs qui ne peuvent être atteints lorsque les professionnels agissent seuls. Ainsi, comme nous pouvons le constater dans chacune des définitions, une collaboration nécessite des objectifs communs. Pour compléter ces différentes définitions, Bronstein L. (2003) , dans son article intitulé « A Model for Interdisciplinary Collaboration », nous a présenté différentes composantes d’une collaboration : l’interdépendance, la flexibilité, l’appropriation collective des objectifs et la réflexion sur le processus.

L’interdépendance fait référence à l’existence d’interactions entre les professionnels pour atteindre ses buts et accomplir ses tâches. Pour pouvoir fonctionner de manière indépendante, il faut que les professionnels soient précis sur la distinction de leurs propres rôles et celui des collaborateurs. Cela permettra ainsi de savoir ce qu’ils peuvent offrir et, en retour, ce qu’ils peuvent attendre des autres. Ce concept reprend également le temps formel et informel passé ensemble. Il s’agit également du fait que les participants pensent qu’ils ont plus à gagner qu’à perdre dans la collaboration. La flexibilité fait référence à la souplesse. Mattessich et Monsey (1992) soutiennent que la souplesse est un élément essentiel de la collaboration et font remarquer que les collaborateurs qui réussissent font preuve d’adaptabilité, même dans des conditions changeantes. L’appropriation collective des objectifs fait référence à la responsabilité partagée dans l’ensemble du processus d’atteinte des objectifs, y compris la conception, la définition, l’élaboration et la réalisation conjointes des objectifs. Chaque professionnel doit ainsi assumer la responsabilité de sa contribution au succès et à l’échec et soutenir les désaccords constructifs. La réflexion sur le processus fait référence à l’attention des collaborateurs sur leur processus de travail en commun. Cela comprend la réflexion et les discussions des collaborateurs au sujet de leur relation de travail et de leur processus, ainsi que l’intégration de la rétroaction afin de renforcer les relations de collaboration et l’efficacité.

Table des matières

Introduction
Partie théorique
La directive vérification de 2015
I+ Belgium
La circulaire des procureurs généraux de 2013
Le concept de collaboration
Le contrôle des libérés conditionnels
Question de recherche
Méthodologie
L’échantillon
La procédure et le type de données récoltées
L’outil d’analyse et les mesures
Résultats
Le rôle des policiers et des assistants de justice
L’évolution de la collaboration
La relation avec les libérés conditionnels
La formalisation de la collaboration
La connaissance mutuelle des services
Les différentes composantes d’une collaboration
La responsabilité
La relation contrôle/ non-récidive
Une charge de travail ?
Discussion
Forces et limites méthodologiques
Conclusion

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