Les facteurs qui freinent ou favorisent le transfert des acquis 

Les niveaux de connaissances

La notion d’apprentissage ou d’acquisition d’habiletés, nécessite un éclairage supplémentaire, surtout lorsqu’on s’intéresse aux habiletés cognitives davantage qu’aux habiletés motrices. C’est à Anderson (1987), avec sa théorie ACT (Architecture Cognitive Theory), que la littérature (Patrick, 1992:49, Goldstein, 1989:131, Ackerman et Killonen, 1991:203, Singley, 1989:31) attribue le mérite d’avoir fait progresser les connaissances sur l’acquisition des habiletés cognitives à la suite des travaux de Ryles (1949) et de Fitts (1962). Il a bien distingué les notions de connaissances déclaratives et procédurales ainsi que les systèmes de production de règles (if then, et alors), règles qui différencient l’expert du novice dans la résolution de problème. Anderson propose 3 stades pour réaliser l’acquisition d’une habileté : Le stade déclaratif, où les connaissances factuelles sont utilisées avec des procédures générales de résolution de problèmes, et où l’activité est lente, ardue et propice à l’erreur;

Le stade de compilation des connaissances requises, appelé aussi procédural, devant lequel un savoir déclaratif est mis en procédure, transformé en règle de production, (Goldstein 1989: 132, Singley, 1989: 31 ), et en connaissances spécifiques pour résoudre un type de problèmes donné. Ce stade comprend deux mécanismes: la composition, dans laquelle des rènles de production générales sont fondues en règles de production plus spécifiques, et la procéduralisation, dans laquelle une règle qui est utilisée de plus en plus fréquemment dans un contexte devient rattachée à ce contexte spécifique et donc utilisable plus rapidement sans recours à la mémoire à court terme ; Le stade de mise au point (tuning) où trois mécanismes sont utilisés pour établir la certitude de la procédure et la rendre éventuellement automatique, en remplacement de la procédure antérieure. Il s’agit de la généralisation, qui étend le champ de la nouvelle règle, de la discrimination, qui 1est son contraire en limitant son étendue, et du renforcement par lequel les meilleures règles sont renforcées et les plus pauvres sont mises de côté .

Pour illustrer ces étapes, Patrick, (1992:42) utilise l’exemple de l’apprentissage de la conduite automobile manuelle, où les différentes étapes sont finalement automatisées . Ces stades correspondent également à ceux proposés par Fitts (Patrick, 1992:53), qui définit un stade cognitif qu’on peut rapprocher du stade déclaratif, un stade d’association qu’on peut rapprocher de celui de la compilation des connaissances, et finalement un stade d’autonome, proche de celui de la mise au point. À chacun de ces trois stades sont associés des niveaux de connaissances et chacun de ces niveaux n’est pas nécessairement modifié suite à une formation. Tardif (1992:4 7-54 ), les nomme les connaissances déclaratives, les connaissances procédurales et les connaissances conditionnelles. Les connaissances déclaratives (savoirs) sont les concepts, les faits, les règles et les principes. Ce sont des connaissances théoriques et factuelles qui peuvent être énoncées et rendues explicites en réponse à un questionnaire par exemple.

Ce sont des connaissances statiques, généralement transmises dans la plupart des séances de formation traditionnelle, et qui, pour permettre l’action, doivent être traduites en procédures et en conditions. Elles réfèrent au quoi. Les connaissances procédurales (savoir-faire) sont les règles d’action et les procédures ou les étapes à la disposition des personnes pour réaliser une action. Ce sont des connaissances dynamiques qui se développent dans un contexte de réalisation de tâches réelles. Elles réfèrent au comment. Les connaissances conditionnelles ont longtemps été incluses dans les connaissances procédurales, et il convient de les distinguer car elles réfèrent au quand et au pourquoi, i.e. les conditions de l’action. Ici, le sujet doit pouvoir appréhender le type de problème ou de situation qui lui permettra d’utiliser soit les concepts appris, soit les procédures. « Les connaissances conditionnelles sont les connaissances responsables du transfert des apprentissages » (Tardif, 1992:53). C’est donc à cette étape que les effets d’une action de formation en entreprise se font sentir, et que son évaluation devient plus pertinente. Le schéma suivant, inspiré des travaux d’Anderson (1985) et tiré de Ackerman et Killonen, (1991 :213) illustre le fonctionnement du système de traitement de l’information tel qu’elle se présente aux formés lors de difficultés rencontrées ou de problème à résoudre.

Définitions

À partir d’une première définition, proposée par Detterman (1993 :4 ), qui stipule que « le transfert est le degré avec lequel, un comportement sera répété dans une nouvelle situation », nous présenterons et discuterons les différents types de transfert rencontrés dans la littérature : positif et négatif, horizontal et vertical, rapproché et éloigné, littéral et figuratif, et spécifique et général. Transfert positif et négatif : le transfert est vu comme un phénomène positif lorsqu’une connaissance ou expérience antérieure aide à obtenir une bonne performance dans une nouvelle tâche (Garavaglia, 1995:25, Mongrain, 1995:265, Patrick, 1992:76). Le transfert est décrit comme négatif lorsqu’il interfère ou ralentit le nouvel apprentissage . Cette première distinction n’est cependant pas suffisante pour bien cerner tous les aspects de ce concept et d’autres auteurs y ont rajouté les notions suivantes selon les approches théoriques ou empiriques de leurs études respectives .

Transfert horizontal et vertical: on parle de transfert horizontal ou latéral, (Gagné, 1965) lorsque les formés appliquent ce qu’ils ont appris à une situation similaire de travail, comportant le même niveau de complexité. Le transfert vertical est présent lorsque les formés utilisent leur apprentissag«3 à un plus haut niveau ou à des situations plus complexes. (Singley, 1989 : 15) Transfert rapproché et éloigné : Cette notion à laquelle font référence plusieurs auteurs, (Detterman, 1993:4-5, Garavaglia, 1995:25, Mongrain, (1995:265), accorde de l’importance au transfert effectué dans des contextes similaires à ceux rencontrés en situation d’apprentissage, pour ce qui est du transfert rapproché, et similaires à ceux rencontrés dans des situations différentes, pour ce qui est du transfert éloigné . Transfert littéral et figuratif: pour Royer (1979), cité par Mongrain, (1995:266), « le transfert décrit l’utilisation directe d’une capacité ou partie de connaissance dans une situation nouvelle d’apprentissage »; à l’inverse, le transfert figuratif implique un complexe entier d’expériences précédentes amené pour appuyer une nouvelle expérience d’apprentissage.

Transfert spécifique et général:

Par ces 2 types de transfert, on vise à décrire celui qui, par exemple, réutiliserait dans un cours de géographie, la mémorisation des divers pays ainsi que de leur capitale respective. Cependant, le fait d’être capable par la suite de mémoriser des poèmes, fait appel à d’autres choses moins spécifiques que le contenu plus général, tels des stratégies, des principes, etc. (Gray, 1987 :183-185, Garavaglia, 1995:25, Detterman, 1993:5, Patrick, 1992: 77, Mongrain, 1995:265, Singley, 1989:2-8). Dans le transfert spécifique, il y a similitude entre les éléments de l’apprentissage original et ceux où l’apprentissage est transféré. Dans le transfert général, il n’y a aucun partage d’éléments. C’est le phénomène de « l’apprendre à apprendre » (Ellis, 1965:73, Patrick, 1992: 77, Singley, 1989:2-8). On peut donc, comme le fait Mongrain, (1995: 266-267), regrouper ces diverses distinctions et rapprocher, pour décrire une même réalité, les catégories de transfert horizontal, rapprochés, littéraux et spécifiques, de même que les transferts verticaux, éloignés figuratifs et généraux. Bourgeois, (1996: 39-40), parle même en citant Salomon et Perkins (1989), de transfert bas de gamme, (low road transfer) et de transfert haut de gamme (high raad transfer) pour distinguer deux niveaux d’apprentissage : celui où deux situations d’apprentissage se ressemblent beaucoup et suggèrent un processus de traitement presque automatisé, et celui où il s’agit d’abstraire, de façon consciente, un objet de connaissance (un principe, une idée principale, une stratégie ou une procédure) d’un contexte donné, de le généraliser et de s’en servir dans un autre contexte.

« L’abstraction d’un principe ou d’une idée peut ainsi constituer le pont qui permet de passer d’un contexte à l’autre » (idem: 40). L’étude du transfert a donc été dominée par deux grands thèmes ou deux grandes écoles, soit les théories environnementales et les théories du traitement de l’information (Mongrain, 1995: 267). Ces deux approches sont également appelées apprentissage verbal (verbal learning) et sciences cognitives (Gray.1987: 190). En réaction à l’approche de la discipline formelle qui prévalait à leur époque, Thorndike et Woodworth (1901-1907), ont effectué des recherches pour montrer que le transfert est fonction des éléments identiques communs entre la tâche source et la tâche cible. En effet, l’approche de la discipline formelle prétendait que l’enseignement de principes généraux et de méthodes de résolution de problèmes était suffisant pour former les esprits. Par exemple, l’enseignement du latin et du grec et des mathématiques était formateur car il améliorait la mémorisation et le raisonnement logique (Detterman, 1993: 15, Singley ,1989: 2, Ellis, 1965:62-63) .

Table des matières

REMERCIEMENTS
SOMMAIRE
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 PROBLÉMATIQUE ET QUESTION DE RECHERCHE
1.1 CONSÉQUENCES DES CHANGEMENTS POUR LES EMPLOYÉS
1.2 CONSÉQUENCES DES CHANGEMENTS POUR LES ORGANISATIONS
1.3 CONSÉQUENCES ANTICIPÉES POUR LES GESTIONNAIRES DES RESSOURCES HUMAINES
1.3.1 Conséquences sur la discipline
1.3.2 Conséquences sur la formation
1.3.2.1 Rappel de l’évolution des conceptions en formation
1.3.2.2 L’intégration à la stratégie de l’organisation
1.3.2.3 Reconnaissance de l’évaluation en GRH
1.3.2.3.1 Peu d’évaluations systématiques sont réalisées
1.3.2.3.2 Évaluations plus complexes
1.3.2.3.3 Évolution de la notion d’évaluation
1.3.2.4 Le transfert
1.4 OBJECTIFS ET QUESTIONS DE RECHERCHE
RÉSUMÉ ET CONCLUSION DU CHAPITRE 1
CHAPITRE 2 CADRE CONCEPTUEL
INTRODUCTION
2.1 LE CADRE DE NOTRE REVUE DE LITTÉRATURE ET LES SOURCES D’INFORMATIONS UTILISÉES
2.2 LES PRINCIPAUX PROBLÈMES CONCEPTUELS RELIÉS À LA CONDUITE DE L’ÉVALUATION
2.2.1 Caractéristiques de l’apprentissage pour les adultes
2.2.2 Les niveaux de connaissances
2.2.3 Le transfert
2.2.3.1 Définitions
2.2.3.2 L’évaluation des acquis suite à une formation
2.2.4 Le modéle de référence retenu
2.3 LES ÉTUDES EMPIRIQUES
2.3.1 L’apport de Tannenbaum et Yulk (1992)
2.3.2 L’apport de Noe et Ford (1992)
2.3.3 L’apport de Kolowski et Salas (1997)
2.3.4 L’apport de Weissbein et Ford (1997)
2.3.5 L’apport de Cheng et Ho (2001 )
2.3.6 L’apport de Salas et Cannon-Bowers, (2001)
2.4 PRÉCISIONS SUR NOS QUESTIONS DE RECHERCHE
RÉSUMÉ ET CONCLUSION DU CHAPITRE 2
CHAPITRE 3 LA DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE
INTRODUCTION
3.1 L’OBJET DE LA RECHERCHE: LA FORMATION APl
3.1 .1 Description du programme
3.1.2 Rattachement théorique du programme
3.1.3 Les finalités de ce type de formation
3.1.4 Le déroulement, les étapes et le contenu du programme
3.1.5 La structuration des ateliers
3.1.6 Les stratégies visées
3.2 LE PROTOCOLE DE RECHERCHE
3.2.1 Le plan d’échantillonnage
3.2.2 Stratégies d’analyse
3.2.3 Estimation de la validité et de la fidélité
3.2.4 Collecte des données
3.2.5 Traitement et analyse des données
RÉSUMÉ ET CONCLUSION DU CHAPITRE 3
CHAPITRE4 PRÉSENT A TION DES RÉSULTATS
INTRODUCTION
4.1 RÉSULTATS OBTENUS A L’ÉTUDE QUANTITATIVE
4.1.1 Le quotient d’efficience cognitive au test PESO
4.1.2 L’influence des variables individuelles
4.1.3 Les attitudes
4.2 LES TRANSFERTS RÉALISÉS
4.2.1 Les applications suite à la formation
4.2.1 .1 Processus diffus ou inconscient
4.2.1.2 Les applications de nature rationnelle
4.2.1 .2.1 Organisation
4.2.1.2.2 Méthode de résolution de problèmes
4.2.1.3 Applications particulières en milieu de travail; les stratégies utilisées
4.2.1.3.1 Explorer méthodiquement
4.2.1 .3.2 Observer
4.2.1.4 Les applications de nature affective
4.2.1.4.1 L’impulsivité
4.2.1.4.2 Le sentiment d’efficacité personnelle
4.2.1.4.3 Langage interne
4.2.1.4.4 L’ouverture
4.3 GÉNÉRALISATION HORS TRAVAIL
4.4 LES FACTEURS QUI FREINENT OU FAVORISENT LE TRANSFERT DES ACQUIS
4.4.1 Facteurs relatifs aux sujets
4.4.1 .2 Autres formations suivies
4.4.1 .2.1 Semblables
4.4.1.2.2 Différentes
4.4.1.3 L’intérêt pour cette formation
4.4.1.4 La motivation antérieure
4.4.1.4.1 Soif de connaissances
4.4.2 Facteurs relatifs au contexte organisationnel
4.4.2.1 Le soutien organisationnel:
4.4.2.1.1 Le soutien des supérieurs
4.4.2.1.2 Le soutien des pairs
4.4.2.1.3 L’occasion de mettre en application
4.4.2.2 Le suivi et la relance
4.4.2.3 La culture d’apprentissage de l’entreprise
4.4.2.4 Atmosphère durant la formation
RÉSUMÉ ET CONCLUSION DU CHAPITRE 4
CHAPITRE 5 ANALYSE ET DISCUSSION SES RÉSULTATS
INTRODUCTION
5.1 LES CONTRIBUTIONS DE NOTRE TRAVAIL À L’ÉTUDE DU TRANSFERT
5.1.1 Les apports de l’étude quantitative
5.1.2 Les apports de l’étude qualitative
5.1.2.1 Les comportements rationnels
5.1.2.2 Les comportements affectifs
5.2 LES FACTEURS QUI FREINENT OU FAVORISENT LE TRANSFERT DES ACQUIS
5.2.1 Les facteurs relatifs à la conception de la formation
5.2.2 Facteurs relatifs aux sujets
5.2.2 .1 Autres formations suivies
5.2.2.2 L’intérêt pour cette formation
5.2.2.3 La motivation antérieure
5.2.3 Facteurs relatifs au contexte organisationnel
5.3 IMPLICATIONS MANAGÉRIALES
5.4 LES LIMITATIONS ET LES PISTES DE RECHERCHES FUTURES
CONCLUSION GÉNÉRALE
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
TABLE DES MATIÈRES
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES FIGURES

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