Les identités et territoire en Provence

 Les identités et territoire en Provence

Les différentes pratiques de l’archéologie, dont la fouille, propose des interprétations qui sont le fruit d’une époque.L’archéologie est une des disciplines, avec l’histoire, les plus sollicitées en ce qui concerne le patrimoine, sa gestion et sa contextualisation (Dumont, Garnier, 2012, p.85). « Ce récit [historique] peut être enrichi par une prise en compte des traces visibles et invisibles : l’historien peut en particulier s’appuyer sur une science « complémentaire », l’archéologie, susceptible de lui révéler d’autres objets, jusque-là enfouis à l’abri du regard, sur lesquels va être exercé un travail d’ordonnancement et de comparaison permettant d’en inférer les usages originels et parfois de proposer une datation …. » (Bonniol, 2001, p.176). Un monument possédant un label tel que celui des « Monuments Historiques », devient intéressant pour l’ethnologie s’il condense « quatre dimensions : il est à la fois ensemble signifiant, territoire administré, foyer de savoirs et pôle touristique. » (Fabre, 2000, p.2). Ce label possède un socle administratif qui est un des plus ancien en France, il est le moteur des autres législations se développant à propos du patrimoine et de l’archéologie (Demoule, Landes, 2009 ; Fabre, 2000 ; Jockey, 2013 ; Heinich, 2009). Le patrimoine est une représentation de l’histoire mais il est également porteur de sens pour la communauté. Il permet de développer un sentiment d’autochtonie en regroupant des personnes. L’archéologie est en lien avec la définition de l’Etat entre la communauté et le territoire, avec ses sujets d’études élargis, des époques les plus anciennes à une archéologie contemporaine comme la fouille du Déjeuner sous l’herbe de Spoerri (Demoule, 2012, p.164-166), mais aussi au niveau de ses objets (Demoule, 2012a).

Une identité locale qui est la conséquence d’une politique nationale 

Comme nous l’avons remarqué dans les deux parties précédentes, la discipline archéologique est pensée et se pratique conjointement avec l’Etat. Le patrimoine subit un accroissement récent, il est omniprésent dans le paysage (Poulot, 2014). Nombre de monuments encore en élévation ont un objectif initial de célébration du pouvoir politique de l’époque, dans un culte de l’Etat. Le monument est un lieu carrefour, il détient des significations différentes en fonction des personnes qui viennent lui rendre visite (Fabre, 2000b). Il a eu des sens différents en fonction des époques, de l’intention qui a prônée lors de sa réalisation, aux sens et usages qui sont les siens actuellement. Le patrimoine culturel regroupe un ensemble de pratiques et de représentations d’un groupe humain qu’il ancre sur un territoire (Fournier, Crozat, BerniéBoissard, Chastagner, 2012, p.9). Ces groupes vont aussi développer ce patrimoine, par une succession de choix qu’ils soient individuels ou collectifs, des choix pensés par un groupe d’acteurs avec des pouvoirs politiques ou ce d’habitants. 

En quête de légitimité : Une catégorie de patrimoine est– elle privilégiée ? 

La pratique de l’archéologie est issue de nombreux choix, comme la fouille d’un site, sa conservation, sa mise en valeur ou sa destruction. Ces choix sont visibles au niveau des sites archéologiques et dans les musées qui exposent des collections archéologiques. Les musées sont, en outre, des vitrines de l’archéologie de la région mais aussi de l’image de celle-ci. Ils se multiplient à l’instar des traces et des vestiges qui s’accumulent également. Pour l’archéologie, cela est dû essentiellement à la multiplication des fouilles entreprises ces dernières années sur le territoire, mais aussi celle des prospections et des sondages. Cette état de fait est couplé avec une volonté d’exhaustivité, celle de récupérer le plus d’objets archéologiques possibles lors des opérations (Demoule, 2012a, p.162). Si le patrimoine archéologique est un site, il peut être dans le cas de mise en valeur, particulièrement repérable dans le paysage. Le site n’est pas le seul objet de l’archéologie pouvant intéresser le public. Il n’est pas seulement monumental, où autour des objets pouvant être qualifiés de beaux, ayant une forme esthétique qui est comprise à notre époque. L’objet principal de l’archéologie est le déchet, ce sont ceux d’une époque qui vont fournir pour les archéologues des informations. Ils seront une des sources des interprétations des archéologues (Demoule, 2012b, p.59). Cet objet est toujours dans l’actualité au point qu’il est un focus de la recherche sur l’archéologie contemporaine qui se développe notamment dans les pays anglo-saxons, « Garbage Archaeology ». C’est une autre façon de voir les sociétés contemporaines, un autre discours notamment sur le gaspillage. Le vestige, dont l’objectif initial est le culte de l’Etat et des personnalités au pouvoir, est particulièrement présent dans les musées, sur les sites archéologiques qui sont mis en valeur.Au sein d’un musée, il est particulièrement mis en exergue lorsqu’il est porteur d’un attrait touristique notable mais aussi vecteur de discours à son propos et également sur la personne à qui il est dédié. A l’instar « du buste de César » (Delestre, 2008 ; Dureuil-Bouracha, 2015), cet objet archéologique provient des fouilles subaquatiques du Rhône, il est exposé actuellement au musée Départemental Arles Antique à Arles, et est interprété comme étant une représentation de César. Quand il est inscrit dans une trame urbaine, ce monument à vocation initiale politique peut être conservé et restauré. Le modèle peut être même repris dans d’autres pays et contextes. Par exemple la colonne Trajanne à Rome, porteuse d’une légitimation politique, son modèle fut repris pour la colonne Vendôme à Paris, érigée en commémoration de la victoire de Napoléon à Austerlitz (Veyne, 1990). Le vestige est alors intégré dans l’espace urbain, son aménagement et sa conservation ainsi que ceux de son environnement sont des actes politiques pas toujours bien acceptés par la population étant donné qu’il appartient à la mémoire collective (Le Blanc, 2012). A l’occasion de son intégration, il peut prendre de nouvelles fonctions au sein de cet espace (Ibid, p.65), en étant un lieu de médiation, de concerts comme le théâtre antique de Vaison-la-Romaine ou celui d’Orange, il est aussi un lieu de promenade (Gravereau, 2012 ; Ricci, 2015). 

Des particularismes locaux dans la continuité de l’histoire nationale

La sélection d’une identité La France compte notamment un musée d’archéologie nationale, dont la constitution fut très difficile et compliquée. La place qu’il occupe au niveau des politiques patrimoniales françaises est quelque peu éloignée de celle du Louvre ou des autres grands musées nationaux. Cette place est un peu excentrée, que ce soit d’un point de vue géographique historique et financier (Olivier, 2009). Le musée d’archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye se situe à l’extérieur de Paris, au cœur du château éponyme, il fait l’objet d’un manque de financement, il a donc peu changé depuis sa création. L’archéologie, le patrimoine et l’histoire sont très liés aux différentes politiques de l’Etat, ils sont intégrés dans la construction d’une identité nationale mais aussi régionale. Le contexte local est aussi important dans l’installation d’un patrimoine sur un territoire que le contexte national (Dumont, Garnier, 2012).Une histoire nationale qui est transmise à l’école, une étude menée sur la question a été effectuée par Anne-Marie Thiesse, sur l’apprentissage de l’histoire de France lors de la IIIème république. L’école est alors le lieu de la construction de cette identité nationale. Pour cela, le lien est fait avec l’histoire locale dans les manuels. Ils font part d’événements historiques locaux, qui sont liés aux monuments présents dans la région. Ces monuments peuvent être qualifiés de « sémiophores » (Pomian). L’histoire locale est dans la continuité avec l’histoire nationale (Thiesse, 1997) mais le local, pouvant correspondre à un département ou une région, se particularise, avec des spécificités (Ibid). Les manuels de ce type précédent la IIIème République et vont se poursuivre sous Vichy, ils vont permettre aux élèves de développer « une histoire à soi » (Bensa, Fabre, 2001). Une histoire locale va se développer autour d’une communauté tout en restant dans la continuité de celle de la nation. Les spécificités qu’elle va promouvoir vont permettre de la différencier des autres localités, en s’y opposant (Bensa, 2001 ; Loret, 2012) notamment dans le cadre de l’attribution d’un label qui a un intérêt patrimonial et qui est vecteur d’afflux touristique (Bigando, 2012). L’obtention de ce label ne se fait pas par hasard, il peut être le fruit d’une demande faite par des acteurs locaux, comme des associations ou des membres de la mairie (Heinich, 2009). Pour obtenir les financements, il est nécessaire de s’intégrer dans une catégorie ou une désignation, qui ne convient pas toujours aux personnes comme le terme de « banlieue » pour la commune d’Elbeuf (Loiret, 2012, p.246). L’histoire locale doit émerger du sol afin de détenir une réalité physique. « Le mécanisme concret de cette inscription locale est simple, il consiste à faire émerger l’histoire de la topographie. Configurations naturelles et traces humaines énoncent dans le langage visible la présence sousjacente, archéologique, de la Nation qui engendre le lieu. » (Fabre, 2001, p.20). L’histoire locale se doit d’appartenir à un ensemble plus vaste (Peroni, 2001), que ce soit celle de la nation, de l’Europe ou de l’Humanité. Le patrimoine est un des médias de la construction de la Nation, suite à la Révolution, c’est un des nouveaux repère de la Nation en formation pour la fixer dans le temps et dans l’espace (Dumont, Garnier, 2012, p.77). Cette époque a vue s’élaborer l’idée « d’un patrimoine de et pour soi. » (Ibid, p.77). La présence d’un patrimoine sur un territoire défini « apparaît alors comme un témoin véritable de singularité locale et de son histoire spécifique » (Raveneau, 2012, p.176). La présence d’un patrimoine lié à une époque plus ou moins précise, pourvu qu’il soit documenté, permet de développer certains discours le concernant. En Provence, cette continuité avec l’histoire nationale est particulièrement prégnante, avec une sélection de discours pour appuyer un regard sur le local. 

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