Les insuffisances du modèle de gestion des ressources en eau

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Présentation du Delta du Fleuve Sénégal

Le Delta, partie terminale du fleuve, constitue un écosystème particulier arrosé par un réseau hydrographique dense et assez complexe. Le Delta du fleuve Sénégal, est situé dans la région de Saint-Louis, au Nord-Ouest du Sénégal, à 260 km de la capitale, Dakar, précisément entre 16° et 16°35 de latitude Nord et 15°50 et 16°30 longitude Ouest (DIA A. , 1986). Il couvre une superficie de 5000 km2 de Richard-Toll à l’ancienne embouchure naturelle du fleuve Sénégal à Saint-Louis (DIELE, 2006).
D’un point de vue administratif, le Delta du fleuve Sénégal est situé dans le département de Dagana. Les terrains qui le constituent résultent de l’action simultanée du fleuve, de la mer et du vent et sont parcourus par un réseau anastomosé de défluents largement utilisés pour l’alimentation de la population et du bétail, l’irrigation ou le drainage des zones dépressionnaires (DIA A. , 1986).
Le Delta du fleuve Sénégal est limité au Nord par le fleuve Sénégal, à l’Ouest par l’océan Atlantique, à l’Est par le système du lac de Guiers, au Sud -Ouest par des cordons dunaires et au Sud-Est par la Vallée du Ferlo. Il constitue ainsi un hydro-système complexe qui met en rapport plusieurs éléments dont les plus importants sont: l’océan Atlantique, les cours d’eau, les aménagements agricoles, les dépressions de stockage des eaux de drainage et la nappe alluviale dont la profondeur moyenne est à 2 mètres sous la surface du sol (GNING, 2015).

Caractéristiques physiques

Le relief

Le Delta du fleuve Sénégal se distingue par un relief assez plat, généralement inférieur à 100m d’altitude, avec de vastes extensions de surfaces planes et une topographie monotone (TOURE, 2012). Il se présente sous la forme d’un ensemble de terres très basses, sans relief marqué, une vaste plaine basse dont l’altitude moyenne ne dépasse pas 2 mètres (GNING, 2015). C’est une immense plaine au relief comportant des levées alluviales, des dépressions ou cuvettes, un ensemble dunaires et de petites buttes dans la partie non inondable de la vallée (Dieri), et un relief plus élevé au niveau des zones inondables (Walo), (TOURE, 2012).

Les sols

Formés en milieu marin puis lagunaire, les sols du Delta ont, à l’exception des formations dunaires le bordant, incorporé du sel, rendant ainsi difficile leur mise en valeur, que ça soit en culture traditionnelle ou en culture irriguée (SENE, 1991). Ce sont des sols halomorphes dans l’ensemble et sont fortement influencés par les dépôts marins hérités du Nouakchottien.
On retrouve aussi des sols argileux d’origine fluviatile et des dépôts éoliens. Ils sont relativement jeunes et peu évolués avec une structure faible et des textures variant du sable grossier (dunes, cordons littoraux) aux sols argileux (cuvettes) ou encore argilo sableux (hautes et petites levées), (Maymard, 1955 cité par (MBOUP, 2014).
En fonction de leur situation par rapport aux crues ainsi qu’aux niveau d’inondation et à leur fréquence, on distinguera une typologie des sols du Delta classés selon la terminologie vernaculaire en sols hollaldé, faux hollaldé, fondé, falos et diacrés. Les sols hollaldé sont argileux, on les retrouve dans les cuvettes de décantation. Ce sont des sols lourds avec une teneur en argile d’environ 66 %. Ils sont formés par l’accumulation de dépôts fluviaux lors de la décantation des eaux de crue. Ils se caractérisent par une faible perméabilité, et constituent donc une bonne réserve en eau utile. Ils sont plus aptes à la riziculture malgré le caractère difficile du travail du sol. Les faux hollaldés sont des sols argilo-limoneux renfermant 10 à 35% d’argile et qu’on rencontre principalement dans les levées fluvio-deltaïques. Ce sont des sols hydromorphes peu évolués. La texture est moyenne ou équilibrée ainsi que la teneur en matière organique, la fertilité et la perméabilité. Les fondés sont d’autres types de sol qu’on trouve sur les bourrelets de berge les fondés sur les bourrelets de berge. Ce sont des sols limoneux peu évolués d’apports hydromorphes. Ils sont favorables à toutes les cultures sauf le riz. Les falos sont des talus du lit mineur du fleuve et de ses défluents situés en bordure du fleuve où les cultures maraîchères sont pratiquées très localement. Les diacrés se situent sur les levées subactuelles constituant les bourrelets recouverts par les crues moyennes à fortes. Ces sols sont rarement cultivés (MBOUP, 2014).

Le climat

Le Delta du Fleuve Sénégal est situé dans la zone nord sahélienne où la pluviométrie annuelle est généralement inférieure à 300mm (GNING, 2015).
• Les températures
Elles varient en fonction des saisons. Pendant la saison sèche, elles sont relativement fraîches du fait de la proximité de la mer pour les zones proches du rivage, l’océan étant un régulateur thermique; au niveau du delta, les plans d’eau provoquent des effets similaires en atténuant les températures ou en réduisant les écarts (DIOP M. S., 2007). Dans le Delta du fleuve Sénégal, les températures sont élevées et sont liées à la latitude tropicale de la région. Les moyennes annuelles vont de 20 à 40°C avec des extrêmes variant entre 12°C (novembre-février) et 45°C (mai-juin). Les températures sont également caractérisées par des variations dans le temps avec les saisons notamment avec les précipitations qui les abaissent et dans l’espace avec la proximité ou l’éloignement de la mer (DIELE, 2006).
• La pluviométrie
Dans le Delta, elle se caractérise par sa faiblesse, 250 à 300mm en moyenne (SENE, 1991), et son irrégularité. En effet, du fait de sa proximité avec le désert mauritanien, le Delta se localise entre les isohyètes 300 et 400mm (DIOP M. S., 2007). L’existence d’une seule et courte saison pluvieuse fait que la quasi-totalité des précipitations tombe durant cette période (DIELE, 2006). Le Dieri, très sableux, laisse s’infiltrer rapidement ces pluies, tandis-que dans les plaines alluviales, elles ruissellent et s’accumulent dans les cuvettes et les parties basses des levées (SENE, 1991).

La végétation

Au niveau du Delta la végétation est le reflet du climat et des types de sols. Constituant un élément fondamental pour sa participation à l’équilibre écologique, elle est de type sahélo saharien (DIOP M. S., 2007). Ainsi, sur chaque grand ensemble morpho-pédologique que compte le Delta des espèces spécifiques vont pousser (DIELE, 2006).
Cependant, avec l’endiguement des deux rives sur plus de 100km, le phénomène inondation-exondation des plaines inondables n’existe plus ; on constate alors une modification profonde des milieux. L’inondation partielle étant artificialisée et liée à l’ouverture temporaire d’ouvrages, les cycles de la végétation sont désormais désaisonnalisés et s’adaptent aux arrivées d’eaux (PNEEB, 2014).
La végétation est de type sahélien ; elle est composée de savanes arbustives à Tamarix et Acacias, avec un tapis herbacé de graminées (MBOUP, 2014). Sur les dunes du Dieri on rencontre des espèces ligneuses comme Acacia albida, Acacia radiana, Acacia seyal, Balanites aegyptiaca, etc. ; les strates arbustives et herbacées sont constituées d’euphorbiacées (Euphorbia balsamifera), de combrétacées (Guiera senegalensis), et de graminées saisonnières (Cenchrus biflorus), (DIELE, 2006). Dans les zones inondées on note des peuplements de Typha domingensis, Sporobolus robustus, Phragmites australis, Nymphea lotus, etc., bien représentés dans les grandes étendues marécageuses. Les berges exondées sont recouvertes d’un tapis herbacé (Sporobolus, cypéracées et graminées).
Dans les plans d’eau douce semi-permanents, les mares et marigots temporaires poussent le Nymphea, Vossia cuspidata, Pistia stratiotes, Typha domingensis et Phragmites australis. La galerie forestière à Tamarix senegalensis, Acacia nilotica est observée le long des berges des plans d’eau (MBOUP, 2014).

La faune

Le Delta du fleuve Sénégal abrite une faune assez importante. En effet, sa situation, aux confins de l’univers minéral saharien, lui confère un statut de zone humide de première importance pour les espèces migratrices paléarctiques et afro-tropicales après une longue traversée du Sahara. Elle reçoit en effet plus de 3 millions d’oiseaux répartis en 367 espèces qui quittent l’Eurasie en automne dès que les rigueurs du climat se font sentir et viennent trouver refuge dans le delta du Sénégal où les conditions sont plus clémentes jusqu’en avril (MBOUP, 2014).
Pour les espèces de la grande faune, on peut y noter la présence du phacochère, du chacal, de la gazelle à front roux, du singe rouge. Certaines espèces comme l’hyène avaient disparu depuis 1983, mais on a enregistré localement son retour au cours des dix dernières années ; il en est de même pour les pythons et les crocodiles (Diama, 2010).

L’hydrologie

Le réseau hydrographique du Delta du fleuve Sénégal comprend la branche principale du fleuve Sénégal et plusieurs de ses défluents qui forment, au niveau du Delta, un réseau anastomosé permettant l’alimentation en eau potable des populations riveraines mais aussi l’irrigation des nombreux périmètres agricoles et industriels (GNING, 2015).
Figure 2: Schéma hydraulique du Delta du Fleuve Sénégal Source : SAED, 2017
• Le fleuve Sénégal
Le bassin du fleuve Sénégal couvre une superficie de 300.000 km2 que se partagent la Guinée 11%, le Mali 53%, la Mauritanie 26% et le Sénégal 10%. Le bassin du fleuve est alimenté par un système hydraulique composé du fleuve Sénégal et de ses principaux affluents (le Bafing, le Bakoye et la Falémé qui prennent leur source dans le massif du Fouta-Djallon en Guinée et qui produisent plus de 80% du débit du fleuve). Le Bafing à lui seul contribue pour environ la moitié du débit à Bakel. Le bassin du fleuve Sénégal est généralement divisé en trois grandes zones distinctes :
• le Bassin supérieur (ou Haut-Bassin) qui va de Bakel au Fouta Djallon. Cette partie du bassin est caractérisée par une morphologie assez accidentée avec des collines et des chutes ;
• la Vallée avec sa plaine d’inondation dont la largeur varie entre 10 à 20 km de Bakel et Dagana suivant l’importance des crues;
• le Delta situé entre Dagana et l’océan Atlantique. Il est caractérisé par deux grandes dépressions : d’une part le lac Rkiz (rive droite) et d’autre part le système lac de Guiers / Vallée du Ferlo (rive gauche).
Les ressources en eau sont constituées en quasi-totalité par les écoulements résultant des pluies qui tombent de Juillet à Novembre dans le Haut-Bassin. Le Bassin versant, d’une superficie d’environ 218.000 km2 à Bakel enregistre une pluviométrie moyenne de 950 mm dans la zone de Manantali – Kayes et 750 mm dans la zone de Kayes-Bakel. L’écoulement moyen annuel sur le fleuve Sénégal au droit de Bakel est estimé à environ 21 milliards de m3 (OMVS, 2009).
Dans le Delta du fleuve Sénégal, le régime naturel du fleuve est caractérisé par une période de hautes eaux de juillet à octobre et de basses eaux de décembre à juin. L’eau de la mer remontait le fleuve jusqu’à hauteur de Dagana en saison sèche. Ce phénomène de remontée de la langue salée est stoppé suite à la construction, sur le fleuve, du barrage anti-sel de Diama en 1986 (DIELE, 2006).
Par ailleurs, le Delta est constitué de multiples défluents et marigots qui alimentent des cuvettes plus ou moins larges lors des crues du fleuve.
• Le Gorom
Long de 60km (DIELE, 2006), le Gorom prend sa source sur le Sénégal au point appelé Ronkh, à quelques 110km de l’embouchure du fleuve. De là, il prend une direction Nord-Sud et coule entre deux grandes dépressions, la cuvette de Boundoum Nord à l’Ouest et la cuvette de Djeuleuss-Diambar à l’Est. Arrivé à la hauteur de la dépression du Diambar, le Gorom s’oriente vers l’Ouest jusqu’à son débouché final et alimente en rive gauche deux marigots le Kassack et le Diawel ainsi que le Lampsar, en amont du village de Boundoum Barrage (DIA A. , 1986). Le Gorom, comprend deux branches appelées Gorom Amont et Gorom Aval. Le Gorom Amont prend sa source sur le fleuve Sénégal; il est composé d’un bief unique de 24,8 km de long, allant de Ronq ou Ronkh sur le fleuve Sénégal au village de Boundoum -Barrage Le Gorom Aval s’étend sur 31km entre le fleuve Sénégal et le village de Boundoum Barrage où il rejoint le Gorom amont en traversant le parc national des oiseaux de Djoudj (GNING, 2015).
• Le Lampsar
Le Lampsar, long de 70km, est formé par la réunion du Gorom Amont et du Gorom Aval au niveau du village de Boundoum (GNING, 2015). Il entre en confluence, successivement, avec les marigots du Kassack, du Djeuss et du marigot de Khant (DIELE, 2006), avant de se jeter dans le fleuve Sénégal en aval du village de Bango. L’axe Gorom-Lampsar traverse le Delta en diagonale et assure l’irrigation de milliers d’hectares aménagés le long de son cours, l’approvisionnement en eau des populations riveraines et de la ville de Saint-Louis, ainsi que l’abreuvage du bétail ; d’où son importance dans l’économie locale. En effet, il concentre, à lui seul, près de 70 % des prélèvements liés à l’agriculture irriguée, (KAMARA, 2013).
• Le Kassack
Le Kassack a son origine entre le Gorom et le Lampsar. Sa jonction avec ces derniers est aujourd’hui faite par l’intermédiaire des ouvrages de Diambar et de Demba près de Diawar (DIELE, 2006); il s’écoule parallèlement au Gorom sur 30 km avant de se joindre au Lampsar au niveau du périmètre irrigué de « grande digue » (MBOUP, 2014).
• Le lac de Guiers
Le lac de Guiers est une dépression de 50 km de long alimentée par le fleuve Sénégal via le canal de la Taouey. D’une superficie de 300km², le lac est exploité pour l’approvisionnement en eau potable (AEP) de la capitale Dakar et de plusieurs grandes villes grâce aux usines de Gnith et de Keur Momar Sarr. Il est également exploité pour l’irrigation de grands périmètres comme celui de la Compagnie Sucrière Sénégalaise (CSS) mais aussi des périmètres irrigués villageois (PIV) et périmètres irrigués privés (PIP) installés tout autour du lac (GNING, 2015).
Le Diawel et le Natché situés au Nord Est du Delta servent aujourd’hui de collecteurs d’eaux de drainage des casiers rizicoles de Thiagar et sucriers de la CSS ; son écoulement s’arrête dans une plaine à l’Ouest de Richard-Toll (DIELE, 2006).
Le Ngalam, situé au sud-est de l’axe Gorom-Lampsar, s’étend sur une dizaine de kilomètres, part du Lampsar en aval de Ndiawdoune. En période de crue, il permet d’évacuer les eaux vers la dépression des trois marigots à travers le pont barrage de Ndiawdoune (MBOUP, 2014).
Malgré ses nombreux bras et méandres, le Delta du Sénégal ne présente qu’une seule embouchure, située au sud de Saint-Louis. Lorsqu’il atteint enfin la côte, le lit du fleuve oblique vers le Sud et reste séparé de l’Océan Atlantique sur plusieurs dizaines de kilomètres par un fin cordon dunaire dénommé la «Langue de Barbarie» (POUSSIN, 2008). Cette configuration du réseau hydrographique du Delta résulte de l’évolution de celui-ci en estuaire. Aujourd’hui ce réseau hydrographique par le biais d’aménagements des eaux est devenu dans l’ensemble du Delta un réseau hydraulique maîtrisé (DIA A. , 1986).

Caractéristiques socio-économiques

Le cadre humain

Avant les aménagements, la zone du delta du fleuve Sénégal et ses bordures apparaissaient comme des déserts humains. En fait, les conditions du milieu naturel n’autorisaient aucune installation humaine durable.
L’avènement de la riziculture irriguée et de l’agro-industrie a vu la création de nouveaux établissements humains et la venue de populations nouvelles (DIELE, 2006). En effet, la décolonisation et la relance de la mise en valeur agricole du delta ont inversé les tendances migratoires et contribué au peuplement actuel du delta (création de villages colons, migration encouragée par l’État à travers la politique des terres neuves, etc.). Les principaux lieux de peuplement dans le delta sont-en 1988, Saint-Louis, Ross Béthio, Richard Toll et Dagana (KAMARA, 2013).
La répartition ethnique dans le Delta a beaucoup évolué. Historiquement, trois ethnies principales peuplaient le Delta (Wolof, Peulh, Maure). Dans les années 60, l’introduction de l’irrigation dans le Delta a amené l’installation de certaines ethnies (Toucouleur, Sérère) traditionnellement étrangères au Delta (DIA A. , 1986).
Les 30.000_ha de rizières aménagés par la SAED, entre 1965 et 1975, seront accompagnées d’une implantation de 900 familles de colons venus des régions voisines (Louga, Podor, Dagana, Saint-Louis) et la création de nouveaux villages dans le Delta (Boundoum Est et Boundoum Nord, Boundoum Barrage, Kassack Nord et Kassack Sud, Savoigne). La densité de la population tournait autour de 5 à 10 habitants au kilomètre carré vers 1965 ; aujourd’hui elle est proche de 15 habitants au kilomètre carré (près de 50 habitants au kilomètre carré en incluant les zones urbaines de Dagana, Richard Toll et Ross-Béthio), (KAMARA, 2013).

Le cadre économique

Le Delta du fleuve Sénégal est relativement favorisé par la présence du fleuve qui crée un terroir dont la fertilité contraste avec l’aridité des régions environnantes au Sud (DIA A. , 1986). Les conditions climatiques et hydrologiques avaient rendu possibles des modes d’exploitation des ressources du milieu variables dans le temps et dans l’espace : la culture de décrue sur les terres du Walo et la culture pluviale sur les contreforts du Dieri. Ce terroir dont les principales ressources étaient l’eau, la terre et les pâturages, a été pendant des siècles, le théâtre d’activités comme l’agriculture, l’élevage et la pêche (DIELE, 2006).
Avant l’introduction de la culture irriguée paysanne, les activités traditionnelles dans le Delta étaient très liées aux différents groupes de populations spécialisés pour chacune (DIA A. , 1986). Toutes leurs activités se réduisaient à ce mode de consommation caractéristique d’une économie d’usufruit. L’activité socio-économique de subsistance était pratiquée par toutes les ethnies qui pratiquaient un système de production primaire basé sur la chasse, la cueillette, l’élevage, le ramassage de fruits et la pêche.
L’agriculture pluviale et de décrue du Walo était pratiquée sur les terres actuelles du delta (MBOUP, 2014). L’agriculture a pu se développer dans cette région sahélienne en grande partie grâce à la présence du fleuve Sénégal. La production était généralement destinée à l’autoconsommation familiale et reposait essentiellement sur les cultures de décrue et les cultures pluviales. Les cultures de décrue se faisaient durant la saison sèche ou la contre-saison sur les sols inondables du Walo et leur étendue dépendait de l’importance ou non des crues du fleuve et de ses défluents. Sur les berges du fleuve on cultivait du sorgho (gros mil), du niébé, du maïs ; et le long du Gorom (défluent du fleuve), sur les bourrelets de berges, la patate douce, le manioc. Cependant le problème majeur de ces cultures de décrue, qui explique la faible production, était le sel.
Sur le Dieri, formé de bas plateaux et dépendant des précipitations, des cultures sous pluie étaient pratiquées. Les principales cultures étaient le mil, le sorgho, le maïs, le niébé ainsi que l’arachide lorsque la pluviométrie était suffisante (DIELE, 2006).
Le Delta était exploité par les pêcheurs et surtout par des éleveurs avec de vastes hinterlands qui servaient de terrains de parcours et de pâturage; ce qui démontre que le delta était une région a vocation pastorale (DIOP M. S., 2007).
L’élevage est pratiqué par toutes les ethnies grâce à l’abondance des pâturages. Le Delta, zone d’inondation où les terres sont submergées annuellement par le déversement des crues offrait des réserves fourragères naturelles très appréciées en saison sèche et un cadre approprié pour la pratique d’un élevage de type extensif (MBOUP, 2014). Le cheptel du Delta est composé principalement de bovins, d’ovins et de caprins ; les bovins sont plus représentatifs. Il y existe deux systèmes d’élevage à savoir l’élevage pastoral peulh caractérisé par la mobilité du troupeau entre le Dieri et le Walo et l’élevage sédentaire qui est pratiqué par toutes les ethnies (FAYE, 2009). Cependant, avec le recul des cultures traditionnelles et le développement de la culture irriguée et de l’agro-industrie qui offre des emplois rémunérés, l’élevage bat de l’aile et est relégué au second plan. L’exploitation du cheptel, faute d’une bonne organisation des éleveurs, demeure faible et mal assurée, en plus des conditions sanitaires relativement affectées par les effets écologiques des barrages (DIELE, 2006) et des activités résultant de l’agriculture irriguée. En effet, l’élevage connaît des problèmes d’abreuvement du bétail en raison du développement de la culture irriguée qui a entraîné la disparition de certaines zones de parcours, mais aussi les contraintes sanitaires liées à l’humidité qui favorise le développement rapide de foyers de maladie (FAYE, 2009).
Il faut noter que l’agriculture irriguée prend une place de plus en plus importante dans les systèmes de production et ce depuis son introduction dans la vallée du fleuve Sénégal. Elle est devenue la composante principale de la plupart des exploitations agricoles du delta et de la basse vallée et concerne, en 2004, près d’un million quatre cents mille personnes (FAYE, 2009). En effet, la mise en place des barrages a permis une meilleure maitrise de l’eau, occasionnant une montée en puissance de l’agriculture irriguée.
Aux termes de la onzième Lettre de Mission4 (LM11) de la SAED, les superficies exploitables ont augmenté de 37 984ha (dont 21 314ha de nouvelles créations) passant de 112 240ha (fin 2014) à 140 954ha (fin 2017). Il s’y ajoute les périmètres agro-industriels qui sont des types d’aménagement gérés par des compagnies spécialisées dans la production d’une spéculation particulière à l’instar de la Compagnie Sucrière Sénégalaise (CSS) pour le sucre et la Société de Conserves Alimentaires du Sénégal (SOCAS) pour la tomate. A côté de ces deux anciens périmètres, on note l’émergence d’autres sociétés agro-alimentaires telles que les Grands Domaines du Sénégal (GDS), la Société de Cultures Légumières (SCL) qui utilisent des techniques d’irrigation de goutte à goutte (GNING, 2015), ainsi que la Compagnie Agricole de Saint-Louis (CASL) qui est spécialisé dans le riz.

Les périmètres considérés dans cette étude

La caractérisation des périmètres irrigués répond à un ensemble de paramètres à savoir : le mode de financement (public, privé), la surface des périmètres, le système de gestion (public, privé) et le niveau de maîtrise de l’eau. En fonction de ces caractéristiques, on distingue, dans le Delta du Sénégal, les grands périmètres transférés ou non transférés, les moyens périmètres, les périmètres irrigués villageois, les périmètres irrigués privés et les périmètres dédiés à l’agrobusiness. Cette étude porte sur le système de gestion de l’eau de sept aménagements correspondant aux différents types cités ci-dessus. Il s’agit des périmètres de Mbagam, Boundoum, Grande-Digue-Tellel, Pont-Gendarme, Lampsar, du privé Modou LO et la Compagnie Agricole de Saint-Louis (CASL).
Boundoum est un grand périmètre transféré. Il est géré par l’union hydraulique de Boundoum, créée en 1991 suite au désengagement progressif de la SAED qui a abouti au transfert de la gestion des périmètres irrigués. Le périmètre de Boundoum polarise sept villages (Wassoul, Ronkh, Diawar, Boundoum barrage, Kheune, Diadiam, Boundoum Est). Les travaux de réhabilitation et d’extension du périmètre de Boundoum, débutés en 1991, se sont effectués en deux phases sur une superficie totale de 3361 ha. La station de pompage est alimentée en eau par le Fleuve Sénégal (MAR, 2011). Dans cet aménagement, nous avons rencontré un des pompistes et le président de la Commission Irrigation.
Photo 2: Entretiens avec le responsable de la commission gestion de l’eau et le pompiste de Mboundoum Crédit photo : Rokhaya FALL, 2017
Mbagam est un périmètre irrigué villageois qui se trouve sur la rive gauche du fleuve Sénégal qui est donc sa source directe pour l’irrigation. C’est une exception à plus d’un titre dans la mesure où il s’étend sur 500ha, une surface bien supérieure à ce que l’on attend d’un PIV. Ce PIV est géré par une Union Hydraulique qui fournit l’eau à des Sections Villageoises et des GIE privés, soit un fonctionnement qui se rapproche de celui attendu d’un Aménagement Intermédiaire voire un Grand Aménagement (NDIAYE, 2017). Dans cet aménagement, nous avons rencontré un groupe incluant aussi bien le président, les préposés à l’irrigation ou pompistes et le président de la commission gestion de l’eau.
Photo 3: Entretien avec l’Union Hydraulique de Mbagam Crédit photo : Rokhaya FALL, 2017 Grande-Digue-Tellel est un périmètre non transféré créé depuis 1976. Il couvre une superficie potentielle de près de 3000 ha de terres dont près de 1600 ha réellement exploitables à l’heure actuelle, une seule station de pompage étant disponible et située sur l’ancien ouvrage gravitaire de grande digue. La station du Ndiael construite en 2005 permet le drainage des eaux du casier et ceux de Kassack. Ce casier fait partie d’un lot réalisé sur fonds publics et se trouve dans un état de vétusté avancé (efficience des réseaux d’irrigation et de drainage faible). La détérioration des réseaux d’irrigation et de drainage, des parcelles, des pistes et des équipements électromécaniques est accentuée par la vieillesse de l’aménagement (37 ans). La mise en valeur est assurée par 11 sections villageoises, 26 GIE et 61 individuels. Les exploitants sont issus de Ross Béthio et des villages environnants tels que Souloul, Télel et Diadiam. Les producteurs individuels quant à eux viennent de Ross Béthio, Saint Louis, Mpal et dans une moindre mesure de Richard Toll (SAED, 2001). Dans cet aménagement, nous avons rencontré un groupe incluant le président de l’UH, le président de la Commission Gestion de l’eau et les pompistes.
Le périmètre de Pont-Gendarme est un aménagement intermédiaire qui se situe sur la rive gauche du Marigot de Lampsar à 8 km de la cuvette de Thiléne entre le Marigot Lampsar au Nord et la route nationale au Sud, soit à 9 km de Ross Béthio. Actuellement, sous la pression démographique des actifs, la surface est portée après réhabilitation à 270 ha soit une extension de 100 ha rattachée au réseau initial. Les terres aménagées de la cuvette sont concédées à l’Union qui a la charge de mettre en valeur et de préserver les aménagements et les installations électromécaniques. L’Union est composée de 325 producteurs répartis dans des GIE au nombre de huit (8) dont un GIE de Femmes qui assurent la mise en valeur de la cuvette (NDIAYE, 2017). Dans cet aménagement, nous avons discuté avec le responsable de la commission de gestion et exploitation et le secrétaire général adjoint.
Le périmètre de Lampsar est un aménagement intermédiaire de 112 ha qui se trouve entre le Marigot de Lampsar sur sa rive gauche et la Route Nationale 2.Il a fait l’objet d’une réhabilitation en 2006 qui a porté l’aménagement à 170 ha (NDIAYE, 2017). Dans cet aménagement, nous avons rencontré le président de l’UH et le responsable de l’irrigation.
Modou LO est un producteur qui exploite un aménagement privé c’est-à-dire réalisé par lui-même d’où le caractère privé de l’aménagement (NDIAYE, 2017). C’est lui-même qui a répondu à nos questions relatives à la gestion de l’eau dans son périmètre.
La Compagnie Agricole de Saint-Louis est une entreprise privée étrangère à vocation agricole dont l’objectif est -de participer à la sécurité alimentaire du pays ; -de participer à la structuration de la filière rizicole de la Vallée du fleuve Sénégal ; -d’assurer une partie de la production en régie ; -de participer au développement de l’agriculture paysanne ; -de maitriser la chaine de valeur à partir de l’aménagement des périmètres jusqu’à la commercialisation des productions. Ainsi, la CASL a bénéficié de deux affectations de terres à usage agricole de 1500ha et 5245 ha dans la zone du Djeuss Nord dans la commune de Diama. Elle a également obtenu un terrain à bâtir de 3 ha sur le même site pour y implanter le corps de ferme et un autre de 6 ha sur le site de Rainabé1, situé à 4 km de Ross Béthio, pour y implanter une usine de séchage, stockage et usinage du riz (NDIAYE, 2017). Nous avons discuté avec le responsable de l’encadrement.

Table des matières

Introduction
PREMIERE PARTIE : CADRE THEORIQUE ET PRESENTATION GENERALE DU DELTA DU FLEUVE SENEGAL
Chapitre 1 : Cadre théorique de l’étude
1.1 Problématique
1.2 Questions de recherche
1.3 Objectifs de recherche
1.4 Hypothèses de recherche
1.5 Méthodologie de recherche
Chapitre 2 : Présentation du Delta du Fleuve Sénégal
2.1 Caractéristiques physiques
2.1.1 Le relief
2.1.2 Les sols
2.1.3 Le climat
2.1.4 La végétation
2.1.5 La faune
2.1.6 L’hydrologie
2.2 Caractéristiques socio-économiques
2.2.1 Le cadre humain
2.2.2 Le cadre économique
2.2.3 Les périmètres considérés dans cette étude
DEUXIEME PARTIE : GESTION DE L’EAU DANS LE DELTA DU FLEUVE SENEGAL : ENTRE DIVERSITE DE SYSTEMES ET PROBLEMES D’EFFECTIVITE
Chapitre 3 : Un système de gestion de l’eau à trois niveaux dans le Delta du Fleuve Sénégal
3.1 La gestion de l’eau par l’OMVS
3.1.1 La Charte des Eaux du Fleuve Sénégal
3.1.2 La Commission Permanente des Eaux
3.2 La gestion de l’eau par la SAED
3.3 La gestion de l’eau par les producteurs
3.3.1 Les instruments de gestion de l’eau par l’union hydraulique
3.3.2 Les acteurs qui interviennent dans la gestion de l’eau par l’union hydraulique
3.3.3 La gestion de l’eau dans les aménagements privés
Chapitre 4 : Les insuffisances du modèle de gestion des ressources en eau dans le Delta
4.1 Une règlementation incomplète et dépassée
4.2 Un cadre de contrôle déficitaire
4.3 Des pratiques exclusives des principes de gestion durable
Conclusion
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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