Les “Living Learning Communities” anglosaxonnes

Les “Living Learning Communities” anglosaxonnes

Le concept : des communautés de vie sur le campus universitaire

Le terme “Living learning communities” (LLC) signifie en français communautés d’apprentissage. Contrairement au concept tel qu’il existe en France, en anglais, “living” rappelle l’idée de “vie” et démontre le fait qu’il s’agisse d’un élément clé. Dans son ouvrage Together We Can Live and Learn (Dunn et Dean 2013), Merrily S. Dunn et Laura A. Dean définissent les LLC comme des “interventions programmatiques structurées qui rassemblent les étudiants et les membres de la faculté et incluent les étudiants qui vivent ensemble”. C’est un phénomène commun aux Etats-Unis et ils se développement en Europe.

McMillan et Chavis (1986) , psychologues communautaires, donne quatre facteurs pour décrire   le “sens de la communauté” dans les living learning communities : l’appartenance, l’influence, la satisfaction des besoins individuels et les événements partagés et émotions-connexions. Les membres de la communauté ressentiraient un certain sentiment de loyauté et d’appartenance au groupe (à ses membres) qui animerait leur volonté de continuer à travailler et d’aider les autres. La communauté d’apprentissage donnerait aussi aux participants la possibilité de répondre à leurs besoins personnels (épanouissement) en leur permettant d’exprimer leurs opinions personnelles, de demander de l’aide ou des informations, et en partageant leurs vécus voire leurs difficultés personnelles (connexions émotionnelles).

Aux États-Unis, l’Evergreen State College est l’université considérée comme pionnière dans ce domaine, elle a créée une célèbre communauté d’apprentissage intercollégiale en 1984. En 1985, elle crée le Washington Center for Improving the Quality of Undergraduate Education . Un   centre qui travaille sur les approches pédagogiques collaboratives, dont les communautés d’apprentissage sont un modèle. Des communautés d’apprentissage se sont développées dans d’autres universités américaines à la fin des années 80 et tout au long des années 90. Le National Learning Commons Directory du Centre de Washington compte plus de 250 initiatives de communautés d’apprentissage aux Etats-Unis.

En 1927, l’Experimental College (Wisconsin) est organisé ainsi : les étudiants vivaient et travaillaient à Adams Hall avec leurs professeurs et camarades. Ils avaient donc des liens étroits, à la fois intellectuels mais aussi personnels. L’idée était de permettre un “cursus intégré” pour encourager la connaissance, les compétences mais aussi les relations, pour l’apprentissage et l’engagement civique. Les exemples actuels de LLC aux Etats Unis sont fondés sur la majeure académique ou sur une thématique (environnement, justice sociale, arts plastiques, langues étrangères…). Sur ce dernier point, des activités liées sont organisées : projets de “community service”, programmation multiculturelle, “service learning”, “cultural events”… La “réussite” est considérée comme l’accomplissement des objectifs que les étudiants se sont fixés.

L’hypothèse : la réussite scolaire dépend d’un environnement d’apprentissage riche

Les universités américaines étaient attirées par les communautés d’apprentissage parce que la recherche a montré qu’en faire partie pouvait améliorer le taux de réussite des étudiants. Les fondateurs d’Harvard, première institution d’enseignement supérieur aux E-U (née en 1636), étaient convaincus que vivre ensemble, dans des résidences, était essentiel pour avoir un effet sur la personnalité des jeunes (Cohen, 1998) . Le but étant alors d’améliorer la vie des étudiants en  dehors de la classe et d’étendre l’éducation formelle dans le temps et l’espace où les étudiants passent la plupart de leur temps : c’est-à-dire hors classe .

La comparaison entre des étudiants qui vivent sur le campus dans des communautés d’apprentissage et ceux qui vivent hors campus a montré que les étudiants participant à des communautés d’apprentissage étaient plus susceptibles de ne pas “décrocher” des études avant l’obtention du diplôme. Ce constat est approfondi par le travail de Vince Tinto . Il déclare dans   ses travaux que « les systèmes sociaux et académiques qui se renforcent positivement augmentent l’engagement des étudiants comme lorsque les étudiants font partie d’un groupe de pairs qui sert également de groupe d’étude” (traduit de l’anglais). D’autres recherches, menées par John Purdie et Vicki Rosser (Purdie 2007) , indiquent que les élèves qui participaient à des   communautés d’apprentissage obtenaient des notes plus élevées. Les universités seraient donc en mesure de contribuer à l’augmentation du “rendement scolaire” des étudiants qui participent à une communauté d’apprentissage en raison de sa capacité à permettre de “meilleures expériences académiques entre pairs et un environnement d’apprentissage enrichi”.

Mais de telles communautés d’apprentissages peuvent être critiquées, en témoigne un article du journal en ligne Slate paru en 2017 (Slate.fr 2017) . Certaines communautés ne seraient pas   ouvertes à la mixité raciale et tomberaient alors dans le communautarisme. En mai 2016, par exemple, à Evergreen (Washington), des étudiants ont été harcelé et ont demandé le renvoi d’un professeur parce qu’il avait critiqué un événement sur le campus intitulé «Jour d’Absence», jour critiquable pourtant puisqu’il s’agissait d’un jour au cours duquel l’université avait organisé des ateliers pour les personnes “non-blanches”. En 2017, les blancs étaient invités à participer à des discussions sur des thématiques d’exclusion et de racisme, mais dans un autre lieu.

Ce type de communautés a inspiré des pratiques similaires dans le secteur associatif en France, dont le Programme MAISON où j’ai réalisé mon stage final.

Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE 1. Cadre pratique – L’émergence de communautés apprenantes diverses
I. Les communautés apprenantes au sens restreint – incluant un lieu de vie
1. Les “Living Learning Communities” anglosaxonnes
a. Le concept : des communautés de vie sur le campus universitaire
b. L’hypothèse : la réussite scolaire dépend d’un environnement d’apprentissage riche
2. Mon stage : le Programme MA1SON de Article 1 adressé aux étudiants boursiers
a. Le concept : “Ne pas vivre les uns à côté des autres, mais les uns avec les autres”
b. Le déroulé du Programme : vivre, apprendre et agir ensemble
c. L’hypothèse : le vivre-ensemble pour lever plusieurs freins à l’égalité des chances
3. Autres communautés de vie et d’apprentissage du tissu associatif
3.1. L’exemple des “KAPS” développées par l’AFEV
a. Le concept : “favoriser le vivre ensemble par des territoires solidaires”
b. L’hypothèse : ouvrir l’université sur l’espace urbain transforme les ségrégations
sociales
3.2. L’exemple des Maisons de la Fondation Julienne DUMESTE
a. Le concept: un lieu d’accueil réunissant un public jeune sans ressources suffisantes
b. L’ambition : un accompagnement social personnalisé
II. Les communautés apprenantes au sens large – excluant le lieu de vie
1. Les Réseaux d’Echanges Réciproques de Savoirs (RERS)
a. Le concept : des réseaux d’échanges réciproques de savoirs
b. L’hypothèse : “Chaque personne détient un savoir à transmettre”
2. Les Universités populaires ou partagées, incarnation de l’École mutuelle
2.1 Le concept : une pédagogie basée sur des échanges réciproques dans les Écoles
2.2 Un exemple : “Lyon Zéro”, université partagée
a. Le concept : la mutualisation des capacités de chacun pour coopérer
b.“Déscolariser la connaissance pour en faire un bien commun accessible à tous”
3. Québec – Les Communautés d’apprentissage pour professionnels (CAP)
a. Le concept : partager entre experts, intervenants et autres collègues pour innover
b. “Une force de changement de l’intérieur” pour les nouveaux défis de la “société du
savoir”
4. Les communautés de pairs dans la prévention de la toxicomanie
a. Le concept : le recours à des éducateurs ayant le même âge ou la même expérience
b. L’hypothèse : un langage et un vécu commun permet une meilleure communication
III. Les phénomènes récents utilisant des méthodes d’apprentissage collectif
1. Les Tiers-lieux éducatifs : l’exemple des espaces de travail collaboratif
a. Le concept : la possibilité pour entrepreneurs de mobiliser un “réseau” de pairs
b. L’ambition : faire cohabiter travail et socialisation
2. Les Villes et autres territoires dits “apprenants”
a.Le concept : des villes en transition qui font communautés pour progresser
b. L’idée : l’apprentissage entre “villes paires” et leurs habitants pour plus de
démocratie
3. L’exemple des entreprises libérées
a. Le concept : renouer avec l’apprentissage par l’erreur et redonner du “sens” du
travail
b. L’hypothèse : l’intelligence collective pour s’adapter à la complexité à la manière du
vivant
4. Sur Internet : le développement des MOOCS (Massive Online Courses)
a. Le concept : une formation en ligne capable d’accueillir un grand nombre de
participants
b. L’idée directrice : démocratiser l’accès au savoir
PARTIE 2. Cadre théorique – Apports relatifs aux communautés apprenantes
I. Repères relatifs à l’égalité des chances et aux communautés apprenantes
1. Analyse critique de la notion d’égalité des chances
1.1. Enjeux autour de la notion
1.2. Hypothèses pour pallier les limites de la notion
2. Repères relatifs aux communautés apprenantes
II. Principaux apports théoriques des CA sur le plan individuel
1. Le développement par l’apprenant d’un rapport nouveau au Savoir
1.1. Le sentiment de choisir ce que l’on apprend et de pouvoir l’inscrire dans le réel
1.2. La valorisation des savoirs de tous valorisant le “droit à la différence”
2. Le développement par ces logiques collectives d’un rapport positif aux “pairs”
2.1. L’affirmation de soi par le besoin de complémentarité, développant la sociabilité
2.2.1. Complémentarité et biodiversité pédagogique, telle la symbiose dans la science du
vivant
2.2.2. Le développement de la sociabilité par le pouvoir du lien dans l’apprentissage
2.2. La possibilité d’apprendre à composer avec l’autre dans la coconstruction
III. Principaux apports théoriques des CA sur le plan collectif
1. Apports de l’émergence des CA sur le plan économique et social
1.1. Sur le rapport au Savoir : la reconnaissance du capital humain comme essence de la
société
1.2. Une autre mesure de ce qui a de la valeur : la valeur du lien plus que du résultat
2. Principaux apports des CA sur le plan politique et sociologique
2.1. La mise en avant du lien entre méthodes pédagogiques et modes de gouvernance
2.2. La mise en lien entre rapport au Savoir et rapport aux Communs
2.2.1. La promotion d’un rapport au savoir et à la connaissance ouvert, partagé et libre
2.2.2. Les CA : dans la lignée d’une république des Communs ?
CONCLUSION

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