LES MUNICIPALITÉS RURALES À L’ÉPREUVE DE LA PROGRAMMATION DE L’URBANISATION

LES MUNICIPALITÉS RURALES À L’ÉPREUVE DE LA PROGRAMMATION DE L’URBANISATION

Explorer les pratiques de régulation et de gestion de l’urbanisation future dans les communes rurales : une approche empirique de la planification

Dans une approche sociologique, nous envisageons la notion de planification d’urbanisme sous trois aspects, comme une action de régulation, un instrument de gestion spatiale et une action collective. Nous proposons d’exposer dans cette section les cadres théoriques mobilisés qui soustendent le travail de recherche. La première sous-section traite du droit comme action sociale et nous permet d’envisager l’étude des instruments réglementaires comme une ressource pour analyser l’action publique. La deuxième sous-section s’appuie sur les sciences de gestion et la sociologie des outils de gestion, travaux que nous mobilisons pour penser la planification urbaine comme un outil doté d’un pouvoir d’action et dont les fonctions et la matérialité sont dotés d’effets propres. La troisième sous-section présente les apports de sociologie de l’action collective pour analyser l’écriture de la réglementation urbaine locale à travers les processus (actions et dispositifs) de coordination et de négociation.

La planification locale d’urbanisme comme action de régulation

Cette sous-section traite d’une entrée centrale de la thèse, qui vise à comprendre l’orientation des pratiques par la règle, en prenant comme objet la mobilisation du règlement local d’urbanisme par les acteurs locaux. L’ambition est notamment de questionner les coopérations, négociations et résistances que l’on peut observer entre les acteurs du système foncier dans le cadre du processus d’écriture réglementaire et de définition d’un projet territorial. Cette sous-section nous amène à souligner l’importance de considérer le droit comme une activité sociale susceptible de donner lieu à une analyse sociologique. Les représentations du droit par les acteurs ou encore l’appréciation de l’effectivité du droit sont des objets importants pour les travaux qui portent sur l’évaluation des connaissances que les 43 acteurs ont des règles et de leur mise en œuvre. Nous centrons ici davantage notre approche sur les pratiques des acteurs dans des situations d’action orientées par un cadre réglementaire.

Dans une approche sociologique du droit, Lascoumes et Serverin étudient les situations et le processus de mobilisation du droit pour comprendre les activités juridiques (Lascoumes, Serverin, 1988). Ils définissent le droit comme une activité sociale et s’appuient sur les travaux de Weber pour développer une analyse interactive du droit. Dans cette perspective, les actions sont orientées par les situations créées comme par les cadres préexistants. L’acteur est considéré comme usager du droit à partir du moment où son action est orientée par la prise en compte de l’existence de la règle, qu’il s’agisse de s’y conformer ou de mettre en œuvre des stratégies de contournement. Les auteurs soulignent par exemple que, plus encore qu’un comportement jugé « conforme » à la règle, les stratégies « non-conformes » (opposition, négociation, abstention) révèlent souvent le savoirfaire des acteurs et l’orientation de l’action par le droit.

La planification locale d’urbanisme comme instrument de gestion

Dans cette sous-section, nous proposons d’expliquer l’intérêt d’une approche par les outils de gestion dans notre recherche. Nous avons souligné l’importance d’envisager la planification comme un outil de régulation dont les acteurs se saisissent. Pour répondre à nos questions de recherche, il nous semble dans cette perspective utile de considérer la planification comme un l’instrument de gestion. Nous préciserons les apports des sciences de gestion et des sciences sociales pour analyser la planification d’urbanisme et ses effets sur le milieu. En considérant les instruments comme des objets, qui produisent des effets indépendants des objectifs qu’ils poursuivent, ce cadre d’analyse permet de mieux comprendre les rapports de forces entre les acteurs impliqués, notamment concernant les instruments de l’action publique (Lascoumes, Le Galès, 2007). Les recherches menées dans ce domaine identifient, dans une perspective historique, le développement des « outils de gestion » à partir du milieu du XIXe siècle comme une réponse aux besoins d’organiser les activités dans les grandes entreprises (par exemple, les outils de compatibilité) (Moisdon, 2005 ; Aggeri et Labatut, 2010).

L’intérêt des chercheurs et des managers porte dans un premier temps (1960-1980) sur les capacités techniques et gestionnaire de l’outil. À partir des années 1980, c’est leur capacité d’action propre, de transformation des activités et des organisations, qui est soulignée par les recherches (Aggeri et Labatut, 2010 ; Chiapello et Gilbert, 2016). Suivant cette perspective, l’outil présente une capacité d’action propre du fait des informations qu’il véhicule (Chiapello et Gilbert, 2016). Chiapello et Gilbert identifient la « valorisation » comme un effet non-attendu de l’outil lié à « son rôle dans la construction de jugements et l’attribution de valeurs ». Les jugements et les valeurs peuvent être conférés à l’égard d’objets, de personnes ou d’actions. Les acteurs-gestionnaires produisent notamment des valeurs au travers de l’élaboration et l’application de l’outil. D’autre part, en objectivant quantitativement les valeurs, les entités deviennent mesurables et comparables, même si elles sont différentes (Chiapello et Gilbert, 2016). Dans le cadre de notre recherche, l’approche invite notamment à considérer l’instrument de gestion spatial à travers sa capacité d’action : sélection et distribution de valeurs à des espaces (protégé, constructible, densifiable, mixte) ; commensuration et comparaison d’entités.

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