Les mutilations génitales féminines

Les mutilations génitales féminines

Le cadre théorique 

La problématique Les mutilations génitales féminines constituent une des violations les plus flagrantes des droits humains fondamentaux des femmes et des filles au Burkina Faso. Elles violent le droit à l’intégrité physique de la femme et de la fille, le droit à la santé, à la procréation, à la contraception de son choix et dans une certaine mesure en cas de décès, le droit à la vie garanti par la constitution et les différents textes de l’ordre interne du Burkina Faso. Malgré les campagnes d’information, de sensibilisation et de communication menées, elles continuent d’être la règle chez la plupart des femmes et des filles burkinabé en âge de procréer même si l’on observe une tendance à la baisse du phénomène chez les filles âgées de 0 à 14 ans. La compréhension du contexte dans lequel se pratiquent ces mutilations ainsi que la justification de l’étude, permettront de mieux circonscrire la question de recherche et de cerner la problématique.

Le contexte et la justification

Les mutilations génitales féminines sont des pratiques traditionnelles ayant survécu aux vicissitudes du temps et surtout à la modernité. Au Burkina Faso, la forme la plus répandue est l’excision. Celle-ci continue d’avoir droit d’être citée car se présentant dans certains milieux comme une convention sociale auto-imposée. L’individu naît et constate que dans son milieu l’excision est légion, donc par conformisme il/elle perpétue la pratique. Le poids des normes sociales est assurément lourd et ne lui laisse aucune alternative pour décider en toute âme et conscience de sa santé de la reproduction. Son consentement est altéré, vicié du fait qu’il soit sous l’emprise des valeurs sociétales et sous le prisme d’un modèle de consentement qui se singularise de celui de l’occident par son caractère autoritaire et communautaire. On va en effet à l’excision parce qu’il a été décidé comme tel pour notre bien être social et matrimonial. La décision d’exciser est bien souvent prise à la place de la personne qui est soumise à la pratique. Si les filles qui ont au dessus de l’âge de la raison sont parfois flattées par leurs proches parents pour les conduire à l’excision, tel n’est pas le cas des enfants à bas âges qui sont purement et simplement emmenés par leur mère, tante ou leur grand-mère à l’excision. 18 Au-delà de ces deux cas de figures, il est à signaler quelques cas déplorables de majeures qui se font volontairement exciser à l’image de cette étudiante de première année à l’Université de Ouagadougou âgée de 20 ans qui s’est faite exciser en 2009 sur la base de fausses rumeurs de ses camarades véhiculant l’idée selon laquelle les prières d’une femme non excisée ne sont jamais exaucées par le Bon Dieu. C’est dire qu’au Burkina Faso, la pratique de l’excision persiste sous des formes pernicieuses. Les acteurs de la promotion de l’élimination de la pratique de l’excision sont confrontés à des poches de résistances sur le terrain eu égard aux différentes mutations du phénomène caractérisées par la clandestinité, le rabaissement de l’âge à l’excision, l’excision transfrontalière et les cas marginaux de personnes adultes qui se font délibérément exciser. A ces goulots d’étranglement observés, s’ajoutait depuis 2006 jusqu’au 05 Octobre 2012, l’absence d’une étude récente situant la prévalence de l’excision au niveau national, dans chaque région, province et ville du Burkina Faso pour pouvoir accentuer avec certitude les efforts d’accélération de l’abandon des mutilations génitales féminines au Burkina Faso. Les statistiques de cas d’excision enregistrés au Secrétariat Permanent du Conseil National de Lutte contre la Pratique de l’Excision permettaient de déterminer le lieu de la commission de l’infraction mais ne permettaient pas de conclure sur les zones à fortes prévalence eu égard à la migration des exciseur (se)s et des populations. L’enquête démographique et de santé de 2003 situait la prévalence nationale de l’excision à 77% mais cette enquête s’intéresse aux femmes en âge de procréer soit la cible de 15-49 ans. Le rapport de l’étude d’évaluation des actions du Comité National de Lutte contre la Pratique de l’Excision de 1990 à 2005 révèle un taux de prévalence nationale de 49,5% pour les 0 à 60 ans et plus. Cette étude de 2006 révèle que le taux de prévalence de l’excision varie d’une province à l’autre. Le taux le plus élevé est détenu par la province du Passoré (69,78%), suivie par les provinces du Yagha (69,04%) et du Soum (66,88%). Les régions à fortes pratiques d’excision sont celles du Nord (63,08%), du plateau central (62,63%) et du sahel (57,34%). Bien qu’étant dans la région du Sahel, la province de l’Oudalan se singularise des autres provinces de la même région à travers un taux de prévalence de l’excision en deçà de la moyenne nationale, taux que les démographes caractériseraient de niveau 19 intermédiaire (39,9%). La raison explicative fournie est que cette province est composée de Tamachèques qui ne pratiquent pas l’excision. Quant aux taux les plus bas c’est-à-dire moins de 20%, ils sont enregistrés dans les provinces du Boulkiemdé (16,52%), de la Tapoa 17,53%) et du Sanguié (18,49%). Ces disparités sont perceptibles ci-après à travers la cartographie de la pratique des mutilations génitales féminines qui révèle une expansion géographique du phénomène. Figure 1 : Carte du Burkina Faso avec les taux de prévalence de l’excision par province (Source : Société Africaine d’Etudes et de Conseil, évaluation des actions du Comité National de Lutte contre la Pratique de l’Excision de 1990 à 2005, Ouagadougou 2006). Cette expansion géographique de l’excision décrite ci-dessus a poussé le gouvernement, au regard de la persistance de l’excision, à adopter en le 27 Mai 2009 en Conseil des Ministres, un Plan d’Actions National 2009-2013 Tolérance Zéro aux Mutilations Génitales Féminines d’ici 2015 au Burkina Faso. 20 Ce plan d’action ambitieux d’un budget annuel de 3.337.831.000 Cfa souhaité par an soit 16.689.155.000 Fcfa pour les cinq ans, nécessite une mobilisation de ressources conséquentes pour venir à bout de cette pratique avilissante de la femme et de la fille. Il se décline à travers les huit axes stratégiques suivants :  Axe stratégique 1 : Le renforcement des capacités institutionnelles et organisationnelles du SP/CNLPE ;  Axe stratégique 2 : Le renforcement des compétences techniques des acteurs de terrain ;  Axe stratégique 3 : L’Information, l’Education, la Communication (IEC) / la Communication pour le Changement de Comportements ;  Axe stratégique 4 : Le plaidoyer / le lobbying ;  Axe stratégique 5 : La prise en charge intégrée des victimes des séquelles des mutilations génitales féminines ;  Axe stratégique 6 : L’approche intégrée / Extension de l’intégration des modules MGF ;  Axe stratégique 7 : Le renforcement de la pression de la loi sur les auteurs des MGF et leurs complices ;  Axe stratégique 8 : Les études, les recherches / la supervision et le suiviévaluation. Un plaidoyer du Secrétariat Permanent du Conseil National de Lutte contre la Pratique de l’Excision a permis de mobiliser certains partenaires techniques et financiers de l’Etat burkinabé (ambassade royale des Pays Bas, ambassade royale du Danemark, Giz, UNICEF) qui ont accepté de conclure avec le gouvernement, un Protocole de Financement Commun du Plan d’Action National 2009-2013 Tolérance Zéro aux Mutilations Génitales Féminines d’ici 2015 au Burkina Faso. 21 Par la suite, un comité de pilotage du fonds commun pour la mise en œuvre de ce Plan d’Action National a été créé par l’arrêté conjoint N°2011-003 / MASSN / MEF du 24 Janvier 2011 portant création, attributions, composition et fonctionnement d’un Comité de pilotage du fonds commun pour la mise en œuvre du Plan d’Action National 2009-2013 Tolérance Zéro aux Mutilations Génitales Féminines. Le 10 mars 2011, date de la tenue de la première réunion de ce comité de pilotage, l’UNFPA avait annoncé la possibilité qu’elle rejoigne le panier commun. A la date du 04 octobre 2013, il n’a pas encore rejoint le panier commun. Cette situation pourrait certainement s’expliquer par une volonté de rendre plus visible ses actions. En effet, l’UNFPA finance le programme conjoint UNFPA-UNICEF dont il assure la coordination dans 17 pays d’Afrique y compris le Burkina Faso, pour l’accélération de l’abandon des mutilations génitales féminines. C’est sans doute ce qui a motivé l’UNICEF qui, bien qu’étant dans le panier commun, n’apporte à ce panier qu’une contribution de dix millions de francs CFA et procède d’un financement direct des activités du SP/CNLPE à hauteur de soixante quinze millions de francs CFA en moyenne. Si la mobilisation de ces partenaires techniques et financiers peut être considérée comme salutaire, dans un contexte de responsabilité partagée, celle de l’Etat est indispensable. En effet, la mobilisation des ressources de l’Etat est primordiale pour témoigner de sa volonté de politique. Cela doit concrètement se traduire par des lignes de crédit assez conséquentes du budget de l’Etat affectées à la promotion de l’élimination des mutilations génitales féminines au Burkina Faso. C’est à ce prix que l’on pourrait obtenir des partenaires techniques et financiers le financement du plan d’action national. Ce financement demeure un enjeu majeur pour l’accélération de l’abandon des mutilations génitales féminines au Burkina Faso car ce plan prévoit des stratégies pour contrer les mutations actuelles du phénomène. Ces mutations sont entre autres la simplification ou la suppression des rituelles publiques, la clandestinité de la pratique, l’excision transfrontalière et la baisse de l’âge à l’excision. Cette dernière selon l’étude de 2006 sur l’évaluation des actions du comité national de lutte contre la pratique de l’excision de 1990 à 2005 se trouve au niveau suivant : 22  plus de 80% des MGF sont pratiquées sur les fillettes quand elles ont entre 0 et 14 ans ;  62,85% des filles sont excisées avant l’âge de 10 ans et cette situation est identique que ce soit en milieu rural ou en milieu urbain. L’étude sur la prévalence de l’excision réalisée en 200116 avait montré 48.75% de filles excisées entre 0 à 10 ans alors que celle de 2006 donne 62.85% soit une différence de 14.15% ;  Seulement 1,66% des filles sont excisées entre 15 et 24 ans ;  31,78% des filles sont victimes de la pratique des MGF quand elles n’ont qu’entre 0 et 4 ans. Pendant cinq ans environ, le secrétariat permanent du conseil national de lutte contre la pratique de l’excision utilisait ces données dont l’actualité posait problème au regard des mutations du phénomène et en ce qui concerne les régions à haute prévalence. Les données de l’enquête démographique et de santé et à indicateurs multiples de 2010 du Burkina Faso dont la restitution officielle a été faite le 05 Octobre 2012 confirment nos propos. En effet, il ressort de cette enquête que les régions à haute prévalence de l’excision sont le Centre-Est (90%), le Centre-Nord (87%), le Nord (88%) et le Plateau Central (88%). Par ailleurs, 76% des femmes ont déclaré au cours de l’enquête, avoir subi la pratique de l’excision soit un peu plus de 3/4 des femmes en âge de procréer sont excisées. Ce qui fait de l’excision, une pratique très répandue au Burkina Faso. Aussi, constatonsnous que la prévalence entre les deux enquêtes démographiques et de santé et à indicateurs multiples (2003 et 2010) n’a pratiquement pas baissé chez les femmes en âge de procréer (77% en 2003 contre 76% en 2010). Cependant la proportion de femmes excisées diminue de manière importante des générations les plus anciennes (89% à 45-49 ans) aux générations plus récentes (58% à 15-19 ans).

Table des matières

Avant Propos
Introduction
Première partie : Le cadre d’investigation
Chapitre 1 : Le cadre théorique
Chapitre 2 : Le cadre institutionnel et juridique de la promotion de l’élimination des mutilations
génitales féminines au Burkina Faso
Deuxième partie : Expression spatiale et analyse systémique des mutilations génitales féminines
Chapitre 1 : La réalité de la pratique des mutilations génitales féminines et son expression spatiale
Chapitre 2 : Les mutilations génitales féminines, une résultante d’un faisceau de variables interconnectées
Chapitre 3 : Les stratégies et actions menées
Chapitre 4: Les limites observées
Chapitre 5 : Les solutions proposées
Conclusion
Annexes
Bibliographie

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