Les normes du droit du travail et leurs effets sur le statut de la femme

La femme qui travaille, un nouveau modèle : mahavelon-tena

La société attend généralement d’un homme qu’il soit capable de subvenir à ses besoins, plus précisément d’arriver à assurer sa propre vie. Le terme « velon-tena » désigne l’homme autonome, qui ne vit pas sous la dépendance d’autrui, qui a acquis son indépendance vis-à-vis de la cellule parentale, et qui exerce des activités qui le font vivre. De plus en plus l’expression s’applique aux femmes qui travaillent et qui sont en mesure de subvenir à leurs besoins. L’énergie physique, l’ardeur au travail, l’audace sont les qualités requises d’un homme, mais également la connaissance des savoirs, des techniques aussi bien dans la production que dans les comportements en société, la débrouillardise, la patience. Le terme « mahavelon-tena » implique aussi que l’on possède les moyen de la production, la terre, les instruments, les boeufs, autant d’attributs qui ramènent aux genres de vie forestier et agricole. L’on apprécie d’un homme que, en plus des terres dont a hérité, il en ait lui-même mis en valeur de nouvelles En milieux urbain le terme implique que l’on dispose de suffisamment de revenu monétaires pour les besoins de base, d’un empli, que l’on ait son propre logement. On estime que qu’un homme ne devrait fonder un foyer qu’une fois assurer d’être capable de faire vivre épouse et enfants.

Des femmes aussi pourvoient à leur existence. Phénomène qui pourrait s’expliquer par la multiplication des collèges et des lycées dans les villes secondaires. Alors que les femmes présentes sur la scène du travail rémunéré, fonctionnaires ou non, se limitaient dans le passé aux sages-femmes et aux institutrices, depuis longtemps apparaissent en nombre croissant celles qui travaillent dans les services administratifs. La position acquise repose sur le mérite personnel, l’assiduité et la ténacité au travail scolaire puis professionnel, que l’on se marie ou pas. L’appartenance sociale de naissance est déterminante et, semble-t-il, la religion. Les femmes qui ont réussi leur scolarité, le doivent beaucoup à un milieu et à une éducation où il leur était dit qu’elles n’auraient pas d’héritage, mais que leur instruction en tiendrait lieu et qu’elles devraient gagner leur vie. Les familles christianisées, où la foi modèle en profondeur les comportements, favorisent également l’éclosion intellectuelle, le temps devant être passé en études et en prières. La plupart des filles connaît surtout le découragement à la suite de redoublements successifs. Les quelques filles qui atteignent la classe terminale sont les meilleures élèves.

Les travaux rizicoles

D’une manière générale les travaux rizicoles se font sur la propriété familiale. Mais suite à un système d’héritage qui conduit à un morcellement infini des terres et surtout du fait d’une démographie galopante, il pose un problème foncier aigu. La production ne suffit pas à l’autoconsommation. Par conséquent, les membres masculins et féminins du ménage, qu’ils soient jeunes ou adultes, doivent s’adonner à des travaux rizicoles salariés. Le salariat ici prend deux formes : d’une part le « sarakantsaha » où les propriétaires et les travailleurs se libèrent de leurs obligations réciproques dans les champs (par opposition à la coutume à la fin de la journée de travail) et, d’autre part, l‘ « ampiritra » (travail à la tâche) auquel correspond un salaire convenu d’avance. Le « sarakantsaha » est une activité mixte pratiquée de longue date en pays Betsileo. Les hommes et les femmes s’adonnent à la journée à des travaux de rizière de 7h à 17h. Les enfants mineures s’adonnent également aux travaux avec leurs parents. La division du travail est nette dans ce type d’activité. Le labourage, le hersage ; la coupe revient aux hommes ; le repiquage, le sarclage, la mise en herbe, le battage, le vannage et le transport reviennent aux femmes. Dans l’ « amparitra », la surface du terrain rizicole à travailler est délimitée par le propriétaire et le travailleur. Le salaire est fixe et fait l’objet d’un contrat écrit que l’on ne peut renégocier. Les femmes participent à l’exécution des travaux. La division du travail est identique à celle du « sarakantaha ». Lorsque certains membres de la famille sont accaparés par le « sarakantsaha » et l’ « amparitra » d’autres viennent travailler leur rizière. Les produits sont alors divisés en deux parts égales : une part au propriétaire et l’autre part à celui qui est venu travailler.

Les changements intervenus

Les femmes sont présentes dans tous les secteurs de la vie économique. Mais leur travail n’est reconnu actuellement que dans la mesure où il apporte une amélioration appréciable aux conditions de la famille et de la grande famille. De ce fait, elles sont contraintes à s’adonner de plus en plus à des activités génératrices de revenu, parfois en sus d’une activité salariée. Les gains ainsi récoltés servent d’appoint à l’économie domestique et à l’accomplissement des devoirs sociaux. Les femmes pensent rarement à elles- même, à la satisfaction de leurs besoins personnels. Elles font l’objet en milieu rural d’une forte discrimination. Si elles travaillent comme salariées, elles sont moins bien payées que les hommes, si elles veulent exercer un travail en dehors de leur foyer indépendamment du mari, elles doivent avoir l’aval de la grande famille. D’une part, on souhaite qu’elles travaillent, gagnent de l’argent, d’autre part on les confine dans leur rôle de mère et d’épouses. C’est certainement une des raisons qui font que les femmes jettent leur dévolu sur des activités exécutables à domicile comme le tissage, la vannerie et la broderie. L’exode rural, produit pour une bonne part de problème d’environnement – appauvrissement du sol, restriction des surfaces cultivables – engendre une autre source de discrimination vis-à-vis des femmes rurales de Betsileo.

Les paysans, réputés grands travailleurs, migrent de la saison de labour jusqu’à la moisson, dans le moyen-Ouest, à Tsiroanomandidy, Miandrivazo, et arrivent même jusqu’à Majunga et Ambatondrazaka. Ils y prennent une compagne et engendrent des enfants, délaissant ainsi femmes et enfants du « tanindrazana ». Ceux qui reviennent mènent une double vie. Le couple légitime perdant son sens. En milieu urbain, la relégation des femmes à des postes mal payés est une autre source de discrimination. Dans le secteur formel, notamment dans les entreprises, la femme et l’homme perçoivent des salaires identiques s’ils occupent les mêmes fonctions, mais la représentation des femmes dans les postes de direction est quasiment nulle à Fandriana et à Fianarantsoa. Les fonctionnaires femmes sont mieux représentées dans les professions qualifiées : elles sont médecin-Chef, Ingénieur-Chef. Le besoin d’exercer une activité génératrice de revenu est ressenti par toutes les catégories de femmes, aussi bien rurales qu’urbaines. Il est motivé d’abord par l’apport d’un gain qui pourrait améliorer le niveau de vie de la famille, mais aussi le besoin pour les femmes d’être reconnues par la valeur de travail qu’elles fournissent. La situation économique à Madagascar crée des mouvements contradictoires dans le statut des femmes. Elle contraint la femme à entrer dans le monde du travail, mais les portes de ce monde sont encore fermées. Celles qui parviennent à se trouver un emploi sont tiraillées entre les impératifs du travail et l’archétype traditionnel de la femme au foyer.

Le mariage coutumier

L’âge pour se marier diffère d’une région à une autre : entre 13 et 20 ans. Le mariage coutumier est réalisé lorsque les cérémonies traditionnelles ont été accomplies, en particulier la remise du « vodiondry » (dote) aux parents de la femme5. Ce lien matrimonial traditionnel reste plus fragile que celui crée par le droit moderne. Le lévirat, la répudiation et la polygamie marquent cette infériorité traditionnelle de la femme par rapport à l’homme. La coutume du lévirat implique qu’une veuve devient obligatoirement l’épouse du frère de son mari. Le mariage est considéré dans ce cas comme une alliance entre les deux familles, au-delà de l’union des deux êtres. Cette pratique tend à disparaitre et lorsqu’elle survit, le consentement des intéressés est requis. La répudiation met la femme répudiée au ban de la société. Le lévirat et la répudiation sont des pratiques en voie de disparition. Chez les Bara, après le décès de l’époux, le frère ainé peut exercer un droit de préemption sur la veuve et celle-ci devient automatiquement sa femme. Mais celle-ci peut se libérer en restituant totalement sa dote. La polygamie instituée par le roi Andrianampoinimerina et abolie par la reine RANAVALONA III, est un privilège accordé à l’homme qui peut prendre plusieurs épouses. Mais le mari peut épouser une autre femme sans le consentement de sa première épouse. Cette dernière à droit à un cadeau en compensation6.

La polygamie a été largement répandue dans toute l’ile, à une certaine époque, mais l’institution tend à disparaitre surtout dans les régions christianisées ou celles qui ont adopté le droit écrit. L’article 38 des Institution aux « sakaizambohitra » et l’article 50 du code des 305 articles, à la fin du XIXème siècle, de même que l’article 13 du règlement des gouvernements de l’Imerina, à l’époque coloniale, avaient déjà interdit la polygamie7. La polygamie est cependant encore pratiquée dans les régions du Sud. Chez les Antandroy, le polygame est quelqu’un de riche et de prospère et ses femmes sont fières de travailler pour lui. La seule institution coutumière favorable à la femme est la pratique du « misintaka » qui consiste pour elle à retourner temporairement chez ses parents lorsque le couple traverse une crise. Le mari procède alors au « fampodiana », c’est-à-dire à la réintégration de l’épouse au domicile conjugal en lui faisant un cadeau. Mais il n’y est pas obligé. En principe l’épouse doit fidélité à son mari. L’adultère de la femme est une cause de répudiation et la prive de son tiers coutumier. Si l’adultère est commis en temps de guerre, l’épouse encourt une sanction pénale à perpétuité ainsi que son complice. Dans le sud la femme qui a commis l’adultère est présumée irresponsable et c’est le complice qui doit dédommager le mari en lui donnant des boeufs.

Table des matières

INTRODUCTION
Historique
Contexte international
Contexte national
Contours de l’étude
Objets
Objectifs
Problématique
Hypothèses
Choix du terrain
Méthodologie
Présentation de l’ouvrage et des chapitres
Première Partie : Généralité sur le développement et la femme malgache
Chapitre I : Modèles de Femmes
I. La femme dans la région du Nord
II. La femme en pays Betsileo
Chapitre II : Le statut juridique de la Femme Malgache
I. La subordination de la femme à l’homme en droits coutumiers
II. Le principe d’égalité posé par le droit positif malgache
Chapitre III : Femme et emploi
I. Les normes du droit du travail et leurs effets sur le statut de la femme
Deuxième Partie : Les Femmes de Miarinarivo rural face au développement
Chapitre IV : Monographie et situation démographique
I. Monographie
II. Situation démographique
Chapitre V : Analyse des réalités socio-culturelles
I. Femmes et Éducation
II. Femmes et Santé
III. Femmes et Accessibilité au planning familial
IV. Femmes et Traditions
V. Femmes et Rumeurs
VI. Femmes et Projet de développement
Troisième Partie : Approche prospective
Chapitre VI : Le noeud du problème
I. Confiscation du pouvoir par une minorité
II. Mobiliser l’ensemble de la population
III. Processus démocratique
•Chapitre VII : Propositions d’actions prioritaires
I. D’une manière générale
II. Propositions d’actions
III. Amélioration de la condition de la femme
IV. Perspectives d’avenir des emplois des femmes de Miarinarivo
V. A l’instar des pays développés
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
LISTE DES TABLEAUX
LISTES DES ABREVIATIONS ET DES SIGLES
GLOSSAIRE
ANNEXES
TABLE DES MATIERES

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