Méthode et matériaux
Pour trouver les réponses à mes questions, j’ai choisi de faire des interviews avec des professeurs et de faire des enquêtes par questionnaire avec des élèves (voir Suppléments 1 et 2). Les interviews que j’ai faites ont été qualitatives. Ce sont donc des interviews, caractérisées par des questions ouvertes qui peuvent donner des réponses complexes et substantielles. Le but des interviews a été de comprendre les raisonnements et les réactions des personnes interviewées. Les résultats des interviews à questions ouvertes sont, en général, des matériaux très riches (Trost 2005:7) et c’est à cause de cela que j’ai choisi cette forme d’interview. Le lieu des interviews était l’école où les professeurs travaillent. Comme Savarese (2006:17) le constate, le lieu “peut conditionner le contenu des discours produits” et je crois que l’école est un lieu où les professeurs se sentent à l’aise.
J’ai fait des enquêtes par questionnaire et elles ont aussi été qualitatives. Le but de ces enquêtes a été d’apprendre comment les élèves voient les exercices communicatifs, s’ils pensent que ces exercices leur apprennent à communiquer et s’ils ont des idées sur la manière dont on peut améliorer son français. En ce qui concerne ce dernier point, j’ai voulu voir si les élèves comprennent qu’ils ont eux-mêmes une responsabilité pour leur propre apprentissage et qu’il faut s’efforcer en apprenant une langue. Il est important que les élèves prennent des initiatives propres et se lancent dans des conversations, sinon ils n’apprennent pas beaucoup.
J’ai aussi fait des observations de classes. Comme Mialaret (2004:60) le dit, “l’observation reste une des techniques les plus importantes et les plus utilisées dans toute recherche en sciences de l’éducation”. Cependant, en faisant des observations, il ne faut pas oublier que les comportements des professeurs et des élèves peuvent être affectés par la situation d’observation. L’observation m’a surtout permis de voir les élèves et les professeurs dans un contexte normal et habituel et j’ai ainsi pu observer “des cours ordinaires” et me familiariser avec le travail en classe.
En ce qui concerne les interviews, j’ai interrogé deux professeurs de français au lycée, une qui enseigne au premier niveau et une qui enseigne au quatrième niveau1. La professeur qui enseigne au premier niveau travaille comme professeur de français depuis onze ans et l’autre professeur travaille depuis quatre ans. Ainsi, il y a une différence d’expérience de la profession entre les deux. J’ai interviewé les professeurs à deux occasions différentes et ces occasions j’ai aussi fait les observations de classe. Les classes sont petites; il y a cinq élèves au premier niveau et neuf élèves au quatrième niveau.
Mes interviews ont été faites en tête-à-tête, il n’y avait pas de collègues ou d’élèves présents, et je crois que cela a fait que les professeurs parlaient très librement. Mais il ne faut pas oublier ce que Savarese (2006:18) dit concernant la ”bonne réponse”: une ”bonne réponse” est une réponse ”supposée attendue par l’enquêteur” et ce n’est pas une réponse qui reflète nécessairement l’opinion de la personne interviewée. Les interviews avaient un focus spécifique: les exercices communicatifs inclus dans les manuels avec lesquels les professeurs travaillaient et leur manière de travailler avec ces exercices. Comme leurs cours sont à des niveaux différents, elles se servent de manuels d’exercices différents. La professeur du premier niveau emploie le manuel Escalade 1: Manuel d’exercices et la professeur du quatrième niveau emploie le manuel Grande Escalade 4: Manuel d’exercices et livre de texte. Cependant, j’ai posé presque les mêmes questions à toutes les deux. Les questions concernaient l’emploi du manuel d’exercices et de leurs propres matériaux, le contenu et la forme des exercices communicatifs et les opinions des professeurs sur ces exercices. Les interviews ont été réalisées avant les cours que j’ai observés et j’ai enregistré les interviews avec un magnétophone afin de pouvoir écouter les interviews à plusieurs reprises plus tard lors du travail de l’analyse. Les enregistrements m’ont aussi aidée à me souvenir de la manière dont les professeurs ont répondu à mes questions, si elles ont répondu d’un ton indifférent ou intéressé, par exemple.
Comme mentionné plus haut, j’ai aussi fait des enquêtes par questionnaire dans les classes des professeurs. Ces enquêtes sont à peu près identiques, bien que les classes se trouvent à des niveaux différents et travaillent avec des manuels différents. Par exemple, deux questions étaient “Comment trouves-tu les exercices communicatifs que vous avez faits?” et En Suède, les cours de français au lycée sont numérotés d’après le niveau. Le premier niveau (niveau 1) est un cours pour des débutants qui n’ont pas étudié le français auparavant. Le troisième niveau est le niveau minimum requis pour continuer les études de français à l’université. Les niveaux 4, 5 et 6 sont des niveaux relativement avancés.
“Qu’est ce que tu apprécies dans ces exercices?”2. Les questionnaires ont été distribués quelques jours après mes interviews et les élèves des deux classes ont eu de 10 à 15 minutes pour répondre aux questions. J’ai laissé les élèves remplir les questionnaires au début des cours. Si les élèves reçoivent un questionnaire à la fin du cours, j’ai l’impression qu’ils répondent vite parce qu’ils veulent partir, mais s’ils le font au début, ils le font plus soigneusement. Avant la distribution des questionnaires, j’ai assuré les élèves de l’anonymat et j’ai expliqué le but de mon enquête.
Avant de formuler les questions pour les interviews et pour les questionnaires, j’ai regardé les manuels que les professeurs emploient et j’ai examiné les exercices communicatifs qui s’y trouvent. En examinant les exercices, j’ai regardé comment ils sont construits et comment ils se distinguent d’un niveau à l’autre. J’ai surtout relevé des paramètres qui concernent le nombre de participants, le degré de liberté de l’expression, le thème traité dans les exercices et le type de tâche à faire. Par exemple au niveau 1, les exercices sont, en général, guidés (Je m’appelle…., j’ai …… ans, etc.), tandis qu’au niveau 4 les exercices sont plus libres, visant par exemple, à une discussion sur un sujet donné.
Mes matériaux se composent donc de:
• deux interviews, chacune d’une longueur d’environ 30 minutes
• deux enquêtes par questionnaire, distribuées l’une dans une classe de neuf élèves et l’autre dans une classe de cinq élèves, où deux élèves étaient en congé et où ainsi seulement trois élèves ont fait l’enquête deux observations dans les deux classes
Arrière-plan bibliographique
La littérature dont je me suis servie est constituée de livres et d’articles sur l’acquisition d’une langue étrangère. Bange (1992) parle de l’appropriation des langues et spécifiquement des “stratégies de communication” que les élèves peuvent avoir en apprenant une langue. Cook (2001) traite aussi de stratégies mais elle les appelle “stratégies d’apprentissage”. Selon elle, le professeur doit être moins dominant en donnant plus de responsabilité aux élèves. Ellis (1994) souligne l’importance des situations où les élèves communiquent. Il parle de différents types d’exercices communicatifs et des résultats qu’on peut obtenir en les utilisant en classe. Par exemple, selon lui, l’exercice précis et clair fait que les élèves se concentrent sur le sujet mais aussi sur la langue, tandis qu’un exercice ouvert, par exemple une discussion, a pour effet que les élèves se concentrent sur les opinions. Une autre chose relevée par l’auteur concerne les différents types d’agir professoral et il est d’avis qu’on peut discerner au moins quatre types. Cuq & Gruca (2003) parlent de différentes méthodes dont le professeur peut se servir pour apprendre le français aux élèves mais aussi de méthodes que les élèves peuvent utiliser eux-mêmes. Ils donnent aussi des conseils aux professeurs pour les aider à améliorer leur enseignement. Bigot & Cicurel (2005) et Lund (1999) traitent plus spécifiquement de différents types d’exercices communicatifs et Bigot & Cicurel (2005) examine aussi le déroulement des activités communicatives dans la salle de classe. Finalement, j’ai utilisé un article (Andered 2004) pour m’informer des niveaux du Cadre européen commun de réference pour les langues (CECR).
Je me suis aussi servie de trois livres, écrits par Mialaret (2004), Savarese (2006) et Trost (2005), qui parlent des méthodes de recherche et ceux-ci m’ont beaucoup aidée lors du rassemblement de mes matériaux.
Plan du mémoire
Ce mémoire commence avec une analyse des exercices communicatifs aux deux niveaux, une comparaison entre ces exercices et une discussion sur les différences. Ensuite, je présente les résultats des interviews et je discute les réponses. Après cela, je montre les résultats des questionnaires et je discute aussi ces réponses. Finalement suit la conclusion où je fais le point sur ce que j’ai appris et où je mets cela en relation avec les questions que j’ai posées au début du mémoire.
Analyse des exercices communicatifs aux deux niveaux
En ouvrant les deux manuels d’exercices, on constate immédiatement une différence. Le manuel d’exercices du niveau quatre s’adresse directement aux élèves avec des conseils sur la manière de travailler avec les exercices et des méthodes qu’ils peuvent utiliser pour améliorer leur français, alors que, dans le manuel d’exercices du premier niveau, il n’y a pas de conseils de ce type-là. Les différences persistent tout au long des manuels et ci-dessous je rends compte des contenus et des formes des exercices inclus dans les manuels des deux niveaux. Comme mentionné auparavant, j’ai surtout examiné quatre paramètres et à l’aide de ces analyses, j’ai aussi essayé de voir le degré de difficulté et les buts des exercices. Les paramètres sont:
• le degré de liberté de l’expression
• le nombre de participants
• le thème et la tâche de la communication
• le but de l’exercice
Les exercices du niveau 1
Les élèves qui étudient au premier niveau sont des débutants et ils n’ont pas étudié le français auparavant. Les élèves ne sont pas habitués au français et ils ne savent pas comment procéder avec l’apprentissage de la langue. À cause de cela, toutes les instructions concernant les exercices sont en suédois et les exercices sont construits de manière à être bien guidés par le professeur. Les instructions sont claires et précises et disent exactement ce que les élèves doivent faire. Elles donnent beaucoup d’aide et il y a souvent des phrases modèles dont les élèves peuvent se servir. Par phrases modèles, je veux dire des phrases qui sont déjà données en suédois ou en français. Pour les phrases en suédois, les élèves ne doivent que les traduire en français. Quand les phrases sont données en français, les élèves ne font que reproduire les phrases. Par exemple, dans un exercice qui traite des vêtements, les élèves doivent jouer les rôles d’un vendeur et d’un client. Il y a déjà des phrases en français et les élèves remplacent les indications sur le vêtement et le prix du vêtement. L’exercice est strictement guidé et il n’y a pas beaucoup de liberté de l’expression. Alors, c’est un exercice guidé et on voit aussi que c’est un exercice de substitution parce que les élèves ne doivent que changer des mots.
Les exercices inclus dans ce manuel sont souvent courts et à en juger par le contenu de ces exercices, il ne faut pas beaucoup de temps pour les réaliser. Le nombre de participants est limité et souvent il s’agit de deux participants. Les thèmes de communication concernent la famille, les animaux, les participants eux-mêmes et les vêtements. Les tâches à accomplir sont le plus souvent de donner des descriptions. Les participants doivent par exemple se décrire eux-mêmes, leur famille (combien de frères et sœurs ils ont et s’ils ont des animaux domestiques) et les vêtements qu’ils portent. Les thèmes sont ainsi familiers mais strictement limités et il n’arrive pas que les élèves aient un thème qu’ils peuvent discuter librement.
Les exercices du niveau 4
Ce niveau est relativement avancé et correspond au niveau B du CECR (Andered 2004:37). Pour ce niveau, le manuel d’exercices est en français et il n’y a aucun mot en suédois dans les exercices. Comme mentionné auparavant, c’est aux élèves que le manuel s’adresse et il dit comment ils peuvent travailler avec les exercices et ce qu’ils doivent faire pour améliorer leur français. Dans ce manuel, on souligne donc que les élèves ont la responsabilité de faire de leur mieux pour contribuer à leur apprentissage.
Le nombre de participants dans les exercices est au moins trois et les exercices visent fréquemment à faire discuter les élèves. À cause de cette forme ouverte, les exercices sont assez complexes et il faut quelque temps pour les faire. Les thèmes de communication concernent surtout des choses actuelles et des situations dans lesquelles les élèves peuvent se trouver. La tâche est donc de discuter, par exemple, ses opinions sur un pays, un événement actuel et sa manière d’agir dans une certaine situation.
Comme il s’agit le plus souvent de discussions, il n’y a pas beaucoup d’instructions et les exercices sont ainsi assez libres. Une autre chose qui rend également les exercices libres, est l’absence de phrases modèles. Il n’existe pas beaucoup de phrases de ce type, mais il existe, dans quelques exercices, des questions pour aider les élèves. Par exemple, dans un exercice, les élèves doivent discuter des préjugés et, là, il y a des questions pour faire avancer la discussion si les élèves manquent d’idées. Les questions sont donc là pour fournir des matériaux pour la discussion. Parfois, il y a aussi des mots-clés, mais en ce cas il s’agit d’exercices où les élèves doivent improviser une histoire.
Comparaison
Comme mentionné auparavant, on voit des différences déjà en ouvrant les manuels. La plus grande différence concerne la langue utilisée dans les manuels. Les exercices du manuel du niveau quatre sont écrits en français, tandis que les exercices du manuel du premier niveau sont écrits en suédois. Le manuel du niveau quatre s’adresse aussi plus aux élèves que le manuel du premier niveau et cela est apparent dans les conseils aux élèves mais aussi dans les exercices eux-mêmes. Les exercices du manuel du niveau quatre ne sont pas aussi guidés par le professeur que ceux du manuel du premier niveau et on voit que les exercices présupposent une plus grande responsabilité de la part des élèves cause de cette différence de responsabilité, il y a aussi une différence de liberté incluse dans les exercices. Les exercices du niveau quatre sont plus libres et ils n’ont pas autant d’instructions que les exercices du premier niveau. Bien que pauvres en instructions, les exercices du niveau quatre sont plus longs et demandent plus de temps. Les exercices du premier niveau donnent aussi plus d’aide que les exercices plus avancés en comportant des phrases modèles et des phrases données. Les exercices du niveau quatre ne contiennent d’aide que sous la forme de questions pour faire avancer les discussions ou des mots pour aider à improviser une histoire.
Les thèmes de communication diffèrent beaucoup et ainsi également les tâches. En ayant fréquemment la forme de discussion, les exercices du niveau quatre visent à rendre visibles les opinions des élèves et à leur faire discuter l’inégalité entre hommes et femmes, par exemple. Mais, au premier niveau, les exercices concernent souvent des descriptions et ils visent à la description d’une chose familière, par exemple la famille. Pourtant, dans les deux cas, les exercices prennent comme point de départ des choses qui sont actuelles et présentes pour les élèves.
Les thèmes de communication influencent le nombre de participants. Par exemple, les exercices du premier niveau traitent de la description des choses et, pour cela ne demandent pas un nombre élevé de participants. Ainsi, le nombre de participants à ce niveau est le plus souvent deux, mais il y a quelques exercices, assez rares, où ils doivent être trois. Par contre, les exercices du niveau quatre qui visent à discuter, demandent au moins trois participants pour pouvoir mener à une discussion fructueuse avec des opinions différentes. Parfois, il faut jusqu’à quatre ou cinq participants pour les accomplir.
