Trente-sept années de littérature grise : les archives du Guatemala News and Information Bureau

Trente-sept années de littérature grise : les archives du Guatemala News and Information
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Méthodologie et élaboration de la grille de codage

Étant donné l’étendue du corpus, nous avons procédé à une analyse de discours assistée par logiciel. Notre choix s’est porté sur ATLAS.ti, en particulier pour sa capacité à traiter différents formats (textes, images, site internet, vidéo, etc.), sa reconnaissance des signes diacritiques propres à l’espagnol et, surtout, pour la souplesse que ce logiciel offre dans le processus de codification332. Cette assistance technique a été particulièrement appréciable lorsqu’il fut le temps de « disséquer » les discours produits par les commissions de vérité et de coder le matériel, le plus souvent imagé, visant la vulgarisation de leurs travaux. Néanmoins, le format des éléments du corpus ne permettait pas un codage automatique. Aussi, nous avons recouru à une stratégie de codage semi-automatique où des mots-clés ont été cherchés, mais où le code était attribué manuellement. Par conséquent, nous sommes conscients que notre démarche n’est pas exempte de biais subjectifs. Le processus de codage s’est fait en trois étapes. Dans un premier temps, une grille de codage préliminaire a été construite suite à la revue de la littérature présentée dans le chapitre précédent, à la lecture de documents sur les mouvements victimaires en Amérique latine, à la construction du corpus et au survol de quelques documents de celui-ci, notamment les fiches ayant servi de cadre d’entrevues333 ainsi que des conclusions des rapports de commissions. La structure de cette grille a d’abord été réalisée en français.

Cependant, les mots-clés ont d’abord été puisés dans la langue hispanique. Étant donné que l’espagnol n’est pas notre langue première, ni seconde, nous nous sommes appuyés sur les thésaurus de l’Union européenne334 et de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture335 afin de valider les mots-clés. Dans un second temps, cette grille a été ajustée après un test de codage effectué sur 10 % du corpus, un échantillon comptant divers types de matériel (formulaires, articles de presses, discours, documents de vulgarisations, etc.). La troisième étape, et non pas la moindre, a été la rectification quasi constante de la grille au fur et à mesure que le codage des documents était

Droit à la vérité et droits humains, des discours pour persuader une société de témoigner 

Convaincre de la nécessité d’affronter les fantômes du passé Après plus de trente-cinq années de guerre, déterminer à qui devait être reconnu le statut de victime n’allait pas de soi pour les commissions de vérité du Guatemala. Tandis que les mandats de certaines commissions de vérité comportent des lignes directrices à ce sujet ou encore des indications à partir desquelles inférer une définition préalable des victimes340, celui de la CEH demeure vague sur ce point. Le premier paragraphe de la section établissant ses fonctions souligne que la commission devait recevoir « […] les éléments d’informations des particuliers ou des institutions qui s’estiment affectés*341 », un euphémisme qui se présente comme une dispense d’aborder de front la notion de « victimes ». Par ailleurs, si les victimes étaient au centre de l’investigation menée par le REMHI, aucune définition initiale n’apparaît dans les procès-verbaux des ateliers diocésains menant au projet de récupération de la mémoire historique342 . Au lendemain du conflit, le terme de victime est d’ailleurs peu présent dans l’échantillon des discours produits par la presse que nous avons analysé. Les actes de violence commis lors de la guerre civile et la persistance de l’impunité en situation de post-conflit étaient certes dénoncés par plusieurs journalistes343. Cependant, peu faisaient appel à la figure de victime que ce soit pour illustrer ou justifier leurs propos.

Au nom du droit à la vérité, des droits humains… et des victimes

Une vérité unificatrice En 1997, la division persistante au sein de la société guatémaltèque concernant le bien-fondé de connaître le passé n’a pas empêché Christian Tomushat de proclamer que « […] la majorité [réclamait] de connaître la vérité intégrale sur les violations des droits humains et sur les actes de violence* 355 ». Il faut cependant resituer cette déclaration dans la suite logique des négociations de paix. La même année, l’Accord visant la légalisation de l’Union révolutionnaire nationale guatémaltèque356 a rappelé que « le droit de connaître la vérité est un droit inaliénable de toute société », un droit précédemment reconnu au peuple guatémaltèque par l’acte fondateur de la CEH en 1994357. La satisfaction de ce droit était l’une des inspirations majeures dans le travail des commissaires de la CEH.

Bien que leurs discours y réfèrent autrement, il en fut de même pour l’équipe de coordination du REMHI. À l’occasion de la présentation publique du rapport du REMHI le 24 avril 1998, Mrg Juan Gerardi s’était fait le défenseur de la nécessité de connaître la vérité, citant tantôt le Pape Jean-Paul II, tantôt la bible358. Lors du même discours, l’archevêque a aussi expressément mentionné que la vérité, vecteur de paix et de réconciliation, était ce qui avait animé l’entièreté de l’entreprise menée par le REMHI359 . La finalité de cette quête de vérité a été exprimée différemment par les deux commissions. Tandis que l’accord créant la CEH insistait sur la coexistence pacifique et la démocratisation qui devait survenir après la mise en lumière du passé, le REMHI entrevoyait la vérité comme une voie vers la libération, le pardon et la réconciliation360. Cependant, une fois explicités, ces objectifs se rapportaient à deux grandes finalités : la non-réitération du conflit et la reconstruction sociopolitique du pays. 

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