Les perspectives du modèle partenarial dans le cadre d’une nouvelle donne financière

Les perspectives du modèle partenarial dans le cadre d’une nouvelle donne financière

De la Private Finance Initiative à la PF2 

La pérennité même du recours à des montages partenariaux a pu être mise en cause au Royaume-Uni en regard des évolutions contraires du coût de la dette souveraine et du coût de la dette levée par les sociétés de projet. Tout d’abord, les taux longs sur la dette souveraine sont à leur plus bas historique. Ainsi, il a pu être © Centre Cournot, novembre 2013 Les perspectives du modèle partenarial dans le cadre d’une nouvelle donne financière 56 démontré qu’un investissement d’un milliard de Livres financé en PFI induit une charge de remboursement équivalente à celle de 1,7 milliard emprunté directement sur les marchés (House of Commons, 2011). En d’autres termes, si l’on fait l’hypothèse qu’un PPP n’entraîne pas de gains d’efficacités additionnels, le coût d’opportunité du financement privé s’établit à quelques 42%. Les PFI sont donc soumises à un effet de ciseau dont une lame tient à la baisse du coût de la dette publique (3,30% à 20 ans en octobre 2013) et l’autre à la croissance du coût du financement privé (Marty et Spindler, 2013). En effet, le taux de la dette levée pour les PFI s’établissait en 2012 aux alentours de 7% (National Audit Office, 2012). En faisant l’hypothèse d’un bras de levier 10/90 et d’une rémunération des fonds propres de l’ordre de 15%, le coût moyen pondéré des fonds dans un montage de PFI britannique pouvait atteindre 8% (Hellowell, 2013). Dans cette logique, le gouvernement britannique a entrepris une refonte de la politique de PFI avec le lancement de la PF2 (HM Treasury, 2012). Celle-ci repose sur le triptyque suivant : réduction de la part du financement d’origine bancaire au profit de fonds assurantiels et souverains, augmentation de la part des fonds propres et modification du périmètre des contrats (reprise en charge de certains risques par la personne publique et exclusion de certaines prestations du contrat de PPP). L’un des principaux objectifs de la PF2 concerne la substitution de financement venant de fonds de pension ou de fonds d’investissements à la dette d’origine bancaire. Un accord cadre a été signé avec les fonds de pension britanniques pour les inciter à investir dans les infrastructures. L’objectif de la Pension Investment Platform, lancée en juillet 2012, est de réorienter l’épargne vers les financements longs. Cette structure indépendante vise à atteindre l’objectif d’un investissement de 20 milliards £ en 10 ans alors qu’au Canada et en Australie les fonds de pensions investissent de 8 à 15% de leurs disponibilités dans des fonds d’infrastructure, ce taux n’est que de 1% au Royaume-Uni (Bardens et Rhodes, 2013). Il s’agit de lever les obstacles à de tels engagements, dont l’origine est attribuée à l’absence de capacités internes à mener une évaluation des risques. Le deuxième volet de la nouvelle politique britannique de PF2 s’attache également à la réduction de la dépendance aux financements bancaires. Le Trésor propose d’augmenter significativement la part des fonds propres dans les montages financiers. Cependant, l’accroissement de la part de fonds propres n’est pas une opération neutre en matière de coût moyen pondéré des capitaux investis. Le passage d’un bras de levier 10/90 à un bras de levier 25/75 induit le passage du coût de financement entre 7 et 8,5% (Hellowell, 2013) sachant que le taux de la dette publique britannique est à 3,30%. En termes positifs, une telle exigence permet de limiter l’importance du recours aux crédits bancaires et d’accroître la robustesse du montage dans la mesure où ces fonds propres permettent de servir de tampon en cas d’évolutions défavorables, qu’il s’agisse d’une baisse de trafic ou de l’application de pénalités contractuelles. En termes négatifs, une telle exigence conduit à accroître le coût de l’opération et peut se traduire par une réduction de la concurrence pour le marché dans la mesure où des firmes peuvent avoir des capacités d’engagement limitées (OCDE, 2013). Dans ce contexte, mettre en place une concurrence pour le financement en fonds propres peut être difficile et affecter les incitations qui s’exercent sur les entreprises du consortium. Les propositions britanniques de prises de participations publiques directes pour une part de 25 à 49% (HM Treasury, 2012) permettraient toutefois de réduire drastiquement le coût du financement. Pour reprendre l’exemple numérique de Hellowel (2013), une part de 25% de fonds © Centre Cournot, novembre 2013 58 propres publics ramène le coût du financement à 7,5% et une part de 49%, le fait baisser jusqu’à 6,6%. Une troisième dimension de l’évolution proposée par la PF2 tient à la réallocation de certains risques habituellement portés par le partenaire privé vers le partenaire public. Il en est ainsi des risques liés aux variations de coût des fluides (gaz, électricité, etc.…) et des coûts d’assurance. Il s’agit pour le second point d’un retournement par rapport à l’approche traditionnelle des PPP qui induisait la fin de l’autoassurance des actifs publics par l’Etat. De la même façon, le périmètre des PF2 est redéfini vis-à-vis de celui des PFI au travers de l’exclusion du contrat de prestations relevant du facility management. Non seulement, il est possible d’organiser des mises en concurrence périodique de ces prestations « détachables » du contrat principal (elles ne se caractérisent guère par des effets externes par rapport au reste du contrat) mais il ressort en outre des évaluations réalisées par la cour des Comptes britannique, le National Audit Office, que la performance réalisée par les contrats de PFI en cours d’exécution est souvent perfectible dans ce domaine (Marty et Spindler, 2013). 

Un financement par un « capital patient » ?

 Comme le montre la PF2, un des effets paradoxaux de la crise de 2008 et du durcissement induit des règles de prudence bancaire tient au retour des modes de financement désintermédiés . Le financement des PPP par émission de titres obligataires connaît un retour en grâce comme en témoignent par exemple les cas allemand et français (EPEC, 2013). Si ce mode de financement présente l’intérêt d’une maturité plus longue que les prêts bancaires (évitant ainsi les refinancements en cours de contrat) et de taux d’intérêt plus faibles, il n’en demeure pas moins qu’il induit des difficultés propres tenant par exemple à une moindre flexibilité en cours d’exécution des contrats (si une renégociation suppose un ajustement de la structure financière) ou encore à des coûts de transaction additionnels, liés à la nécessité de faire noter l’émission par une ou deux agences de notation financière. Le financement des PPP cinq ans après le déclenchement de la crise financière ouvre de nouvelles perspectives sur le financement des infrastructures publiques. En effet, alors que la France se caractérise par un taux d’épargne particulièrement élevé, les ressources ne vont que très marginalement vers le financement à long terme de l’économie réelle. Si l’on considère que les PPP constituent une classe d’actifs présentant un profil de risque attractif sur le long terme, il est possible de considérer que des investisseurs ayant des engagements de passif avec un horizon long peuvent y investir notamment à l’occasion de refinancements, une fois les risques initiaux de la période de construction levés, voire dès la signature du contrat. Si le développement des montages de PPP correspond au modèle de financement sur projet, particulièrement affecté par la crise, à l’instar de tous les schémas de financement à fort effet de levier financier, il n’en demeure pas moins que le profil de risque de ces montages s’avère toujours attractif pour les investisseurs, comme le montre l’encadré infra tiré d’une étude réalisée par Moody’s. Les montages de financement sur projet des PPP portant sur des infrastructures publiques peuvent présenter de réels intérêts pour des investisseurs de   long terme. Premièrement, la dette est portée par une société projet qui s’isole du risque en reportant les risques sur des sociétés en aval au travers d’un mécanisme d’adossement contractuel. Deuxièmement, la contrepartie qui assure le flux de paiement en faveur de la société projet est une personne publique ; le risque de défaut est donc théoriquement réduit. Troisièmement, les PPP portant sur des infrastructures mettent en jeu une demande inélastique et assurent donc des ressources décorrélées par rapport au cycle économique et bousier . L’impasse du financement des infrastructures publiques pourrait donc être partiellement levée au travers de l’intervention de fonds d’investissement en infrastructures (fonds de pension, assurance-vie, fonds souverains). Le financement obligataire permet de suppléer aux limites des capacités de financement des établissements bancaires, de bénéficier de conditions de financement plus attractives et d’une plus longue maturité – prévenant les difficultés et les risques liés aux refinancements à mi-parcours des contrats (Dupaset al., 2013). Quelles sont les contraintes additionnelles qui doivent être prises en compte ? Tout d’abord, la procédure d’acquisition publique et le bouclage financier des contrats faisant l’objet d’un financement obligataire sont alourdis par rapport à un financement traditionnel de nature bancaire tant en matière de notation que d’incertitude sur les conditions de placement de la dette (EPEC, 2012b). Ensuite, si des fonds de pension ou des assureurs étaient présents dès avant la crise lors des opérations de refinancement de la dette ou de cessions de fonds propres, ce n’était qu’une fois les risques de construction et de montée en puissance levés. Le profil de ces investissements (garantie publique implicite, risques maîtrisés et rendement appréciable) était cohérent avec leurs obligations. Il était plus rare de voir de tels acteurs investir dès l’origine dans des projets d’infrastructure. Prendre en charge les risques initiaux est d’une part contradictoire avec leur modèle économique, d’autre part, ces fonds ne disposent pas toujours des capacités idoines pour mettre en œuvre les procédures d’obligation de vigilance dans le domaine. En effet, le profil de risques (et donc de rémunérations) propre aux PPP dans le domaine des infrastructures se révèle non linéaire. Une première phase peut être attractive pour les investisseurs souhaitant dégager un rendement à court ou moyen terme ; la seconde est plus pertinente pour des opérateurs souhaitant couvrir leurs engagements de paiements vis-à-vis des épargnants. Les investisseurs susceptibles de prendre en charge les risques de construction et de mise en service peuvent cibler des rendements élevés (taux de rendement interne sur les capitaux investis de plus de 15%) au travers de la cession des parts de fonds propres sur le marché secondaire. Les fonds de pension, comme le montre l’expérience canadienne, sont traditionnellement susceptibles d’investir dans la seconde période au travers des opérations de refinancement ou du rachat de ces parts de fonds propres sur le marché secondaire.

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