Les phénotypes non conventionnels en cytométrie 4 ou 6 couleurs 

Les phénotypes non conventionnels en cytométrie 4 ou 6 couleurs 

A l’occasion du renouvellement de l’instrumentation, nous avons été amenés à valider un système qui possédait la capacité d’analyser six marqueurs simultanés (FACSCanto®, BD Biosciences), en utilisant une combinaison de marqueurs encore inédite en routine. Dans cette configuration, nous avons choisi d’utiliser simultanément les marquages avec CD45, CD3, CD4, CD8, CD16, CD56 et enfin CD19. Le mélange, non disponible commercialement, était préparé au laboratoire. Cette combinaison nous paraît être la plus judicieuse pour la numération des principales populations des lymphocytes circulants, en accord avec les fournisseurs qui souhaitent la commercialiser en mode standardisé. Les valeurs absolues étaient mesurées en utilisant un standard interne (Billes TRUCOUNT). Cette combinaison nous permet d’identifier et de quantifier précisément les principales composantes lymphocytaires que sont les lymphocytes T (CD4 et CD8), les lymphocytes B et les lymphocytes NK (fig. 3.2). Nous avons montré que cette analyse était très reproductible dans une même et entre différentes manipulations (CV < 5 %). Nous avons observé une excellente corrélation entre les quantifications en valeurs absolues obtenues avec les deux systèmes en utilisant une stratégie de fenêtrage proche. En effet, les solutions actuelles, proposées par les différentes compagnies montrent des résultats différant significativement sur les études internationales de contrôles de qualité. Les différences de stratégies de fenêtrage en sont une des explications. Les standards internes et leurs recommandations d’utilisation sont également différents. Dans l’étude actuelle, nous considèrerons donc indifféremment les résultats qualitatifs d’analyses effectuées avec l’un ou l’autre système. Cependant, la continuité quantitative sera évitée car les numérations des populations très minoritaires n’étaient que pauvrement corrélées entre les deux systèmes. L’expérience d’analyse biologique nous montre que les coefficients de variations sont habituellement mauvais pour les valeurs très faibles (10-20%). Les illustrations présentées ici sont choisies en priorité avec le système le plus récent que nous (et de plus en plus d’utilisateurs) continuerons à utiliser pour les années à venir.Nous avons également pu confirmer, sur ce système, l’existence des populations lymphocytaires T non conventionnelles que nous décrirons en détail plus loin (T CD4+ CD8dim et T CD4dim CD8+ ainsi que des lymphocytes T CD8dim CD4-). Une fraction de lymphocytes T exprimant une forte intensité de CD3 était également retrouvée. De plus, cette combinaison nous a permis de démontrer l’existence d’autres sous-populations lymphocytaires non conventionnelles et rarement considérées qui sont : des lymphocytes T CD3+ (toujours CD8+) exprimant du CD56, que ces lymphocytes soient CD3 normal (T) ou CD3fort (Tgd) et d’authentiques NK (CD3-CD56+) qui expriment le CD8. Les fréquences de ces particularités phénotypiques étaient très variables d’un patient à l’autre, suggérant qu’elles aient une valeur séméiologique d’autant plus intéressante qu’elles sont restreintes à certaines sous-populations. c c d a b Leurs significations physio-pathologiques ne sont pas encore élucidées. Une baisse d’expression de CD8 pourrait modifier l’avidité du lymphocyte pour son peptide et sera discutée plus tard. La présence de CD56 est généralement synonyme d’activité cytotoxique. Le rôle du CD8 sur les NK n’est pas connu mais il existe plusieurs formes intermédiaires (normales ou tumorales) entre cellules NK et cellules T comme par exemple les T.NK. Ces populations n’ont pas pu être caractérisées dans la présente étude.

Double population de polynucléaires selon la densité de CD45

 Dans les deux systèmes, nous avons choisi d’utiliser le marquage par CD45 (pan-leucocytaire) pour l’identification des lymphocytes dans les procédures de routine (fig. 3.3). Ce marqueur non discriminant occupe un canal de détection et réduit d’un paramètre les possibilités de combinaisons « utiles ». Est-il suffisamment informatif pour justifier cette limitation? L’utilisation du CD45 présente plusieurs avantages : il permet de différencier les leucocytes (lymphocytes, monocytes et polynucléaires) des autres éléments comme des érythroblastes, des débris de globules rouges et les plaquettes. L’ensemble des lymphocytes est regroupé dans un nuage de points très homogène, exprimant fortement le CD45 et une faible diffraction latérale (Side Scatter). Les monocytes expriment le CD45 à moindre intensité et ont une diffraction latérale plus importante. Le phénomène est encore plus important pour les polynucléaires. En utilisant le CD45, nous pouvons observer dans certains échantillons, une petite population qui exprimait du CD45 faiblement mais était très peu granuleuse (faible diffraction latérale – SC). Nous avons pu montrer que cette population représentait des polynucléaires basophiles (IgE membranaire +, CD3-, CD14-) au cours d’une étude du test de dégranulation de polynucléaires basophiles dans un contexte d’allergie aux venins d’hyménoptères (Lambert 2001). Nous observons également, beaucoup plus fréquemment, une population leucocytaire qui présente une grande diffraction latérale (SC) comparable à des polynucléaires neutrophiles mais avec une intensité de fluorescence de CD45 nettement augmentée qui permet de les distinguer de la population de polynucléaires neutrophiles. Nous avons pu observer que ces leucocytes granuleux CD45 fort exprimaient le récepteur de chimiokine N°3 (CCR3) ainsi que le récepteur CRTH2. Le marqueur CCR3 est spécifique des polynucléaires éosinophiles. Le marqueur CRTH2 est également exprimé par les polynucléaires basophiles et les lymphocytes T de type Th2. Nous avons observé que l’augmentation de cette population de polynucléaires éosinophiles était souvent associée à une hyperactivité immunitaire de type Th2 (taux sériques élevés d’IgE et augmentation de protéine cationique éosinophile sérique – ECP-). En enrichissant les cellules exprimant le CRTH2 à l’aide de billes magnétiques, nous avons pu montrer que la population granuleuse CD45 fort était nettement augmentée ainsi que la population granulaire basophile, alors que les polynucléaires neutrophiles et les monocytes étaient fortement réduits. L’analyse microscopique nous a permis de confirmer le fort enrichissement en polynucléaires éosinophiles. La considération de cette population a permis de dépister des échantillons qui possédaient une hyper éosinophilie qui peut avoir des conséquences cliniques (Ilrich 1995) ? Certaines formes atteignaient les critères quantitatifs permettaient d’évoquer un syndrome d’hyper éosinophilie (HES (Brito-Babapulle 2003).

Expression différentielle de CD45 sur les leucocytes 

L’utilisation du CD45 permet également d’identifier des lymphocytes qui ont un caractère lymphoprolifératif. En effet, chez les patients porteurs de leucémie lymphoïde, on distingue une double population lymphocytaire. Les lymphocytes lymphoprolifératifs présentent une nette diminution d’expression du CD45. La très grande majorité des syndromes prolifératifs concerne des lymphocytes B (leucémie lymphoïde chronique -LLC-). Cette observation a fait l’objet de plusieurs publications et sert actuellement de référence pour l’analyse phénotypique des syndromes prolifératifs (Festin 1994, Lacombe 1997). Une population lymphocytaire CD45 faible peut être de découverte fortuite dans la pratique du phénotypage leucocytaire de routine et mener au diagnostic de LLC. Nous avons cherché à savoir si l’expression des CD45 pouvait être différente entre des lymphocytes B matures normaux et des lymphocytes T matures (fig. 3.4). Ces données sont maintenant directement disponibles avec l’utilisation du marquage à six couleurs. L’expression du CD45 apparaît réduite sur des lymphocytes B normaux (moyenne de fluorescence (Moyenne de fluorescence : 6595 ± 763 comparée à celle des lymphocytes T matures T (p = 2.9 10-35). De façon intéressante, les lymphocytes T CD4 ont une expression significativement différente des lymphocytes T CD8+ : MFI 8093 ± 841 et 9721 ± 939 respectivement (test de Student pairé p = 2.8 10-37). Enfin, l’expression du CD45 était significativement plus faible sur les NK (MFI 7835± 774) comparée aux lymphocytes (test de Student pairé p = 2.8 10-33)  .

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