LES PRINCIPES JUSTIFIANT LES PROCÉDURES DE PASSATION

LES PRINCIPES JUSTIFIANT LES PROCÉDURES DE PASSATION

Le constat historique de l’existence permanente de procédures de passation pour tous les contrats de l’administration visant à l’achat ou à la réalisation de biens a déjà été fait. Certains pourraient être tentés de nous reprocher de définir le « marché public » comme le contrat que les lois et les règlements soumettent à des procédures de passation et d’en conclure, ce qui pourrait apparaître comme un sophisme facile, que le principal principe de la commande publique est qu’ils doivent être conclus après publicité et mise en concurrence. Faire cette critique serait oublier que ce ne sont pas les procédures que nous avons recherchées dans les textes et la doctrine passés, mais simplement le régime des « contrats d’achat et de fourniture de biens par des personnes utilisant des deniers publics ». Bien loin du sophisme, il y a au contraire une constatation objective : depuis – au moins – la Révolution, le droit de la commande publique est essentiellement fondé sur des procédures de passation. La question des principes vient ensuite : elle consiste à se demander si l’on pourrait revenir sur cet état de fait ou si, au delà de ces législations, on peut trouver un principe, ou des principes, imposant des procédures de passation. Les décisions récentes du Conseil constitutionnel, à la suite d’autres sources, laissent à penser que le principe de la « passation réglementée » trouverait son fondement dans le principe d’égalité, et plus spécialement dans une de ses formes, particulière à la commande publique (section 1ère). Si cette approche est en grande partie convaincante, elle fait, nous semble-t-il, l’impasse sur une justification économique de ces procédures : la recherche d’un marché concurrentiel « pur ». Cette justification, bien plus moderne et actuelle ne peut pas être tirée du seul principe d’égalité, elle se rattache bien plus à des principes comme la liberté d’entreprendre ou celle du commerce et de l’industrie (section 2e). Le véritable fondement des procédures de passation est en réalité dans une synthèse de ces deux derniers principes, synthèse due à l’évolution historique du droit de la commande publique et qui justifierait, selon nous, que l’on reconnaisse un principe de mise en concurrence, circonscrit et propre à la commande publique. Ces principes fondateurs, justifiant l’existence même des procédures de passation, n’ont cependant pas uniquement ce rôle puisqu’on peut aussi leur trouver, comme les autres principes applicables à la commande publique, d’autres implications pratiques dans le détail de ces procédures.

Le principe de « l’égalité d’accès à la commande publique » et l’obligation de mise en concurrence 

Le principe de « l’égalité d’accès à la commande publique » a été récemment reconnu par le Conseil constitutionnel. La création d’un principe spécifique à notre matière démontre l’importance qu’on veut lui donner au sein de celle-ci. Les conséquences à tirer de cette reconnaissance et la portée qu’elle peut avoir sur l’obligation de mettre en place des procédures de passation (A) ne doivent pas faire oublier que ce principe a aussi des conséquences sur le contenu des procédures de passation (B). 

Définition du principe d’égal accès à la commande publique 

 La définition de principe d’égal accès à la commande publique et son lien avec l’existence des procédures de passation passe, d’une part, par l’analyse du sens de la notion et ce qu’elle implique (1) et d’autre part par une analyse des sources et de la portée de ce principe (2). 1) L’égal accès à la commande publique, un principe fondant les procédures de passation 786. La nouveauté de ce principe d’égal accès à la commande publique nécessite que l’on en précise la consistance (a) avant de voir en quoi il fonde l’existence même de procédures de passation dans tous les contrats de la commande publique (b). 

La consistance du principe 

 L’égalité d’accès à la commande publique est un principe imposant une méthode d’analyse identique de la situation des différentes personnes voulant avoir accès aux contrats de la commande publique. Ce principe, en tant que corollaire du principe d’égalité devant la loi, en contient aussi les limites – l’égalité de situation et les contraintes de l’intérêt général. 788. L’égalité est l’un des principes les plus multiformes de nos droits fondamentaux. Égalité devant la loi, égalité devant les charges publiques égalité de traitement des fonctionnaires, égalité devant la justice  et aujourd’hui égalité d’accès à la commande publique ne sont que des « applications ou des corollaires »  du principe d’égalité devant la loi . En ce sens, les principes corollaires sont très proches du principe général, leurs définitions contiennent les mêmes éléments essentiels . Ainsi, tous nécessitent que, dans une situation à laquelle ils sont applicables, toutes les personnes soient traitées de la même manière ou, autrement dit, que tous les bénéficiaires de ces principes aient les mêmes droits et les mêmes devoirs . Si cette égalité ne peut être comprise que dans le cadre d’une égalité de situation , elle doit aussi être appliquée à la matière qu’elle régit lorsqu’il s’agit des principes « corollaires ». 789. Pour ce qui concerne l’égalité d’accès à la commande publique, la question de la définition de la « commande publique » est par conséquent posée. On ne saurait aujourd’hui estimer que la définition que nous avons proposée pour cette notion est celle qu’a retenue le Conseil constitutionnel. La haute juridiction lui donne vraisemblablement un sens moins précis, qu’elle entend certainement apprécier au cas par cas. Par ailleurs, c’est à l’occasion du contrôle de lois mettant en place des procédures de passation en dehors de la définition des marchés publics ou des délégations de service public qu’elle a été amenée à utiliser le terme de « commande publique », et on peut penser qu’elle a justement recherché un terme qui n’avait pas de rigueur juridique afin de se laisser une future marge de manœuvre. Est-ce à dire que cette notion aura un sens différent selon qu’on l’appréciera dans le cadre des décisions du Conseil constitutionnel ou du droit administratif ? La réponse est à notre sens négative. L’alternative se pose plutôt en ces termes : soit le Conseil constitutionnel pourrait au fil des décisions montrer qu’il se fonde sur la même notion de commande publique que celle qui pourrait apparaître en droit administratif, soit il ne le fera pas mais alors on se demande bien quelle pourrait être la loi déférée qui conduira le Conseil constitutionnel à qualifier un contrat de « commande publique » sans que ce contrat rentre dans la définition relativement – et nécessairement – large du droit administratif. 

Comment le principe d’égalité d’accès fonde l’existence de procédures de passation 

La définition du principe d’égal accès posée, reste à comprendre en quoi ce principe contient en lui-même des obligations de mise en concurrence. Deux justifications peuvent être avancées, la première fondée sur la solution du Conseil constitutionnel, la seconde, plus théorique, fondée sur le lien entre égalité et formalisme dans le contrôle de légalité. α) Explication fondée sur la décision du Conseil constitutionnel 791. Le Conseil constitutionnel énonce dans sa décision n° 2003-473 DC du 26 juin 2003, Loi habilitant le gouvernement à simplifier le droit, que « la généralisation de telles dérogations au droit commun de la commande publique [séparation des fonctions dans les opérations de construction, séparation en lots différents impliquant un jugement par lot et utilisation du crédit-bail ou d’une option d’achat] serait susceptible de priver de garanties légales les exigences constitutionnelles inhérentes à l’égalité devant la commande publique […] ». Il sous-entend par conséquent le lien entre le principe « d’égalité devant la commande publique » et les procédures de passation dans le droit de la commande publique, sans pour autant développer le raisonnement qui le fait aboutir à cette conclusion . Il reste que l’on peut tenter de le reconstituer. L’égalité d’accès à la commande publique sous-tend que toutes les personnes susceptibles de vouloir être le cocontractant d’un Commanditaire doivent être traitées de façon identique. La spécificité de cette égalité réside en premier lieu dans le fait qu’il s’agit des personnes « susceptibles de vouloir » et pas uniquement « voulant » être cocontractant. Cette approche large implique non seulement que les personnes voulant répondre puissent le faire dans des conditions égalitaires, mais aussi que l’on mette toutes les entreprises susceptibles de répondre dans les conditions égales de le faire. Cela entraîne une obligation d’organiser des procédures permettant à toutes les entreprises d’abord de savoir – de manière égale – qu’un marché va être passé ; puis, qu’on leur permette – de manière tout aussi égale – de participer au choix. Pour le dire autrement, l’égalité d’accès implique que l’accès soit possible à tous de manière égale et pas seulement qu’il soit égal pour tous ceux qui le veulent. 

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