Les rapports d’énonciation

Les rapports d’énonciation

c’est aussi le fondement d’une vision solidaire et pacifique des relations internationales à l’opposé du prétendu choc des civilisations. L’impératif solidaire il vaut à l intérieur de chaque société : – lutte contre l’exclusion sociale et la précarité contre les discriminations et la xénophobie (…) respect des droits fondamentaux des personnes issues de l’immigration à commencer par le droit d’asile (…) Nous voulons une Europe cosmopolite ouverte à l’immigration et non pas une Europe forteresse qui rejette les gens en détresse (…) Les personnes qui fuient les persécutions à cause de leur engagement politique de leur idéologie de leur religion ou de leur orientation sexuelle doivent trouver asile et protection en Europe (…) À quoi s’ajoutent les pressions psychologiques et physiques, le mal-être, la peur, la disparition des solidarités et la violence à l’encontre des plus faibles, comme le démontrent de façon dramatique la politique d’immigration de l’Union européenne et la situation des migrants dans l’Union européenne et dans ses pays membres (…) [Programmes GE, PCF, AKEL] D’une part, dans la démarche critique du discours programmatique envers les politiques de l’UE, la question de l’immigration est associée à des occurrences ayant une connotation négative : « exclusion », « choc », « forteresse », « pressions », « mal-être » etc. D’autre part, dans la perspective de l’annonce du vouloir faire de ces partis, l’immigration est associée à des termes positivés : « solidaire », « respect », « cosmopolite », « ouverte », etc. Suivant ces constats, nous pouvons mettre en avant l’idée que cette lecture de l’état des choses à partir d’une vision internationale (en combinaison avec le facteur transversal de l’égalité) amènent les partis de gauche à traiter l’enjeu de l’immigration en Europe en termes de « solidarité », d’« asile » et de « protection ».

L’analyse des programmes basée sur la théorie de l’énonciation permet de distinguer les discours programmatiques des partis selon la définition qu’ils donnent d’eux-mêmes. Nous avons vu dans le chapitre précédent que les énonciateurs utilisés se révèlent identiques pour tous les programmes ; nous avons repéré notamment pour chacun de ces programmes –un énonciateur abstrait, – le « nous » public, et – le « nous » des partis qui est aussi lexicalisé souvent par le nom du parti en question. Dans cette section, la focale est mise sur cet énonciateur qui, quoique du même type pour tous les programmes implique des rapports d’énonciation, des partenaires et des récepteurs distincts selon l’appartenance partisane des programmes. L’objectif est de définir la façon dont les partis s’auto-appréhendent. Il s’agit de montrer aussi que la définition d’un « soi »-partisan présente des proximités en fonction de l’appartenance idéologique. C’est-à-dire que les partis d’une même « famille » politique se définissent de manière semblable, tout en se démarquant des appréhensions de soi des partis idéologiquement distincts.

Dans les programmes des partis membres du PPE ainsi que dans le discours programmatique propre de ce dernier, l’emploi du « nous » ne désigne pas les partis de droite en tant qu’organisations partisanes, mais il s’identifie à des faits historiques : « le marché unique », « la monnaie unique » ; et des personnages historiques : « Jean Monnet », « Robert Schuman » etc. Voici un extrait issu du programme du PPE : (…) En tant qu’héritiers des pères fondateurs de l’intégration européenne, Jean Monnet, Robert Schuman, Konrad Adenauer et Alcide de Gasperi, nous sommes conscients de notre riche héritage et déterminés à façonner l’Europe du futur (…) Les objectifs de nos grandes réussites européennes comme le marché unique et notre monnaie unique commune, l’euro, ont toujours été la valeur ajoutée que ces réalisations pouvaient Dans ces opérations énonciatives, le « nous » partisan tente de s’assimiler à l’histoire de l’UE et à ses réalisations. Mais, ce n’est pas à n’importe quelle Europe que les partis de droite s’identifient. Les expressions telles que « riche héritage », « grandes réussites », qui sont à la fois associées au « nous » partisan et à l’Europe, agissent comme une double opération qui d’une part crée une Europe réussie, d’autre part incorpore cette Europe dans la construction de l’identité même des partis énonciateurs. Le « nous » partisan n’est pas seulement impliqué en tant que protagoniste aux succès européens du passé, mais il est, toujours, en train de les construire. Et c’est sur ces bases historiques et actuelles que le « nous » partisan veut « bâtir un modèle de civilisation », une Europe idéale. De cette manière le « nous » des partis de droite tente de s’identifier à l’idiosyncrasie même de l’UE. Autrement dit, le lien entre ce qu’a été, ce qu’est, ce que sera l’Europe et l’énonciateur partisan ne laisse pas de doute : « nous », c’est l’Europe. En ce sens, la légitimité de l’exercice du pouvoir européen est fondée sur l’association de ces partis à l’idée même de l’Europe. Il en résulte ainsi un rapport pédagogique, voire autoritaire, entre les partis et les électeurs qu’ils sont censés représenter.

 

Cours gratuitTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *