Les réponses stratégiques des organisations

Les réponses stratégiques des organisations

Le chapitre 7 est le premier des deux chapitres de présentation des résultats. Il est construit dans la continuité de ce travail, c’est-à-dire qu’il s’adosse sur les éléments clés de contexte (streaming, majors, numérisation, dématérialisation) tout en intégrant les discussions épistémologiques et méthodologiques (narrativité interprétativiste et méthodologie qualitative). Ce chapitre présente les réponses d’après la première dimension du cadre théorique ; chaque réponse se compose en un type de motivation et un type de capacité. Pour rappel, les deux dimensions de motivations et de capacités correspondent à la définition de la réponse stratégique selon Charitou et Markides (2003). Nous présentons en premier lieu les motivations (2.1) en une seule section puisqu’elles sont toutes négatives. Puis nous présentons les capacités, d’abord positives ou fortes (2.2) puis les capacités négatives ou faibles (2.3). L’ensemble de ces motivations et capacités résultent en des réponses négatives chez la majorité des répondants. Nous montrons toutefois que quelques répondants ont fourni d’autres types de réponses (2.4). Chez quasiment tous les répondants rencontrés, la motivation à répondre est faible. Les motivations s’expriment de manières variées. Certaines sont particulièrement explicites, d’autres moins visibles, plus implicites (seuls deux répondants présentent d’autres formes de motivation détaillées en section 4.).

« Donc plus on avance, plus c’est compliqué. Donc là il y a un deuxième phénomène depuis 5 ou 10 ans. Moi je vais peut-être arrêter le label dans les années à venir parce que y’a trop de sorties. Enregistrer un album c’est devenu trop facile tout le monde le fait, et il y beaucoup beaucoup de home studios pas cher. » R16 « Ça [le label] j’ai beaucoup moins d’énergie pour ça. C’est pour ça que je voudrais aller vers l’arrêt parce qu’il y a moins de passion. (…) Et qui me font un peu mal à rapport à ce que pour moi doit être un label, c’est que je découvre moins de choses. Je me laisse porter et je fais moins de découvertes » R9 « Enfin, le streaming moi je suis assez contre parce que dans le punk pour moi le plus important c’est le texte. Pas la musique. Le punk au début il existait parce que les gens ne savaient pas jouer de la musique et ils ont pris une guitare, ils ont fait deux accords, et en fait ils voulaient crier la colère qu’ils avaient. Donc ils avaient les textes, ils ont pris une guitare, ils savaient pas jouer. » R14 Chez ce répondant R14, il ne voit pas dans la consommation à la chaine des playlists de streaming la possibilité de porter un message idéologique et s’en détourne de fait. Les disques et le support physique sont semblables à des missels porteurs d’idéologies. Dans le cadre du streaming, on se trouve face à l’absence d’objet donc l’absence de support des idéologies. Ainsi, la motivation à répondre au streaming est négative car il ne porte pas les mêmes valeurs que celles de son label.

Dans la continuité de la première forme d’absence de motivation à répondre, certains répondants annoncent explicitement un mode de fonctionnement et de prise de décisions basées sur leurs propres désirs. Ils sont intrinsèquement convaincus de la pertinence de leurs fonctionnements : Loin de subir des pressions normatives ou coercitives (DiMaggio et Powell 1983), le répondant est même initiateur de nouvelles normes et tendances pour son secteur. Le répondant 12 manifeste une prise de distance très forte des codes traditionnels du milieu dans lequel il évolue. Fonctionner selon ses propres envies peut parfois souligner le désir de bien faire et de ne pas se tromper. Dans le verbatim suivant, on peut voir que le R17 souhaite rester petit, comme le moyen de tout maitriser : Le coût de l’acquisition des compétences (Williamson 2008) nécessaires au streaming est supérieur à l’apport pour le label du R2 puisque son départ à la retraite intervînt avant le potentiel retour sur investissement. De plus les bénéfices financiers d’un tel investissement étaient trop faibles dans ce court-terme, le répondant a préféré s’en désintéresser. Le répondant R8 n’aborde pas non plus la question du streaming, esquive les questions et ne donne pas d’information. Le seul intérêt du label aux yeux du répondant est de pouvoir rééditer (ou du moins promouvoir) des groupes ayant existé dans les années 60 et 70. On peut supposer que, comme le streaming et l’écoute en ligne n’existaient pas à cette époque, le label n’a pas d’intérêt à se positionner en faveur de cette technologie. Le répondant semble faire part d’un désintérêt, d’une indifférence totale pour cet élément de contexte.

 

Cours gratuitTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *