LES RESPONSABILITÉS DÉLICTUELLES

LES RESPONSABILITÉS DÉLICTUELLES

La frontière entre la responsabilité contractuelle et la responsabilité extracontractuelle ou délictuelle, est davantage marquée dans les textes du Codificateur. De manière générale1099, le Code civil place les dommages nés de l’exécution, de l’inexécution ou du retard dans l’exécution du contrat, sous la férule de l’article 1231-1. Tandis que les dommages occasionnés en dehors de la sphère contractuelle relèvent pour leur part, de l’article 1240. Que ce soit dans le cadre d’une opération lourde ou légère de travaux sur existants, les réflexions menées par les théoriciens et praticiens1100du droit de la construction, ont conduit à l’identification d’hypothèses dans lesquelles l’action en responsabilité exercée contre le constructeur-rénovateur, est de nature délictuelle. C’est précisément le cas lorsque les travaux causent de manière totalement fortuite un dommage à un tiers, avec notamment l’exemple de la victime de la chute d’un élément de l’ouvrage. La responsabilité du constructeur prend également une dimension délictuelle, lorsque les dommages résultant des travaux sont du fait non pas des entrepreneurs, mais des fabricants de matériaux et éléments d’équipement insérés dans l’ouvrage1101. Au surplus et à une échelle relativement plus importante, la responsabilité revêt un caractère délictuel, lorsque les tiers intéressés par l’ouvrage, qui constituent le voisinage, ont subi des dommages en raison de la réalisation des travaux, ou encore à cause de l’ouvrage proprement dit. Nous verrons de façon détaillée, que c’est la possibilité qui est laissée au voisin lorsqu’il fonde son action en indemnisation, sur la théorie des troubles anormaux du voisinage (Section I). Soucieux des possibles recours que le maître d’ouvrage peut exercer contre les constructeurs en cas de dommage, nous envisagerons les cas où il pourra leur opposer des règles d’origine non contractuelle (Section II).

La responsabilité délictuelle des dommages causés au voisinage

La responsabilité pesant sur celui qui réalise les travaux, peut donc dépasser le cadre du seul contrat. L’action en indemnisation pesant sur l’entrepreneur ne prend pas toujours directement sa source de la relation contractuelle qui le lie au maître d’ouvrage. Un tiers peut aussi agir en responsabilité contre l’entrepreneur, lorsque les travaux exécutés lui ont causé un préjudice. En pareil cas, la responsabilité du réalisateur des travaux, revêt un caractère extracontractuel ou délictuel. À titre d’exemples pratiques, la responsabilité peut être de nature extracontractuelle ou délictuelle, lorsque les travaux font l’objet d’une sous-traitance partielle ou totale, et que le maître d’ouvrage forme un recours contre un sous-traitant avec qui il n’est pas contractuellement lié1102. La responsabilité délictuelle peut aussi être caractérisée, lorsqu’au cours d’un chantier, le voisin estime que les travaux lui causent un trouble anormal de voisinage. Dans ce schéma brossé à grands traits par le droit prétorien, deux choix s’offrent au tiers voisin : soit il agit contre le maître à qui appartient l’ouvrage (Paragraphe 1), soit il poursuit directement les réalisateurs des travaux (Paragraphe 2).

La thématique du voisinage connaît une pluralité de variantes. Monsieur Jean- Philippe Tricoire lui a d’ailleurs consacré un ouvrage1103. Dans ses écrits, l’auteur présente le voisinage comme une notion intemporelle1104 aux multiples facettes. L’une d’entre elles, est incontestablement, celle de la construction. À l’occasion du chantier, « le marteau piqueur, la danse des grues, la poussière, l’ombre de l’immeuble construit – ou rénové – sont source d’inconvénients anormaux du voisinage »1105. Il est toutefois primordial de préciser que le trouble anormal du voisinage ne suppose pas nécessairement l’existence de liens juridiques entre l’auteur et la victime, ceux-ci étant simplement liés par une situation géographique commune1106. Par ailleurs, sans remettre en cause l’intemporalité de la notion de voisinage, rappelons tout de même, que le régime juridique des actions qui l’accompagnent, a connu une certaine évolution. Il y a encore une cinquantaine d’années, les Juges de cassation se fondaient sur la théorie de l’abus de droit de propriété, pour réparer des dommages issus du voisinage1107. Puis, de façon progressive, l’autorité judiciaire a mis en place une « responsabilité objective » visant à sanctionner le maître d’ouvrage à l’origine du désordre de voisinage, ce, sans qu’il soit besoin de démontrer sa faute1108. Néanmoins, comme le remarquent des auteurs, l’évolution vers ce régime objectif n’a pas toujours dissuadé certains préteurs, de requérir en faveur de la démonstration d’une faute du maître de l’ouvrage1109. Il faut attendre un arrêt du 8 mai 19791110, pour voir la jurisprudence abandonner toute référence à la faute prouvée du maître de l’ouvrage. C’est sans doute à travers ces solutions, que le droit français, sous l’impulsion des prétoires, a consacré le principe selon lequel, « nul ne peut causer à autrui un trouble anormal de voisinage ».

 

Cours gratuitTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *