Les sources iconographiques pour la documentation et l’étude du patrimoine bâti

Les sources iconographiques pour la documentation et l’étude du patrimoine bâti

L’iconographie est l’étude de l’identification, la description et l’interprétation du contenu des images relatives à l’histoire de l’art. Dans le domaine spécifique du patrimoine architectural, ce terme est utilisé pour indiquer l’ensemble des représentations relatives au même artefact [Kleinbauer W.E. et al., 1982]. Dans le domaine du patrimoine architectural, il est essentiel d’étudier les conditions du bâtiment (présentes, antérieures et futures) au travers d’informations produites par l’interprétation et l’analyse de sources iconographiques. Une des sources iconographiques plus importantes pour l’étude du bâti est certainement la source visuelle bidimensionnelle. Ces informations ont beaucoup d’importance pour l’étude architecturale et archéologique du patrimoine parce qu’elles peuvent facilement décrire (et d’une manière particulièrement efficace) l’état d’un bâtiment à un instant T de son histoire (que ce soit l’état actuel ou un état antérieur). Les sources iconographiques disponibles à ce jour pour les communautés de chercheurs ou de professionnels s’intéressant à un édifice, ont été collectées pour la compréhension de l’histoire, des changements physiques ou fonctionnels du bâtiment, ou encore des techniques employées pour ses restaurations. Ces informations peuvent être également utilisées et référencées comme données de base pour la conservation et/ou les rénovations futures. Les sources iconographiques relatives au patrimoine architectural sont de différent format, élaborées à partir de différentes techniques et provenant de différentes procédures de conservation et de duplication. Dans ce chapitre, nous nous concentrons sur une classification des sources iconographiques. Cette étude est essentielle pour une exploitation correcte et appropriée des informations visuelles que l’on cherche à enrichir afin de les organiser au sein d’une base de données. 

Classification par l’état de l’édifice 

L’étude des états historiques d’un édifice est généralement basée sur la collecte et l’analyse des sources documentaires. L’iconographie est utilisée pour des buts différents. C’est une source d’information géométrique. C’est aussi une preuve de l’état d’un édifice à un moment précis de son histoire. Les sources iconographiques pour la documentation et l’étude du patrimoine bâti La maquette numérique comme support pour la recherche visuelle d’informations patrimoniales 

L’état actuel

L’image (ou les images) de l’état actuel d’un édifice est l’information la plus facile à retrouver. Ce type de source est présente (en grande quantité) dans les bases de données d’images sur internet. L’état actuel d’un édifice peut être représenté dans des photographies, des peintures, ou des dessins, etc. C’est une représentation de l’édifice dont l’état ne diffère pas (sauf en cas de transformations récente) au condition actuelle d’édifice réel. La définition d’état actuel diffère par rapport de chaque bâtiment. Il s’agit d’un bâtiment qui n’a pas changé de condition (interne et externe) pendant une certaine période. Toutes les images de ce bâtiment prises ou élaborées lors de cette période seront considérées comme images de son état actuel. Mais si il y a une modification permanente d’état du bâtiment, à partir du moment de changement, toutes les images prises ou élaborées auparavant sont par conséquent classées comme des sources historiques. Pour donner un exemple, l’état actuel du palais du Louvre (aujourd’hui musée du Louvre) peut se compter depuis la construction de la pyramide en verre en 1983 (voir figure 1). Figure 1 L’état actuel du palais du Louvre contient des bâtiments du 17e siècle et une construction moderne Aujourd’hui la diffusion d’appareils photo numériques et Internet contribuent grandement à la collecte et à l’archivage de ce genre d’images. Ces images sont les informations qui permettent l’interactivité majeure entre le grand public et les bases de données d’images. Qu’il s’agisse de l’augmentation de la richesse des informations associées aux images ou de la recherche et de l’accès à l’information, il y a beaucoup de travaux de recherche qui s’intéressent à ce domaine. La règle 3×3 [Waldhäusl P., Ogleby C., 1994] a été proposée dans le cadre du développement du système APIS (Architectural Photogrammetry Information System) [Herbig U. et al.,1998.] pour la préservation d’informations sur le patrimoine culturel. L’objectif principal est de créer un pont entre les amateurs et les professionnels de la documentation photogrammétrique (voir figure 2). Ce système a besoin d’une Définition d’une approche pour la sémantisation de sources iconographiques par référencement spatial 17 administration des données pour savoir quels bâtiments sont documentés et où les photographies ont été prises. Figure 2 Documentation photogrammétrique du système APIS [Herbig U. et al.,1998.] Le CIPA – Test Karlsplatz, Viena [Almagro A. et al., 1996] a montré que la restitution à partir d’appareils photo de petit format et non-métriques (typiquement les appareils photos des touristes) apporte des résultats avec une précision suffisante pour la plupart des besoins de la documentation architecturale, ou au moins pour conserver une information permettant la reconstruction physique d’un édifice (suite à un événement brusque, comme un incendie par exemple). Les instituts participant à ce projet ont augmenté leurs connaissances sur le traitement des photos prises par des caméras d’amateurs. Leur savoir-faire peut être utilisé pour la création d’une collection d’images de documentation architecturale servant de support pour la préservation du patrimoine. 

L’état historique

Les états passés du bâtiment sont caractérisés par des propriétés spatiales et temporelles incertaines parce qu’ils sont connus grâce à des sources iconographiques et documentaires très variées, parfois imprécises et de fiabilité incertaine. On parle de sources iconographiques des états historiques des bâtiments quand ces sources représentent un état de l’édifice différent de son état actuel. Ces sources peuvent être basées sur quasiment toutes les techniques d’élaboration (depuis les plus anciennes aux plus actuelles). Le niveau de précision de la représentation contenue dans ces types de sources diffère logiquement en fonction du type de support et/ou de technique de génération ou d’exécution. Par exemple des photos anciennes sont parmi les représentations les plus précises que l’on peut avoir sur l’état historique d’un édifice. Tandis que le dessin architectural (plan, coup, élévation) est particulièrement tributaire de la méthode de relevé qui est à la base de la restitution graphique (manuel, topographique, etc.). Les dessins à main levée peuvent logiquement contenir plus d’erreurs, d’approximations et d’incohérences avec la réalité. L’époque dans laquelle l’image a été créée peut également conditionner l’exactitude et la cohérence de l’image qui représente un état du bâtiment. Pour donner un exemple, les techniques de représentation utilisées au moyen âge diffèrent bien, à la fois en termes de projection et en termes de rigueur d’exécution, des techniques qui se sont développées à la La maquette numérique comme support pour la recherche visuelle d’informations patrimoniales 18 renaissance : l’introduction de la perspective a en effet permis de dessiner (des fois même à l’aide de machines) des représentations des espaces architecturaux relativement cohérentes avec la réalité. La pratique de représention de l’architecture passée n’est pas une démarche contemporaine. Ses origines remontent à l’époque romaine. Vitruve au Ier siècle av. J.- C. ou Palladio au XVIe siècle ont décrit l’architecture dans deux fameux traités [Palladio A., 1992; Perrault C., 1684]. Entre le 1541 et le 1549, Palladio se déplaçait des nombreuses fois à Rome pour effectuer des relevés des bâtiments romains. Aujourd’hui on peut lire des traces de ses raisonnements dans ses esquisses (figure 3). Il y a 500 ans Palladio commençait à interpréter les fouilles et à représenter l’architecture d’une époque précédente à la sienne dans le but de la comprendre et de la réutiliser en clé moderne dans ses bâtiments. Ses esquisses sont une première opération de représentation de l’architecture. Figure 3 Andrea Palladio, Thermes d’ Agrippa et Panthéon, RIBA, Londres, Vol. VII, fol. 2. 

L’image hypothétique

 L’image d’un état hypothétique d’un édifice est une représentation normalement élaborée par un chercheur (archéologue, architecte, historiens, etc.) s’appuyant sur des preuves, des traces et d’autres sources documentaires et se basant sur un rayonnement construit sur des méthodes scientifiques. Les représentations hypothétiques se bases le plus fréquemment sur des dessins conventionnels (plans, élévations et coupes) ou sur des vues d’ensemble (perspectives, axonométries). Même si ces sources représentent un état du bâtiment, cela ne signifie pas qu’il s’agisse du véritable état passé du bâtiment. La fiabilité d’une représentation hypothétique est contrainte à la dimension subjective de l’auteur de la source ; par ailleurs différentes sources iconographiques hypothétiques (parfois contradictoires) sont formulées par différents chercheurs à différents périodes. Définition d’une approche pour la sémantisation de sources iconographiques par référencement spatial 19 Figure 4 L’état hypothétique du château Comtal de Carcassonne au milieu du XIVe : reconstitution et représentation de [Guyonnet F., 2000]. Le passé étant inaccessible, si les sources offrent des informations incomplètes sur la morphologie d’un artefact, les experts sont amenés à interpréter la forme et à formuler des hypothèses parfois très variées sur les états passés. De plus, la comparaison des sources peut induire à des raisonnements contradictoires et à des hypothèses qui précisent le sens d’incertitude sur la forme, la position et la datation des artefacts. Les hypothèses sont un cas particulier d’interprétation des incertitudes appliquées à l’architecture (voir section 2.2). Plus précisément, les historiens et les archéologues s’appuient sur différents raisonnements pour formuler leurs hypothèses [Strothotte T. et al., 1999]: • déduction. Ce type d’interprétation se base sur la détermination des formes architecturales à partir d’éléments géométriques incomplets mais pour lesquelles la géométrie est reconnaissable (fouilles archéologiques ou sources iconographiques). • analogie. L’historique d’un lieu peut être supposé à partir de la documentation sur les techniques de l’époque. Le processus d’analogie s’appuie sur les connaissances architecturales telles que les traités classiques d’architecture, les relations de composition, la connaissance de constructions similaires pendant la même époque, ou encore de constructions similaires en proximité du site. Chaque perte d’information ouvre plusieurs possibilités d’interprétation. Les restitutions hypothétiques sont donc des versions possibles, proches aux versions des produits d’un processus de conception. Les hypothèses peuvent enfin être validées ou démenties selon leur niveau de confiance et le processus d’interprétation des experts. La plupart des restitutions des états passés s’appuient conjointement sur ces types de raisonnements per la définition de la morphologie des éléments architecturaux. La maquette numérique comme support pour la recherche visuelle d’informations patrimoniales 

 Le degré de certitude

 Dans des domaines variés, diverses études sur la perception de l’incertitude ont été amenées afin d’évaluer les paramètres qui en conditionnent la présence, afin d’interagir avec elle et la rendre un support pour la prise de décisions [MacEachren A.M. et al., 2005; Thomson J. et al., 2005]. [Pang A.T. et al., 1997] parle d’incertitude à trois niveaux : dans le processus d’acquisition, d’analyse et de visualisation des données. En patrimoine historique, les facteurs d’incertitude d’une source sont liées à trois aspects : la qualité, la cohérence et l’objectivité. [Thomson J. et al., 2005] propose une classification plus détaillée de ces aspects basée sur 9 sous-catégories (Fidélité, Précision, Intégralité , Cohérence, Filiation, Pertinence, Crédibilité, Interdépendance) pour décrire l’incertitude en patrimoine historique. De façon générale, il est impossible de définir un ordre absolu de fiabilité des sources. Trop de paramètres rentrent en jeu pour des sources ayant des objectifs trop variés. On peut affirmer que le niveau de certitude augmente en fonction de la richesse d’informations métriques et visuelles de chaque source ; mais l’évaluation réelle du niveau de certitude / incertitude doit être établie cas par cas, selon la spécificité de chaque source. De ce fait, le niveau de précision, de cohérence et l’objectivité est plus élevé pour les sources les plus riches en détails métriques, visuels ou descriptifs. Les sources sont donc ordonnées selon leur apport métrique et visuel croissant (des sources les plus imprécises aux sources les plus détaillées). Quand l’on étudie des bâtiments historiques, les informations qui concernent ses états antérieurs sont souvent contradictoires, hétérogènes, incertaines et incomplètes. Chaque source est caractérisée par une certaine qualité, une cohérence et un niveau d’objectivité. Ces trois aspects dépendent d’une composante humaine et des moyennes physiques qui ont permis de représenter l’objet. • La qualité de la source dépend de son état de conservation, des outils de représentation employés et de l’objectif de la description. Premièrement, la qualité graphique des sources n’est pas souvent très élevée pour tirer des informations sur les proportions. Deuxièmement, dès que l’on a des informations métriques sur un objet, le niveau de fiabilité augmente immédiatement. Troisièmement, le niveau de fiabilité augmente encore plus si l’on analyse un relevé fait à l’aide d’un dispositif d’acquisition particulièrement précis et automatisé (c’est le cas du scanner laser par exemple). • Le niveau de cohérence dépend de la concordance des informations véhiculées par les sources. Il s’appuie sur la comparaison avec diverses sources. • Le niveau d’objectivité est lié à l’auteur de la source, car souvent il transfère graphiquement son propre point de vue par rapport à son contexte de vie, ou parfois il représente des architectures selon un projet pas encore réalisé.  

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