La sollicitation d’un affranchissement des normes dans le cadre d’opérations ponctuelles

La sollicitation d’un affranchissement des normes dans le cadre d’opérations ponctuelles

La théorie de l’action au cœur de l’analyse

Dans le domaine de l’urbanisme, la notion d’action se comprend tant par son acception que par son histoire (Paragraphe I). D’ailleurs, elle participe des notions caractéristiques de ce domaine (Paragraphe II).

L’action, notion au centre d’une recherche conceptuelle et historique

Le projet est un « acte volontariste »197. Il relève du champ de l’action. « L’action qualifie un passage à l’acte. »198 Combinaison de « poïesis » et « praxis » en grec, l’action se révèle être, de manière incontestable, la continuité de notre projet-processus. « Poïesis » : « action de faire en fonction d’un savoir »199, « production d’un objet artificiel »200 ; « Praxis » : « objet produit »201. Ne repérons-nous pas, à travers ces définitions, la conséquence probante de notre projet-processus ? Le projet-processus symbolise l’artefact, l’objet artificiel. Il représente également la réunion indispensable de connaissances, notamment, comme nous l’avons d’ores et déjà démontré, celle de connaissances territoriales. C’est de ce processus que « résulte » notre objet produit, ou plutôt devrions-nous emprunter, pour l’instant, l’emploi du terme « objet à produire ». En somme, notre action, activité concrète, « résulte », de notre artefact, processus de réalisation. Relevons l’emploi, à plusieurs reprises, du verbe « résulter ». L’action s’avère être l’instrument fondamental de notre projet-résultat. Elle permet de transformer l’objet artificiel en objet concret. L’action permet donc d’atteindre le résultat. Plus encore, elle représente le lien incontournable entre le projet-processus et le projet-résultat. « Elle a conduit à mieux lier deux moments de la pratique urbaniste, les études préliminaires (diagnostic) et l’action opérationnelle (projet) »202. En cohérence avec les arguments qui viennent d’être énoncés, c’est au cœur de notre projet-résultat que nous placerons la théorie de l’action. Soulignons que l’importance accordée à l’action s’avère résulter d’un long cheminement. Bien que les premiers outils juridiques spécifiques à l’urbanisme opérationnel, à savoir les zones à urbaniser en priorité (ZUP), les opérations de rénovation urbaine ou encore les associations syndicales, soient nés dans les années 1950203, la LOF, en instituant la zone d’aménagement concertée (ZAC), marque véritablement la volonté d’accorder une place  capitale à l’opérationnalisme. Ainsi, avec l’émergence officielle d’un « urbanisme opérationnel », la « planification traditionnelle » commence, d’ores et déjà, à placer l’opération au cœur de sa démarche. Notons que l’opération suppose une « coupure nette entre conception et réalisation de l’objet projeté »204. Ainsi, le projet-résultat représentant la phase de réalisation de « l’objet à produire », nul doute à avoir quant au choix d’étudier l’opération dans cette partie relative au projet-résultat. Cette notion fera d’ailleurs l’objet d’une analyse complète lors de notre prochaine réflexion. La « planification stratégique » succédant, tel que démontré dans l’introduction, à la « planification traditionnelle », témoigne, elle aussi, de cette volonté d’accorder une place toute particulière à l’action. En effet, en promouvant un « management public urbain »205, méthodes de décision et de gestion empruntées au management des entreprises, la « planification stratégique » place l’« action collective »206 au cœur de sa démarche. « Rationalité pragmatique »207 plutôt que « rationalité normative »208, c’est l’action concrète qui domine. Pour accentuer notre réflexion, une dernière notion nécessite d’être mise en lumière : la programmation. À l’interface entre planification urbaine et urbanisme opérationnel, cette notion d’urbanisme, certes aux contours flous, témoigne également d’une volonté d’assigner à l’action une importance particulière. Nous retiendrons, pour l’essentiel, que la programmation permet au porteur d’un projet d’identifier les besoins, les exigences et les contraintes inhérents à son opération afin de définir les bases nécessaires à sa concrétisation 209. Programme : le terme est proche d’« opérationnel »210. Le programme représente une « liste d’intentions couchées sur papier »211. La programmation peut donc être qualifiée d’instrument au service de la réalisation du projet urbain. Ces exemples démontrent combien le résultat, et par voie de conséquence, l’action, ont toujours occupé une place majeure au sein de la planification. Toutefois, notre réflexion démontrera que le concept de projet n’a fait qu’accentuer le rôle attribué au résultat et à l’action.

L’action, notion révélatrice de l’enjeu urbanistique

« L’urbanisme, une discipline de l’action ? »213, telle est la question que se pose Daniel Pinson. La réponse à cette question s’avère capitale pour notre démonstration. Elle déterminera les enjeux d’une adaptation des documents d’urbanisme au projet. Action ? Opération ? Qu’en est-il de ces termes au sein d’un contexte mêlant exclusivement l’urbain et le droit ? Ont-ils une place qui leur est accordée ? L’article L.300-1du Code de l’urbanisme, introduit par la loi aménagement urbain du 18 juillet 1985214, dispose que « les actions ou opérations d’aménagement ont pour objet de mettre en œuvre ”un projet urbain”, une politique locale de l’habitat, d’organiser l’extension ou l’accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d’enseignement supérieur, de lutter contre l’insalubrité et l’habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. » Nul doute à avoir quant à la question que nous nous posons. Les notions d’action et d’opération occupent bel et bien une place qui leur est propre dans le domaine de l’urbanisme. Mieux encore, elles permettent la mise en œuvre d’un projet urbain. Le projet de territoire ayant déjà été analysé et, de ce fait, attribué au rôle qui lui est propre, à savoir, la conception d’un projet, les actions et opérations concerneraient donc l’un des deux projets urbains restants, à savoir les « projets d’aménagement », « projets urbains complexes » et les « projets de construction », « projets architecturaux » ou « d’édifice ». Comme leurs noms l’indiquent, il s’agit d’actions et d’opérations relatives à l’aménagement. De ce fait, c’est l’opération d’aménagement qui serait mise en avant à travers elles. Ainsi, à la simple lecture de cet article, nous pourrions apporter la conclusion souhaitée, à savoir, les projets d’aménagement reposent bel et bien sur le concept d’action. À ce titre, et tel que démontré ultérieurement, elles justifient, de manière fondée, un aménagement du projet-processus. Toutefois, comme la majorité des notions exploitées au sein de ce mémoire, les concepts d’action et d’opération nécessitent d’être approfondis, ne serait-ce pour légitimer notre raisonnement mais également pour déterminer ce qu’il advient des « projets de construction ». Le Code de l’urbanisme distingue ces deux notions au cœur de notre réflexion : l’action et l’opération. Avant de les distinguer, notons tout de même que ces notions reposent, toutes deux, sur le concept d’aménagement. En plus de poursuivre l’un des objectifs visés par l’article L.300-1 du Code de l’urbanisme, pour être qualifiées d’actions ou d’opérations d’aménagement, ces dernières doivent, selon le juge administratif, répondre à un enjeu ou à une volonté d’aménagement, c’est-à-dire « avoir une incidence sur un territoire à partir d’un projet réfléchi »215. Nous retrouvons, ici, l’idée de projet-processus et de projet-résultat, l’un étant, respectivement, le « projet réfléchi », et l’autre, l’ « incidence sur le territoire ». Outre ce trait commun, c’est la notion d’opération qui, au sein de la jurisprudence et de la doctrine, a suscité le plus de réflexion. « Il n’y a pas, de meilleure définition de cette notion que celle qui en est donnée par M. le commissaire du gouvernement Lavisgnes dans ses conclusions sous l’arrêt du Conseil d’État du 28 juillet 1993, Commune de Chamonix-Mont Blanc »216. Selon ces conclusions, afin d’être qualifiée d’opération d’aménagement, cette dernière doit se présenter comme une « combinaison d’interventions sur le tissu urbain », ce qui inclut notamment, et surtout, la réalisation d’équipements, ainsi que de bénéficier d’une « ampleur suffisante pour avoir un impact significatif sur le site concerné »217. Ce sont donc l’ampleur de l’opération ainsi que sa complexité qui permettent de qualifier cette dernière d’opération d’aménagement. Opération, intervention, impact, ce champ lexical démontre parfaitement que l’opération d’aménagement repose sur notre concept d’action, action qui permet de concrétiser notre projet-processus. D’ailleurs, qu’en est-il de la notion d’action telle qu’entendue par le Code de l’urbanisme ? Le législateur n’ayant pas donné de définitions à ces deux termes, la distinction opérée par l’article L.300-1 du Code de l’urbanisme reste floue. Bien que l’opération d’aménagement ait fait l’objet  d’une définition, il s’avère souvent difficile de distinguer ce qui relève de l’action d’aménagement et ce qui relève de l’opération d’aménagement. « Aller plus avant dans l’analyse de la distinction entre action et opération d’aménagement relève de l’utopie.218» D’ailleurs, notre démarche étant de démontrer que les actions et opérations d’aménagement, et par voie de conséquence, les projets d’aménagement reposent sur le concept d’action, est-il vraiment nécessaire de définir la notion d’action d’aménagement ?

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