Les stratégies de promotion de l’accès à l’emploi

Evolution de l’intensité de la pauvreté

L’intensité de la pauvreté s’est aussi intensifiée entre 2003 et 2004. Même si l’écart entre la population pauvre et le seuil de pauvreté s’est élargi ; il s’est atténué par l’entrée des individus au bord du seuil qui ont appartenu dans la catégorie de la population pauvre après le choc économique de 2004. En 2005 l’intensité de la pauvreté se situe à 26,8%.

La structure de la production

Comme la plupart des pays en développement, au premier plan l’économie malgache est caractérisée par un dualisme sectoriel. Il subsiste dans une même économie un secteur traditionnel très prédominant et un secteur urbain moins performant et caractérisé par une prépondérance du secteur informel.

Prédominance du secteur informel

Pour atténuer les effets néfastes de la pauvreté, la plupart des ménages malgaches exercent des activités dans le secteur informel. En effet à Madagascar plus de 26,9% des ménages gèrent une petite entreprise non agricole, ces petites activités de production leur procurent des revenus supplémentaires. Le revenu net des entreprises non agricoles est en 2005 estimé à 41 milliards d’Ariary.
Le secteur informel à Madagascar regroupe essentiellement des activités de commerce et d’artisanat: 51% pour le commerce et 29% pour l’artisanat. Le pourcentage des ménages exerçant des petites activités non agricoles est toujours plus élevé en milieu urbain qu’en milieu rural.
Cependant le secteur informel se caractérise par une très grande précarité des conditions d’activités, ils sont privés d’accès aux principaux services publics (eau, électricité,…) . Pourtant même sans numéro d’identification fiscale, on estime que le montant total des impôts payés par les unités de production informelle s’élève à 2 266 millions d’Ariary en 2005 et une unité de production paie en moyenne 43 000 Ariary par an.

Secteur traditionnel peu productif et prédominant

La plus grande partie de la population malgache entreprend encore des petites activités agricoles traditionnelles. En effet 73,3%des ménages agricoles sont tous des petits exploitants agricoles, c’est-à-dire exploitant moins de 1,5 Ha de terrain. Seulement 4,5% de ces ménages agricoles arrivent à exploiter plus de 4 Ha (au sens économique, ce qui signifie qu’une parcelle peut être comptée autant de fois qu’elle a pu être cultivée).
La prépondérance de l’exploitation traditionnelle en milieu rural peut s’expliquer par l’existence de contraintes d’ordre sociologique et culturel. D’une part l’existence de considérations d’ordre coutumier empêche la vulgarisation en milieu rural de nouvelles techniques de production. D’autre part la faiblesse de la productivité agricole est due au fait que les exploitants sont à la fois producteur et consommateur de leur production, c’est alors un problème d’ordre institutionnel. Quand bien même les projets agricoles n’impliquent pas les paysans dans leur élaboration, ils les considèrent seulement comme des simples acteurs.

Il est important de remarquer que la situation peut s’empirer de génération en génération parce que la parcelle de terrain à cultiver tend toujours à diminuer dégénération en génération. En effet considérons qu’une famille est constituée des deux parents et de cinq enfants et possède 1 Ha de terrain ; si les cinq enfants ne trouveront pas d’emploi dû à un manque de qualification par exemple, ils vont eux aussi se mettre à cultiver et ils n’auront plus chacun que 1/5 d’Ha de la parcelle de terrain en héritant leurs parents.
De cette manière, il semble que la pauvreté en milieu rural va toujours se renforcer sans prise de mesures sérieuses à l’encontre de cette population rurale.

La structure de la consommation

Comme les ménages satisfont leurs besoins par l’acte de consommation, cette variable est donc très pertinente en matière d’analyse de la situation économique. D’une manière générale, le panier de consommation des ménages est constitué par des dépenses qui peuvent être des dépenses directes en termes monétaires ou des dépenses matérielles qui peuvent avoir des influences sur la condition de vie des ménages comme le paiement de loyer de bien durable par exemple. A Madagascar la consommation moyenne par tête en ; on observe que cette consommation moyenne est encore inférieure au seuil de pauvreté qui est de 305 300 Ariary. De plus on constate une grande différence entre la consommation en milieu urbain et en milieu rural. En effet la consommation moyenne en milieu rural ne représente que 67,2% de la consommation moyenne en milieu urbain.
Une autre caractéristique de la pauvreté – selon la Loi de Engel- est que la plupart des ménages malgaches consacrent une grande partie de leur revenu à la consommation de produits alimentaires. Ce type de consommation représente en moyenne pour Madagascar 70,1% de la totalité de la consommation.

La faiblesse de la consommation retrace encore la gravité de la pauvreté à Madagascar. Comme la consommation est une fonction croissante du revenu, la faiblesse de la consommation est donc en premier lieu liée à une insuffisance de revenu. En effet à Madagascar les cadres supérieurs présentent la plus forte consommation moyenne s’élevant à 1,301 millions d’Ariary par tête en 2005, un chiffre qui dépasse largement la ligne de pauvreté ; pourtant pour un petit exploitant agricole elle n’est qu’à 274 milles Ariary ; alors que près de 80% de la population malgache vit encore en milieu rural. Par conséquent il existe donc un cercle vertueux de pauvreté. Le revenu est le premier déterminant de la consommation alors que la consommation (la demande) constitue le moteur de la croissance de la production, donc du revenu. Des politiques centrées à la fois sur le développement d’activités génératrices de revenu et sur la demande s’avèrent donc nécessaires pour améliorer la situation.

La structure de l’investissement

Ces dernières années la politique d’investissement à Madagascar était tournée vers la promotion des IDE. Le MAP en 2007 a projeté une croissance des IDE de 84 millions à 500 millions USD en 2012. De nombreuses mesures incitatives ont alors été prises pour promouvoir ce type d’investissement à savoir la facilitation de l’accès des étrangers à la propriété foncière, des mesures d’incitation fiscale et administratives qui ont passé par l’allègement des droits et taxes liés à la fois à la production et à l’importation.

Le constat étant que ces mesures ont encouragé l’arrivée de différents investisseurs étrangers surtout dans le secteur textile (multiplication des entreprises franches) et le secteur minier. Mais ces types d’investissement ont dû se confronter à de nombreux problèmes. En premier lieu pour le secteur textile, les entreprises sont trop dépendantes du marché extérieur ; elles présentent donc beaucoup trop de vulnérabilités par rapport aux conjonctures internes qu’internationales. L’exemple de la fermeture du marché américain de l’AGOA récemment illustre ce fait. C’est alors une politique d’investissement plus tournée vers le marché local qu’on doit promouvoir à Madagascar pour limiter les effets pervers de l’instabilité ; et on revient encore ici sur la nécessité d’une politique qui peut renforcer la demande locale.

En second lieu pour le secteur minier, les produits miniers apportent très peu sur la valeur ajoutée. De plus ce type d’investissement utilise la plupart du temps des facteurs de production à forte proportion de machine et de technologie ; ce qui limite sa capacité d’absorption en main d’œuvre. D’ailleurs les activités d’extraction minière nuit à l’environnement qui va à l’encontre d’une recherche de développement durable.
En somme, pour améliorer la situation, il faut chercher de promouvoir pour Madagascar des investissements qui misent sur la production de produits finis et qui sont tournés vers le marché intérieur. De ce fait c’est la promotion économique des PME locales et des agences de microfinances qui semble être la plus déterminante que l’emplacement de grandes industries textiles ou minières qui nous rapportent que très peu.

L’ajustement structurel

Durant les années 1980 la précarité de l’économie malgache a conduit les dirigeants de l’époque, comme beaucoup d’autres pays africains d’ailleurs, de se lancer dans des Programmes d’Ajustement Structurel sur recommandation des institutions de Bretton Woods. Plus précisément Madagascar était engagé dans ce programme depuis 1985.
Les idées principales de ces programmes sont en fait la mise en œuvre d’une politique sur la base du libéralisme et donc sur l’économie du marché. Des mesures ont été dictées par les bailleurs de fonds, entre autres l’allègement des barrières tarifaires et non tarifaires pour favoriser le commerce extérieur, la diminution de toute sorte de subvention étatique, la privatisation, etc. Le bilan de l’ajustement structurel s’avère lourd pour l’économie de Madagascar. En effet le PIB par habitant s’est réduit presque de moitié entre 1960 et 1999. Le tableau suivant retrace l’évolution du PIB durant cette période.

Le MAP

En 2005 le Gouvernement malgache a élaboré le Madagascar Action Plan qui n’est autre qu’une sorte de poursuite du DSRP. Le MAP est un plan d’action pour dix ans tourné sur huit engagements axés sur : la bonne gouvernance, la transformation de l’éducation, la santé et planning familiale, les infrastructures, le développement rural, l’économie et le secteur privé, l’environnement, et enfin la solidarité. Au terme de ce premier chapitre, nous avons pu exposer que la population malgache se trouvent encore dans un état de pauvreté profonde et intense. La faiblesse de la structure économique, caractérisée par la faiblesse de la structure de production, de consommation et d’investissement explique en premier lieu cette difficulté de sortir de la pauvreté. Pourtant les politiques de développement entretenues n’ont pas réussi de manière efficiente d’améliorer la situation. Dans le chapitre suivant, voyons comment l’emploi se développe t-il dans le cadre de cette précarité de l’économie, en analysant ses grands caractéristiques et les politiques qui ont déjà été menées pour sa promotion.

Analyse globale de l’emploi

En dépit de la mise en œuvre de différentes stratégies de développement de l’emploi, la situation reste encore aujourd’hui moins satisfaisante pour Madagascar.

Les caractéristiques de l’emploi

Au premier plan, l’emploi à Madagascar est caractérisé par sa précarité tant dans le milieu urbain que dans le milieu rural. La mise en valeur de cette précarité passe par l’analyse des indicateurs du marché du travail tels que le taux d’activité et le taux de chômage, le sous-emploi et le travail de la femme.

Le taux d’activité et le taux de chômage

Le taux d’activité constitue le premier indicateur clé du marché du travail, il reflète la participation de la population en âge de travailler (15 à 64 ans ) dans les activités économiques d’un pays. Son analyse semble donc être la plus pertinente pour soulever les diverses caractéristiques de l’emploi. A Madagascar le taux d’activité est de 64,6% en 2005. Il s’élève à plus de 88% si l’on considère la tranche d’âge de 15 à 64 ans. Néanmoins le taux d’activité des enfants de 6 à 14 ans est loin d’être négligeable et atteint 20%. De l’autre côté, près de deux tiers des personnes âgées (65 ans et plus) veulent encore participer aux activités économiques. Parallèlement à ce taux d’activité élevé, le taux de chômage à Madagascar reste relativement faible, il est de 2,8%. Au sens du BIT, un chômeur est un actif dépourvu d’emploi au cours d’une période de référence courte, à la recherche active de travail et disponible à exercer un emploi dans un délai relativement court. Généralement ces chiffres laissent croire au premier vue que les actifs malgaches sont biens insérés dans l’activité économique pourtant un grand phénomène de sous emploi se cache derrière ces chiffres.

Le sous-emploi

Dans l’analyse des dysfonctionnements du marché du travail la prise en compte à lui seul du taux de chômage reste insuffisante ; pour cela on va introduire une analyse du phénomène de sous-emploi. On note deux types de sous-emploi : le sous emploi lié à la
durée de travail et les situations de travail inadéquat.

Le sous emploi lié à la durée de travail

Le sous-emploi lié à la durée de travail se traduitpar un manque du volume horaire de travail. Le volume horaire minimal retenu par les enquêteurs de l’INSTAT était de 35 heures par semaine. Le taux de sous-emploi donne donc le nombre de la population active exerçant des activités dans une durée de temps inférieure à ce seuil sur l’ensemble de la population active. A Madagascar ce taux est de 25,2%. En termes de secteurs d’activités, c’est l’agriculture et les autres services privés qui accusent le plus fort taux de sous-emploi lié à la durée de travail : 33,9% pour l’agriculture et 30,5% pur les autres services privés. Ce taux élevé de sous emploi s’explique par la structure de production à Madagascar, c’est-à-dire un secteur rural prédominant et moins productif et un secteur urbain caractérisé en grande partie par la prédominance du secteur informel comme on l’a déjà vu dans le chapitre précédent.

Par ailleurs le niveau de formation et d’instruction influe beaucoup sur ce taux de sous emploi lié à la durée de travail, s’il concerne 68%des actifs non instruits, il ne touche que 8% des universitaires.
Comparé au taux d’activité et le taux de chômage, le taux global de sous-emploi est largement supérieur. Selon la définition même du sous-emploi, les individus pris dans le phénomène du sous-emploi sont encore disponibles pour l’exercice d’autres activités qui vont leur permettre d’augmenter leur productivité en affectant le reste de leur temps dansd’autres activités.

Les situations d’emploi inadéquat

Les situations d’emploi inadéquat sont relatives aux situations des individus qui ne peuvent pas atteindre leur productivité optimale suite à d’autres contraintes que la durée de travail. En général ces contraintes sont liées à la rémunération du travail, à l’inadéquation emploi-formation, aux mauvaises conditions matérielles de travail, à la difficulté d’accès au lieu de travail. A Madagascar les situations d’emploi inadéquat touchent plus de 42,5% des actifs occupés.

Les raisons essentielles des situations d’emploi inadéquat à Madagascar sont d’ordre structurel. En effet la rigidité des salaires entre les différents secteurs d’activité empêche la mobilité des travailleurs au sein de ces secteurs. En outre les structures d’embauche ne permettent pas aux jeunes nouvellement sorties de leur formation d’obtenir à leur première quête d’emploi (cf. infra) des activités et des rémunérations adéquates à leur formation ; cela est dû souvent à l’exigence d’expériences de la part des employeurs. Néanmoins des facteurs conjoncturels, comme les crises économiques, la récession mondiale influent aussi sur l’inadéquation des situations de l’emploi.

Table des matières

Liste des acronymes 
INTRODUCTION GENERALE 
PARTIE 1 : Généralités sur la pauvreté et l’emploi a Madagascar 
Chap. I Revue de la situation économique et des expériences malgaches en matière de lutte contre la pauvreté
I.1 : La situation économique à Madagascar
1. Evolution de la pauvreté à Madagascar de 1993 à 2005
2. La structure de la production
3. La structure de la consommation
4. La structure de l’investissement
I 2 : Les expériences malgaches en matière de luttecontre la pauvreté
1. L’ajustement structurel 1999
2. Le DSRP
3 .Le MAP
Chap. II Analyse globale de l’emploi à Madagascar
II.1 : Les caractéristiques de l’emploi à Madagascar
1. Le taux d’activité et le taux de chômage
2. Le sous-emploi
3. Le travail de la femme
II.2 : La Consultation Nationale sur l’Emploi (CNE)
1. La légitimité d’une Consultation Nationale sur l’Emploi
2. Le renforcement des expériences jugées positives enmatière d’emploi et de lutte contre la pauvreté
Chap. III : Réflexions théoriques
III.1 Les débats théoriques sur le fonctionnement du marché du travail
1. L’orthodoxie (néoclassique)
2. Les hétérodoxies
III.2 La théorie du capital humain
1. Définitions et formation du capital humain
2. Le capital humain, un investissement comme un autre
3. Limites de la théorie du capital humain
PARTIE 2 : Les stratégies de promotion de l’accès à l’emploi 
Chap. IV La promotion de l’éducation et de la formation
IV.1 Le niveau d’éducation de la population malgache
1. L’alphabétisation et le degré d’instruction
2. Les dépenses scolaires des ménages
IV.2 Analyse du système éducatif malgache
1. Présentation du système éducatif
2. Les faiblesses du système éducatif
3. Les politiques nationales d’éducation
I V.3 La place de la formation technique et professionnelle
1. Présentation de la formation technique et professionnelle à Madagascar
2. Les problèmes de la formation technique et professionnelle à Madagascar
Chap. V La promotion de l’accès des femmes à l’emploi
V.1 Les problèmes associés à l’emploi de la femme
1. La discrimination dans l’emploi et dans la rémunération
2. La difficulté d’accès aux ressources productives
3. L’inégalité dans l’influence politique
V.2 La promotion économique de la femme
1. Promouvoir un développement économique favorable à la promotion de la femme
2. Le rôle des autres acteurs du développement
V.3 Renforcement du cadre légal
1. Les textes relatifs aux droits de la femme
Chap. VI Les déterminants de l’accès à l’emploi à Madagascar
VI.1 Accès à l’emploi et cycle économique
1. Niveau de l’emploi et croissance économique
2. Les impacts sur l’accès à l’emploi
VI.2 Accès à l’emploi et niveau de formation
VI.3 Accès à l’emploi, âge et sexe
1. L’âge
2. Le sexe
CONCLUSION GENERALE
ANNEXES 
Liste des tableaux 
BIBLIOGRAPHIE 
TABLE DES MATIERES 

Les stratégies de promotion de l’accès à l’emploi

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