Les tissus biologiques mous et l’identification de leurs propriétés mécaniques

Les tissus biologiques mous et l’identification de leurs propriétés mécaniques

La connaissance des propriétés mécaniques des tissus mous de la jambe est au cœur de ce travail de thèse. D’une manière générale, l’identification des propriétés mécaniques nécessite d’une part la mise en place d’essais mécaniques, et d’autre part le choix du modèle de matériaux à utiliser afin de définir les paramètres qui seront identifiés. Ce chapitre vise à présenter ces deux étapes dans le cas particulier des tissus biologiques. Nous verrons dans la première partie de ce chapitre les différentes expérimentations possibles dans le cas des tissus mous biologiques. Ensuite nous exposerons l’histologie des tissus dans le but de déterminer les lois qui sont susceptibles de décrire correctement leurs comportements. Finalement nous présenterons une revue des lois de comportements des tissus mous de la jambe issue de la littérature.

Les essais mécaniques sur des tissus biologiques

D’un point de vue biomécanique, le corps humain peut être considéré comme un ensemble de matériaux. La description et l’identification de ces matériaux sont motivées par la médecine et ses applications. Cependant, pour identifier leurs propriétés mécaniques, il est nécessaire de pratiquer des tests expérimentaux sur les tissus dont il est question. Ces tests peuvent être réalisés ex vivo, i.e. les échantillons à tester sont excisés afin de pratiquer les essais en dehors du corps humain (ou animal). Malheureusement, l’excision altère drastiquement les tissus. On peut citer comme facteurs modifiés lors du prélèvement, la température, l’hydratation, la rupture des protéines et la perte de la perfusion sanguine. Pour réduire le nombre de ces facteurs, des expériences in situ sont réalisables même si les protocoles d’expérimentation sont contraignants. Ces expériences sont effectuées sur des cadavres frais afin de réduire l’altération des tissus post mortem, ou sur des animaux qui seront sacrifiés dans le cas d’expérimentations animales. Les essais in situ sont souvent utilisés pour des organes internes comme le foie ou l’estomac, l’identification des tissus dans ces conditions est utile dans le cas de simulation de chirurgie [PTDRC03], [DRTP+04]. On observe cependant que les matériaux identifiés avec des essais mécaniques in situ sont souvent plus rigides que lorsque des essais in vivo sont utilisés. Les essais in vivo constituent des essais assez réalistes mais restent difficiles à mettre en place. Lors d’expérimentations in vivo, il faut être attentif aux phénomènes parasites présents dus à l’activation des tissus. Par définition, les matériaux biologiques sont vivants, ce qui rend leur caractérisation d’autant plus délicate. Par exemple, la contraction volontaire ou involontaire des muscles peut être un phénomène parasite. Les muscles lisses sont commandés par le système nerveux autonome et fonctionnent donc de manière réflexe. La circulation sanguine continue durant les essais in vivo est aussi un exemple de phénomène parasite. Une modélisation de ces artéfacts est possible mais augmente considérablement la complexité du problème. Souvent les essais in vivo imposent une échelle d’étude suffisamment grande pour permettre l’observation depuis l’extérieur. Le terme in vivo ne signifie pas non-invasif ou atraumatique, mais sur des tissus humains, on tend à rendre ces tests les moins traumatiques possibles. Des essais mécaniques in vivo à l’échelle de la cellule ne sont pas aisés, mais sont plus adaptés à l’échelle des organes. Il est très difficile de réaliser des essais in vivo sur un tissu sans tenir compte des tissus qui l’entourent. Si la plupart des tissus mous biologiques sont caractérisés grâce à des essais ex vivo, il n’en n’est pas de même pour la peau qui fait souvent l’objet d’essais in vivo [DJL+05], [TCET05], [HBO+06], pour des raisons légales et d’éthique notamment. Il est à noter que mis à part la peau, les essais in vivo sur des tissus biologiques sont rares. La peau, même si elle permet des essais in vivo n’en est pas moins délicate à caractériser. En effet, la peau est un bon exemple des difficultés rencontrées lors des caractérisations des tissus biologiques comme le choix de l’échelle d’étude. Comme nous l’avons vu précédemment [Section 1.2.3][Figure 1.5], la peau peut être considérée comme une superposition de trois couches (épiderme, derme, hypoderme), ces couches ayant chacune des propriétés mécaniques différentes. La peau peut aussi être assimilée à une seule couche dont les propriétés mécaniques identifiées sont globales. À l’échelle microscopique, la peau est considérée comme un matériau hétérogène alors qu’à l’échelle macroscopique elle est plutôt considérée comme homogène. La composition des tissus, i.e. l’histologie, est d’une importance considérable dans l’exploration des propriétés mécaniques des tissus biologiques. La conception de modèles pour les tissus biologiques découle de considérations histologiques. Nous verrons dans la suite de ce chapitre que ce sont les cellules qui composent le matériau qui lui confèrent ses propriétés mécaniques. De manière générale, les identifications réalisées dans le domaine des tissus biologiques consistent à utiliser un modèle pré-existant dans la littérature et à en identifier les paramètres. Seront présentés à la fin de ce chapitre les principaux modèles relevés dans cette littérature. Après avoir présenté quelques difficultés propres à la caractérisation des tissus biologiques mous, nous allons présenter une autre particularité des tissus biologiques à laquelle il est difficile de remédier. Les tissus biologiques sont par définition des matériaux vivants, ils peuvent donc connaître une évolution au cours de la vie. Par exemple, les os s’adaptent aux contraintes auxquelles ils sont soumis. On utilise alors le terme de remodelage osseux. Le phénomène de remodelage est aussi présent dans les vaisseaux afin de s’adapter aux variations de la pression artérielle [Fun93b]. Mais le remodelage n’est pas le seul phénomène entraînant une large variabilité des paramètres. Pour certains tissus, comme le tissu adipeux, on observe une variabilité due à des facteurs environnementaux, comme l’alimentation ou l’activité physique. Actuellement, la biomécanique n’est pas en mesure de prendre en compte ces nombreux facteurs modifiant les tissus et l’assurance de la reproductibilité des expérimentations doit donc faire l’objet d’attentions toutes particulières en biomécanique. Lors d’essais mécaniques in vivo en vue d’identification des paramètres matériaux, les sujets sont peu nombreux, la variabilité des tissus n’est donc pas ou peu prise en compte, d’où la nécessité de généraliser les essais in vivo atraumatiques afin de multiplier les essais et traiter l’influence de différents facteurs sur les propriétés mécaniques des tissus.

Histologie des tissus

Avant d’exposer les lois de comportement décrites dans la littérature, il semble important de faire quelques rappels sur la composition des tissus. Le collagène réprésente 25 % de la masse protéinique du corps humain, ce qui en fait un composant essentiel du corps humain. Le collagène est une protéine structurale i.e. il donne la structure principale du matériau. Actuellement 28 types de collagène ont été identifiés. Nous nous intéressons plus particulièrement aux collagènes de type I et de type III. Le collagène de type I constitue la trame de l’os, il est aussi présent dans la peau, les tendons ou dans les organes internes. Le collagène de type III est le collagène présent dans les muscles striés squelettiques et dans les vaisseaux sanguins. La protéine dont va dépendre le caractère élastique du matériau est l’élastine. En effet, l’élastine est le matériau biologique dont le comportement est le plus proche de l’élasticité linéaire [Figure 2.1-(a)]. L’élastine a un module d’élasticité de 0,6 MPa, as- sez faible devant celui du collagène (type I) qui est de 1 GPa [Fun93b]. L’élastine a un comportement qui rappelle celui de caoutchouc i.e. elle supporte de grandes déformations mais reste élastique. L’élastine a pour but d’assurer le retour élastique des tissus, alors que le collagène très peu extensible, 10 à 15 % d’après [Fun93b], empêche le déchirement des tissus et résiste à la compression par sa grande rigidité. Les réseaux, i.e.l’arrangement des fibres de collagène et d’élastine, donnent aux matériaux leurs propriétés mécaniques. Dans le cas d’essais ex vivo, comme les expériences qui ont permis l’obtention des courbes [Figure 2.1], certaines manipulations sont inévitables. Par exemple, afin de s’assurer que le peu de collagène présent dans les tendons n’influe pas sur la réponse, le collagène est dénaturé par une exposition d’une heure à une température de 100° C, laissant ainsi les fibres d’élastine comme étant les seules fibres actives [Figure 2.1-(a)]. Le comportement sur un cycle des fibres de collagène montre une hytérésis importante [Figure 2.1-(b)]. La viscosité d’un matériau est assurée par la présence de collagène. Le collagène et l’élastine sont présents dans tous les tissus mais avec des proportions différentes [MSJ73]. Compte tenu des propriétés de l’une et l’autre de ces protéines, les matériaux biologiques sont globalement visco-hyperélastiques et anisotropes. Nous allons à présent terminer ce chapitre par la présentation de modèles existants dans la littérature et décrivant le comportement des tissus biologiques mous de la jambe.

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