LES TRACES MATERIELLES DU POLITIQUE EUROPEEN, SES ESPACES-TEMPS ET SES ACTEURS

LES TRACES MATERIELLES DU POLITIQUE EUROPEEN, SES ESPACES-TEMPS ET SES ACTEURS

Si la démocratie est définie comme la configuration du politique et si le politique se présente aussi comme forme symbolique, nous pouvons dès lors appréhender la démocratie comme configuration du symbolique. En d’autres termes, nous appelons démocratie cette configuration qui rend possible le politique et dans laquelle s’inscrivent les mythes du politique. Pour saisir les « mythes » du politique européen, il paraît nécessaire de revenir sur l’explicitation de son caractère symbolique. Le « symbolique » est un domaine de l’existant, c’est en quelque sorte la manière par laquelle l’homme constitue et organise son expérience. Il renvoie à des systèmes de croyance complexes grâce auxquels l’individu se représente le monde et donne une signification à ses actions. Tout phénomène est doté d’une matérialité – des traces matérielles – et c’est cette existence matérielle des traces qui garantit la possibilité de son étude (Molino, 1989). Une telle acception suppose que le politique est doté de traces matérielles à partir desquelles nous pourrions examiner son organisation, les modalités de son existence, aussi bien que les enjeux qu’elles impliquent. En ce sens, les programmes électoraux se présentent comme des traces concrètes du procès politique à partir desquelles nous pouvons interroger les enjeux et les modalités d’existence du politique d’une manière sociologique. Ils correspondent en quelque sorte à l’indicateur du « quoi » de la configuration démocratique. Ils donnent à voir ce que le travail politique produit comme sens de l’Europe.

Nous nous appuyons pour cela sur la théorie anthropologique de l’expérience humaine, développée par J. Molino, dans le dessin d’apporter quelques précisions concernant l’ « objet symbolique ». Le premier postulat de la réflexion de Molino est que cet objet englobe trois dimensions : une dimension poïétique, de la production, une dimension esthésique, de la réception et le niveau neutre, des traces matérielles. La trace matérielle sert comme point de départ de l’étude d’un fait symbolique. Un phénomène, lorsqu’il est doté d’une matérialité, peut être qualifié d’outil de connaissance et être analysé comme tout autre objet du monde. En effet, « la pensée s’objective en lui et permet cette incessante dialectique de l’objet et de l’opération qui garantit seule le progrès de la connaissance ; on peut analyser, disséquer ses éléments constitutifs et les différentes configurations dans lesquelles il entre » (Molino, 1986 : 14). Ces objets symboliques ne sont qu’un aspect du phénomène ; ils constituent les traces où s’inscrivent les produits d’opérations passées et les possibilités de nouvelles opérations. Cette trace matérielle ne prend sens que si elle est mise également en relation avec les deux autres dimensions : les espaces-temps et les acteurs qui la produisent (leur processus de production), ainsi que ceux auxquels cette trace est destinée (leur réception). Les programmes des élections du Parlement Européen de 2009 demeurent ainsi le point de départ de l’analyse du politique européen, des mythes qu’ils construisent et des configurations qui rendent possible cette construction, à la fois comme dimension poétique et comme dimension esthésique des mythes politiques.

Le politique comme « champ »

Dans le cas de l’étude du politique européen, il s’agit d’examiner à la fois leur processus de production, leur organisation, les intentions des producteurs, les contraintes et les enjeux qu’implique cette production, et le processus de leur réception, déchiffrer le public-cible, examiner les différentes interprétations possibles des messages transmis. En revanche, le point de départ de cette démarche ne peut être autre que la description analytique des produits symboliques eux-mêmes. Il ne suffit pas en effet de procéder à une démarche interprétative de ces traces du politique. Car, le problème que pose la posture herméneutique est de l’ordre de la définition de l’objet sociologique. Une connaissance exclusivement compréhensive ou interprétative de la réalité sociale « oublie que le sens est lui-même produit et déterminé par une structure génératrice » (Quéré, 1999). Autrement dit, une démarche adéquate devrait inclure une approche complémentaire capable de prendre en compte les cadres institutionnels, normatifs et réflexifs,  Les espaces réfèrent aux lieux où les mythes, sous forme de programmes électoraux, sont produits, ainsi qu’aux lieux auxquels ces mythes s’adressent. Pour comprendre les mythes il est nécessaire de comprendre ces espaces, leur organisation, leur structuration, leurs règles de fonctionnement. Dans ce dessein, nous mobilisons notamment deux auteurs, Pierre Bourdieu et Jürgen Habermas. Nous avons recours dans un premier temps au concept de « champ » de P. Bourdieu, afin de penser l’organisation des lieux de la production et de la diffusion des programmes électoraux, les configurations qui se produisent par les relations entre différents participants dans le champ du politique européen. Il s’agit également de penser la possibilité d’accès, pour ces acteurs, au champ du politique et la manière par laquelle est conférée la légitimité de cette participation. Nous articulons par la suite ces éléments conceptuels avec la vision du social de Habermas et en particulier avec son concept d’« espace public ». Cela vise à attribuer une dimension plurielle non seulement aux espaces sociaux mais à l’espace du politique même.

 

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