Les volontaires Juifs Français vers Israël de la guerre d’Indépendance à la guerre de Kippour (1948-1973)

Les volontaires Juifs Français vers Israël de la guerre d’Indépendance à la guerre de Kippour (1948-1973)

Les volontaires et la naissance d’Israël (1948-1949)

. L’imaginaire du « Juif Pionnier » La première période d’engagement significatif de volontaires étrangers aux côtés des forces armées sionistes du Yischouv38 est celle de la « guerre d’Indépendance »39 et des combats précédant celle-ci. Pour la première fois, l’engagement de volontaires étrangers est en effet coordonné et organisé à une échelle significative, au sein d’unités spécialement dédiées à l’accueil, à l’entraînement et au suivi des volontaires combattants venus de différentes régions du monde : les unités « Machal », acronyme hébreu de « Mitnadvei MiHutz leAretz », littéralement les « volontaires venus de l’étranger » (volunteers from outside the land). Si cet épisode constitue une rupture chronologique nette pour notre sujet, l’histoire du mouvement Machal et des « Machalniks », ou « Machalnikim », s’inscrit dans ce que l’on pourrait nommer un « continuum d’engagements », incarné depuis le début du XXe siècle par des mouvements de jeunesse, prônant le retour en Palestine, le travail de la terre, et plus largement l’adoption d’un esprit combattif et guerrier, opposé à la faiblesse inhérente desJuifs de diaspora assimilés. De fait, si ces mouvements ne constituent pas à proprement parler des manifestations de volontariat militaire de la part de combattants étrangers (foreign fighters), au sens où nous l’entendrons par la suite, il convient malgré tout d’en effectuer la description de façon succincte.

En effet, cette généalogie des formes d’engagement participe à la construction d’un imaginaire : celui du pionnier juif en Palestine défrichant la terre, symbole de courage et de volonté. Cette vision est développée par certains penseurs du sionisme dès son origine, à l’image de Marx Nordau, prônant l’affirmation d’un « judaïsme musclé » (Musklelkidentum) dans son ouvrage Dégénérescence40 , condition sine qua non de l’établissement en Palestine d’un État Juif : selon Nordau, « seule une race juive forte sera en effet en mesure de bâtir un État. »41. Ce type de discours, mettant en avant la jeunesse, la force physique, la « régénération » du peuple juif, nourrit l’imaginaire des mouvements romantiques sionistes du XIXe siècle, comme l’association des Amants de Sion. Ce discours enjoué aux accents héroïques peut apparaître comme relativement séduisant aux yeux des Juifs de diaspora, libres d’essentialiser ou d’idéaliser la Palestine, au risque de subir une certaine désillusion une fois sur place42 . Cette thématique est ainsi développée par certains rabbins ou militants au sein du mouvement scout des Juifs de France, les Éclaireurs israélites de France (E.I.F.)43 , sans néanmoins que cette entreprise ne soit nécessairement liée à une immigration en Palestin.

Les volontaires dans la guerre de 1948 : les unités Machal

. Les unités Machal : brève description Il convient désormais d’aborder plus en détails l’histoire du Machal. Les principales archives au sujet du programme Machal étant situées en Israël, notamment dans les documents conservés par l’association « World Machal », située à Tel Aviv, notre travail s’appuie ici sur une littérature de seconde main – ouvrages, articles, mémoire. En particulier, la présence des Français au sein des unités Machal a été étudiée par Léa Sallettes, dans le cadre d’un mémoire de master 2 d’Histoire soutenu en juin 2016 à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne portant sur « Les mahalniks51 français dans la guerre d’indépendance de l’État d’Israël (1948-1949) », sous la direction d’Alya Algan. Il nous a été impossible de consulter le mémoire lui-même, mais nous nous sommes néanmoins appuyés sur un article paru dans le Bulletin de l’Institut Pierre Renouvin : « Le commando français dans la guerre d’indépendance de l’État d’Israël, 1948-1949 », dans lequel l’auteure revient sur les principaux enseignements issus de son travail de recherche52 .

Selon son estimation, réalisée à partir d’un recensement fourni par l’association Machal France, environ 700 Français en provenance de France, de Belgique, du Maroc, d’Algérie et de Tunisie ont participé à la première guerre israélo-arabe. Pourtant, l’histoire du « Kommando Ha’Tsarfati » (littéralement « commando français » en hébreu), dirigé par un officier non-juif, Thadée Diffre, demeure largement méconnue. Selon les estimations, le mouvement Machal a regroupé dans l’ensemble entre 3500 et 5000 individus, issus d’une quarantaine de pays différents53, dont environ 1000 en provenance des Etats-Unis54, et 120 d’entre eux trouvèrent la mort de la guerre de 1948-194955. Dans ce cadre, il convient tout d’abord d’effectuer un certain nombre de remarques au sujet des conditions de création des unités Machal, avant de nous attarder plus avant sur le cas des volontaires Français, qui constituent le cœur de notre objet d’étude. Nous nous appuyons ici principalement sur l’ouvrage de David Malet (2013) précédemment cité, et notamment sur le chapitre qu’il consacre au mouvement Machal (« The Israeli War of Independence », pp.127-158), ainsi que sur les travaux de l’historien Nir Arielli. L’ouvrage précurseur de Yaacov Markovitzky56 a également constitué une source importante.

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