Leucémie Lymphoïde Chronique

Leucémie Lymphoïde Chronique

Définition 

La leucémie lymphoïde chronique se définit comme une lymphocytose supérieure à 5 G/l chronique persistant plus de 3 mois, caractérisée morphologiquement par des lymphocytes d’aspect mature et phénotypiquement par l’expression de CD19, CD20, CD5, CD23 et d’immunoglobulines (Ig) de surface restreintes à l’expression d’une seule chaine légère kappa ou lambda [5]. Deux examens sont nécessaires et suffisants au diagnostic : une numération sanguine avec cytologie et un phénotype lymphocytaire sanguin. II. Epidémiologie : La leucémie lymphoïde (LLC) est la leucémie de l’adulte la plus fréquente en Europe et représente 1 % des cas de cancers et 12,5 % des hémopathies malignes . L’incidence de la LLC est difficile à évaluer précisément. Elle varie de 3 à 8 nouveaux cas pour 100 000 habitants par an dans les différentes séries européennes ou nord-américaines. Cette incidence est beaucoup plus faible en Asie et en Afrique [28]. En 2005, le taux standardisé d’incidence ajusté à la population mondiale était de 3,6/100 000 habitants pour les hommes et de 2/100000 habitants pour les femmes [38]. Son incidence augmente avec l’âge atteignant 30,4 cas /100 000 habitants à 80 ans [39]. Les variations d’incidence entre les Asiatiques et les Caucasiens ou les Afro-américains laissent suggérer la possibilité de variations ethniques, géographiques et raciales. En 2009, la prévalence hospitalière de la LLC au Sénégal était de 8,4% [39]. La LLC affecte principalement les sujets âgés avec un âge médian au diagnostic de 61 ans [37]. Une prédominance masculine (1,5 à 2 hommes pour une femme) est retrouvée de façon constante. Aucun facteur environnemental n’a été mis en évidence, mais une susceptibilité génétique semble très probable. 5 III. Physiopathologie de la LLC : Le lymphocyte de la LLC se présente comme un petit lymphocyte mature au rapport cytoplasmique élevé exprimant CD5, CD23 et les immunoglobulines IgM et IgD. En se basant sur ces caractéristiques cytologiques et phénotypiques, elle a longtemps été considérée comme dérivant d’un lymphocyte B naïf au repos. Les études génétiques et phénotypiques de ces dernières années ont bouleversé ce concept et démontré que la cellule de LLC n’est pas naïve. Jusqu’à 2005, on considérait que le mécanisme principal de l’accumulation du clone leucémique était le défaut d’apoptose. En effet, les cellules de LLC-B présentent un profil moléculaire de cellules résistantes à l’apoptose comme l’atteste la surexpression des protéines anti-apoptotiques Bcl-2, Bcl-xl, Mcl-1 et la sous-expression des protéines pro-apoptotiques Bax et Bcl-xs. Comme pour d’autres aspects de la biologie LLC-B, la part du microenvironnement dans la survie des cellules leucémiques est incontestable [44]. Tous les tests de prolifération réalisés sur les cellules circulantes montrent la quasi-absence de cellules en cycle. Néanmoins, il avait déjà été montré qu’en dépit de leur non-prolifération apparente, l’existence de marqueurs de prolifération apparaissait comme l’un des facteurs pronostiques les plus solides. En 2005, les travaux de l’équipe de N Chiorrazzi ont montré que la prolifération était à la base de l’accumulation du clone. Il existe donc au sein du clone leucémique, une fraction de cellules prolifératives. Des études récentes ont montré que cette prolifération avait lieu de façon quasi exclusive au niveau ganglionnaire, expliquant ainsi la corrélation entre masses ganglionnaires et maladie progressive [11]. 6 III.1 Différenciation lymphoïde B : Les lymphocytes B (LB) sont produits et réarrangent leurs gènes codant pour les chaînes d’immunoglobulines (Ig) au niveau de la moelle hématopoïétique. Ils en sortent à l’état de LB naïf (figure 1). Une partie des LB naïfs recirculent par le sang dans les organes lymphoïdes secondaires (ganglions lymphatiques, rate, et tissu lymphoïde associé aux muqueuses) jusqu’à leur rencontre avec l’antigène. De là, ils prolifèrent et se transforment rapidement en cellules productrices d’anticorps ou bien ils augmentent leur affinité pour l’antigène par le biais des hypermutations somatiques et effectuent un switch de classe d’Ig dans le centre germinatif. Ils peuvent alors se transformer en LB mémoire ou en plasmocytes. D’autres LB naïfs rejoignent les zones marginales des organes lymphoïdes secondaires et donneront lieu à une production rapide d’IgM en cas de stimulation par des bactéries encapsulées. 7 Figure 1 : Différenciation des lymphocytes B 

 La signalisation B normale 

Le devenir des cellules B normales est déterminé par leur exposition à l’antigène. Celle-ci met en jeu le récepteur á l’antigène des cellules B (BCR) qui est centré sur une immunoglobuline formée d’une partie constante et d’une partie variable, formées de différentes combinaisons de segments V, D, J pour la chaîne lourde et V et J pour la chaîne légère. Ces différentes combinaisons constituent le répertoire qui permet aux cellules B de répondre à un très grand nombre d’antigènes. Les cellules B matures naïves arrivent dans le centre germinatif, dans lequel elles sont exposées aux antigènes par l’intermédiaire de cellules présentatrices, en présence de cellules T, provoquant ainsi une prolifération de 8 ces cellules B (figure 2). L’acquisition des mutations somatiques dans les chaînes des immunoglobulines augmente leur diversité et leur affinité pour l’antigéne reconnu puis un switch de classe. Les lymphocytes B deviennent alors soit des plasmocytes capables de sécréter des anticorps, soit des cellules B mémoires.

Origine de la cellule leucémique

 Les étapes de la transformation d’un lymphocyte B normal en cellule leucémique de LLC restent inconnues, mais représentent un champ d’exploration majeur dans la compréhension de cette hémopathie, et, potentiellement dans sa prise en charge thérapeutique. La cellule de LLC se présente comme un petit lymphocyte mûr au rapport nucléocytoplasmique élevé exprimant CD5, CD23 et les immunoglobulines (Ig) M et D. Elle a longtemps été considérée comme dérivant d’un lymphocyte B naïf au repos. Les études génétiques et phénotypiques de ces dernières années ont bouleversé ce concept et démontré que la cellule de LLC n’est pas toujours naïve. La rencontre avec l’antigène est un évènement majeur dans le développement d’un lymphocyte B. Cette étape se déroule dans le centre germinatif et conduit après costimulation par le lymphocyte T à deux modifications principales du récepteur B (BCR) : l’acquisition de mutations somatiques au niveau des régions variables des gènes des immunoglobulines (IgVH), le switch des immunoglobulines conduisant à l’expression d’IgG, IgA ou IgE. En cas de contact avec un antigène « T indépendant », ces étapes de maturation se produisent en dehors des centres germinatifs au niveau des zones marginales, sans switch des immunoglobulines et avec ou sans mutations somatiques. 9 Dans la LLC, la dualité du statut mutationnel des IgVH n’a pas permis de conclure sur l’origine cellulaire de cette hémopathie. Parallèlement à sa forte valeur pronostique, ce résultat suggère l’existence de deux entités nosologiques distinctes au sein de la LLC. Le profil d’expression génique « unique », commun aux deux « souspopulations » mutée et non mutée, infirme cette hypothèse. La cellule de LLC ressemble à un lymphocyte B mémoire, mais diffère du lymphocyte B naïf, du lymphocyte B CD5+, du centrocyte et du centroblaste de centre germinatif. Enfin, d’autres éléments, phénotypiques ou moléculaires, plaident contre le caractère naïf du lymphocyte de LLC. Le phénotype CD23+, CD25+, CD69+, CD71+, CD38+, Zap 70+, CD22- /dim, FcgRIIb-/dim, CD79b-/dim, IgD-/dim est celui d’un lymphocyte B stimulé par l’antigène, avec en particulier, l’expression constante du marqueur B mémoire CD27. Une expression différentielle de CD71 et de CD69 dans les LLC « mutées » et « non mutées » respectivement, qui pourrait correspondre à une stimulation antigénique récente voire toujours « active » dans les LLC non mutées, alors que celle-ci serait « révolue » dans les cas de LLC mutées. Le répertoire B est restreint dans la LLC aussi bien mutée que non mutée, avec une utilisation préférentielle de certaines régions variables. La majorité des cellules de LLC produisent des anticorps poly réactifs ; la plupart des LLC non mutées expriment des auto anticorps hautement poly réactifs, contrairement aux LLC mutées. Ces deux formes de LLC dériveraient donc d’un précurseur B auto réactif commun. La survenue de mutations somatiques, en modifiant l’affinité du BCR leucémique pour l’auto antigène bouleverserait l’évolution ultérieure de la maladie. 10 III.4. Rôle prépondérant de l’exposition à l’antigène dans la LLC : Le rôle de l’exposition à un antigène dans la sélection du clone leucémique est étayé par plusieurs faits. Dans la LLC, concernant l’existence de mutations somatiques, deux groupes se distinguent : – un groupe de patients dont les gènes IGHV n’ont pas acquis de mutations somatiques, – un groupe dans lequel les gènes IGHV ont acquis ces mutations. Ces deux groupes se sont avérés de pronostic extrêmement différent, les patients avec les gènes IGHV mutés ayant une forme de la maladie le plus souvent peu évolutive, et les patients avec absence de mutations somatiques des gènes IGHV, une maladie agressive (Figure 3). Figure 2: Rôle de la simulation d’antigène dans la LLC, d’après Chiorazzi et coll [44]. Les cellules B des patients qui ont des marqueurs pronostiques défavorables (à gauche de la figure 2) sont stimulées par des antigènes au niveau du BCR. La balance dynamique des signaux positifs et négatifs délivrés par le récepteur B et des signaux de survie transduits par l’IgD et délivrés par d’autres cellules, des cytokines et des chimiokines, va déterminer si la cellule leucémique prolifère ou entre en apoptose. Les cellules B des patients avec LLC qui ont des marqueurs pronostiques favorables (à droite de la figure) sont moins capables de déclencher l’apoptose, la survie et la prolifération, car elles présentent une incapacité soit à lier l’antigène en raison de changements au niveau du BCR, conséquences de mutations du domaine VH de l’IG, soit d’un défaut de transmission du signal par ce récepteur. Néanmoins, avec ou sans mutations somatiques, les cellules de LLC ont toutes un phénotype de cellules mémoires. Les cellules avec IGHV non mutées ayant rencontré l’antigène de façon T indépendante à l’extérieur des centres germinatifs, avec des expositions répétées de faible intensité. Ces constatations ont abouti à la recherche d’antigènes responsables, et ont permis de montrer que les cellules avec IGHV non mutées répondaient á des antigénes polyspécifiques non protéiques ou des autoantigènes. L’étude des immunoglobulines centrant le BCR a permis de constater que le répertoire est très restreint avec l’utilisation de quelques dizaines de VH seulement, et des régions hypervariables CDR3 stéréotypés dans 20 % des LLC. Jusqu’à 1 % des BCR analysés sont identiques bien que les possibilités offertes par les mécanismes de diversité se chiffrent en milliards. Enfin, les travaux de cartographies transcriptomales ont mis en évidence une expression génique spécifique des cellules B de LLC, différente de celle des autres pathologies B et des cellules normales, et ceci, indépendamment du processus de mutations somatiques et de l’expérience antigénique des cellules. Ces études ont, de plus, montré que les gènes dont l’expression est la plus différentielle entre les formes mutées ou non sont ceux activés au cours de la 12 réponse au BCR. Ce résultat laisse entrevoir le rôle majeur joué par la stimulation antigénique dans l’évolutivité de la maladie. L’analyse transcriptomale a également révélé la surexpression de plusieurs protéines tyrosine kinases essentielles à la signalisation du BCR dont la kinase Zap-70 [9]. La ZAP-70 est le second membre de la famille des tyrosine kinases Syk, dont l’expression est préférentiellement retrouvée dans les cellules T et les natural killer (NK) et ne semble pas être détectée dans les cellules B matures. L’expression de Zap-70 a une forte valeur pronostique. Son expression est corrélée à l’absence de mutations somatiques, et donc aux cas de plus mauvais pronostic. Plusieurs travaux ont aussi montré que Zap-70 peut moduler la signalisation du BCR

Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE BIBLIOGRAPHIQUE
I. Définition
II. Epidémiologie
III. Physiopathologie de la LLC
III.1. Différenciation lymphoïde B
III.2. La signalisation B normale
III.3. Origine de la cellule leucémique
III.4. Rôle prépondérant de l’exposition à l’antigène dans la LLC
III.5. Rôle du microenvironnement
III.6. Les anomalies cytogénétiques
IV. Diagnostic de la leucémie lymphoïde chronique
IV.1. Diagnostic clinique
IV.2. Diagnostic biologique
IV.2.1. Examen du frottis sanguin
IV.2.2. Examen par cytométrie en flux
V. Facteurs pronostiques
V.1. Paramètres anatomo-cliniques
V.2. Expression des marqueurs CD38 et ZAP 70
V.3. Anomalies cytogénétiques
V.4. Marqueurs sériques
VI. Traitement de la LLC
VI.1. Traitement de première ligne
VI.2. Traitement de la rechute
DEUXIEME PARTIE : TRAVAIL PERSONNEL
II-METHODOLOGIE
1. Objectif général
2. Objectifs spécifique
3. Type et période d’étude
4. Cadre d’étude
5. Critères d’inclusions
6. Population d’étude
7. Collecte des données et des prélèvements
8. Paramètres étudiés
9. Méthodes d’analyses
10.Méthodes statistiques utilisées
II-RESULTATS
1. Données épidémiologiques
2. Données cliniques
3. Données biologiques
4. Résultats analytiques
III-DISCUSSION
CONCLUSION
REFERENCES

 

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