L’évaluation de la douleur chez la personne âgée atteinte de démence

Lorsqu’est venu le temps de choisir un thème et après avoir partagé nos différentes expériences professionnelles, nous nous sommes très vite orientées sur la problématique de la douleur. Après de multiples réflexions, nous avons trouvé le sujet qui nous passionne et dont nous voulions trouver des réponses et stratégies pour notre pratique future.

Nous avons toutes trois rencontré de multiples situations où nous avions un doute quant à la présence de douleur chez une personne âgée atteinte de démence sévère. Nous avons également pu observer la même incertitude chez nos collègues qui cherchaient des stratégies pour y remédier. Il nous parait important, au premier abord, de trouver des moyens efficaces pouvant faciliter l’évaluation de la douleur chez cette population fragile. Lors de notre dernier stage, nous avons pu questionner les praticiens qui gravitent autour du patient. Tous nous ont révélé avoir de la difficulté à évaluer la douleur chez les personnes âgées ayant des troubles cognitifs.

Argumentation de la pertinence de la question et intérêt pour la profession d’infirmière 

La complexité de ce thème, nous est apparue lors de nos expériences professionnelles. Toutefois nous avons découvert que dans la littérature, elle a été constatée également par divers soignants et contextes.

Selon Monroe, Parish et Mion (2015), les infirmières associent certaines manifestations à de la fatigue ou à un symptôme comportemental et psychologique de la démence, ce qui entraîne un manque d’évaluation de la douleur. La personne reste alors inconfortable durant une plus longue période que si elle avait pu s’exprimer ou si une évaluation spécifique avait été́ mise en place (Voyer, 2006).

Plusieurs études récentes ont montré que les troubles cognitifs sont, comme l’âge, un facteur de risque indépendant pour recevoir un traitement antalgique inadéquat par rapport à l’intensité des douleurs (Hwang, Richardson, Sonuyi et Morrison, 2006). De ce fait, chez les personnes démentes, la douleur risque d’être sous diagnostiquée et, par conséquent, sous-traitée. La principale cause de ce phénomène vient des difficultés de mise en évidence de la douleur chez cette population vulnérable. De plus, selon Leclair (2004), les troubles cognitifs engendrent des difficultés de compréhension, de conceptualisation et de communication, ainsi qu’une incapacité à utiliser les mécanismes de défense nécessaires pour intégrer et comprendre la souffrance ressentie. Indépendamment de la présence de troubles cognitifs, la douleur reste fréquemment rencontrée du fait des pathologies récurrentes qui en sont responsables dans cette tranche d’âge (Brugnolli, 2007). Ces éléments nous démontrent une partie des difficultés que représente l’évaluation de la douleur chez cette population.

Selon Smeltzer, Brunner, Suddarth, Longpré et Pilote (2011), l’infirmière a un rôle important dans l’évaluation de la douleur, dans l’élaboration de stratégies efficaces pour la soulager et dans la mesure de l’efficacité de ces stratégies. Étant en première ligne, en contact permanent avec les patients, nous devons nous efforcer de reconnaître, d’évaluer et de documenter cette douleur. Notre rôle propre en tant qu’infirmière consiste aussi à aider les patients à atteindre un degré optimal de confort.

Nous sommes d’avis que les personnes âgées demandent des soins spécifiques. Il va sans dire que notre profession doit se préparer à la prise en soins de cette population de manière optimale. Nous pensons que ce travail peut être une partie de cette préparation pour notre pratique future.

Suite à nos recherches, à nos connaissances actuelles et à nos interviews informelles , nous avons pu orienter de manière précise notre problématique en lien avec nos motivations et les besoins du terrain.

Intérêt pour le système socio-sanitaire 

Outre la problématique actuelle liée aux difficultés de cette évaluation, nous avons réfléchi à l’avenir de la profession et de cette population. L’Office fédéral de la statistique (OFS, 2006) nous renseigne sur l’ampleur de la situation. En effet, « la pyramide des âges s’est considérablement modifiée au cours du 20e siècle. La proportion […] des personnes âgées (plus de 64 ans) a progressé de 5,8% à 17,8%. L’augmentation est particulièrement marquée (de 0,5% à 5,0%) pour les personnes du quatrième âge (80 ans ou plus). […] Il se poursuivra au cours du 21e siècle. La part des personnes de 65 ans ou plus devrait passer de 18% (2015) à environ 26% en 2045 ».

L’Association Alzheimer Suisse (2015) estime que « 8% des plus de 65 ans et 30% des plus de 90 ans sont atteints d’Alzheimer ou d’une autre forme de démence. Sur la base de l’évolution démographique, la Suisse comptera environ 200’000 personnes vivant avec une démence en 2030, et 300’000 en 2050 ». Nous pouvons aisément imaginer que la difficulté d’évaluer la douleur chez les personnes âgées atteintes de démence va augmenter proportionnellement à l’augmentation de la population et de la prévalence de la démence.

Cette évolution aura naturellement un impact important sur les institutions médico-sociales et le coût de la santé en matière d’économie. Selon l’Office fédéral de la santé publique (OFSP, 2011), les coûts directs des démences se chiffrent à 3,9 milliards de francs, soit 6% de l’ensemble des dépenses du système de santé. En prenant en compte les dernières données présentées plus haut, les démences sont des maladies non négligeables du point de vue économique.

Cependant, l’OFSP (2011) indique qu’en appliquant des mesures adéquates comme des interventions précoces et une meilleure formation du personnel professionnel, nous pouvons améliorer, non seulement la qualité de la prise en charge, mais également contribuer à réduire les coûts globaux. En restant dans cette optique, nous estimons que l’évaluation de la douleur et un traitement adéquat peuvent contribuer à l’amélioration du confort et de la qualité de vie de la personne, mais également à un meilleur maintien de la maladie, évitant ainsi une augmentation des coûts de la santé.

Table des matières

Introduction
2. Question de recherche et problématique
2.1. Contexte et origine de la question
2.2. Argumentation de la pertinence de la question et intérêt pour la profession infirmière
2.3. Elaboration de la question
2.4. Intérêt pour le système socio-sanitaire
2.5. Concepts
2.5.1. Personne âgée
2.5.2. Douleur
2.5.2.1. Douleur chronique chez la personne âgée
2.5.3. Démence
2.5.4. Confort
2.5.5. Théorie du confort de Kolcaba
3. Méthodologie
3.1. Cross-referencing
3.2. Autres recherches d’informations
4. Articles retenus
5. Comparaison des articles
5.1. Analyse critique des articles
5.2. Tableau de comparaison des résultats
6. Discussion des résultats
6.1. Rôle et connaissances infirmières
6.2. Théorie du confort
6.3. Proches et famille
6.4. Auto-évaluation et indicateurs comportementaux
6.5. Evaluation générale de la douleur chez la personne âgée atteinte de démence
6.6. Différents outils et recommandations pour la pratique
6.7. Limites
Conclusion

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