Structures extra-embryonnaires et défenses de l’œuf au cours du développement

Structures extra-embryonnaires et défenses de l’œuf au cours du développement

Les mécanismes de défense adaptatifs de l’embryon deviennent fonctionnels seulement au cours des premières semaines suivant l’éclosion (Fellah et al., 2008). En effet, lors du développement embryonnaire, les organes primaires (bourse de Fabricius, thymus) et secondaires (rate, intestin, etc.) du système immunitaire se forment, mais aucun anticorps n’est sécrété. Les lymphocytes matures capables de sécréter des Igs ne sont détectés chez le poussin que six jours après l’éclosion (Kowalczyk et al., 1985). Par conséquent, avant l’éclosion, les IgY, A et M présentes dans l’œuf proviennent uniquement de la mère : les IgY du jaune servent à défendre l’embryon pendant et après l’éclosion, à l’instar des Igs du colostrum et du lait maternel chez les espèces vivipares ; les IgA et M contenues dans le blanc sont absorbées par l’embryon au cours de l’incubation, et mises en contact avec la muqueuse intestinale. En parallèle, de nouvelles structures de défense de l’embryon se mettent en place rapidement au cours de l’incubation. L’épithélium de l’embryon constitue une première barrière physique pour les pathogènes, alors que les cellules immunitaires telles que les macrophages entrent en action à ED12 et ED16 dans le foie et les reins (Qureshi et al., 2000). Ces cellules immunitaires sont également retrouvées au niveau des membranes extraembryonnaires, et notamment à la surface de la membrane chorioallantoïque (Valdes et al., 2002). Le rôle exact de ces structures extra-embryonnaires dans la défense de l’embryon n’a jamais été étudié. Leur position stratégique autour de l’embryon et leur rôle dans l’assimilation des composés de la coquille, du jaune et du blanc, en font cependant des compartiments de choix pour la relocalisation des défenses moléculaires initialement présentes dans l’œuf, et pour la mise en place de nouveaux systèmes de défense (Figure 22). 

Les membranes extra-embryonnaires

 L’apparition des membranes extra-embryonnaires au début de l’incubation ajoute un niveau supplémentaire dans la défense de l’œuf et de l’embryon : la membrane chorioallantoïque enveloppe la totalité des structures internes de l’œuf, la membrane amniotique isole l’embryon des autres compartiments, et le sac vitellin entoure le jaune d’œuf. 

La membrane chorioallantoïque, la deuxième barrière après la coquille

 La membrane chorioallantoïque recouvre l’ensemble des structures de l’œuf à partir d’ED11-12 (Gabrielli et Accili, 2010). Son épithélium étant en contact direct avec les membranes coquillières, il s’agit de la deuxième barrière physique observée dans l’œuf après la coquille au cours du développement (Figure 22). Cette position stratégique permet aux cellules de l’immunité innée d’agir localement, en cas de pénétration bactérienne à travers la coquille. En effet, une infection bactérienne simulée par un dépôt de lipopolysaccharide (composant essentiel des membranes des bactéries gram négatives) directement sur la membrane chorioallantoïque, induit une réponse inflammatoire importante sur la zone du dépôt (Valdes et al., 2002). Un certain nombre d’hétérophiles et de monocytes sont ainsi recrutés sur le site de l’infection. En outre, la membrane chorioallantoïque fut le premier tissu à révéler la présence et l’action de l’interféron gamma, suite à une infection virale (Isaacs et Lindenmann, 1988). L’analyse du protéome de la membrane par spectrométrie de masse à ED19 a mené, entre autres, à l’identification de deux protéines bactériostatiques, TF et RBP (protéine liant la 59 riboflavine) (Cordeiro et Hincke, 2016), potentiellement exprimées par la membrane ou transitant via la circulation sanguine. Du fait de leur proximité, il est probable que d’autres protéines du blanc ou de la coquille soient retrouvées dans la membrane, d’autant plus qu’il a été démontré chez la caille que la membrane chorioallantoïque pouvait endocyter de grandes quantités de blanc d’œuf (Yoshizaki et al., 2002). Des analyses plus poussées de protéomique et de transcriptomique permettraient de mieux comprendre les mécanismes de défense mis en place au sein de cette membrane pour protéger l’œuf des pathogènes. 

Le sac vitellin remplace la membrane vitelline 

Au cours de l’incubation, la structure cellulaire du sac vitellin remplace progressivement la membrane vitelline (Yoshizaki et al., 2000), formant ainsi une nouvelle barrière. Globalement, le sac vitellin ne semble pas impliqué dans la défense active de l’œuf. L’analyse de son transcriptome a révélé qu’il synthétisait de nombreuses protéines du métabolisme lipidique (voir section A2.1), mais aucun effecteur antibactérien (Yadgary et al., 2014). Cependant, le sac vitellin sert de support pour les cellules du système immunitaire inné, dont les monocytes et les macrophages, qui sont retrouvés au niveau du sac à ED10 et 12 respectivement (Marga Janse et Jeurissen, 1991).

Le sac amniotique entoure l’embryon

 La membrane amniotique représente le dernier rempart physique avant l’embryon. Elle possède peu de cellules au départ, mais elle se complexifie avec l’apparition de cellules épithéliales à sa surface, ainsi que d’une matrice fibreuse qui semble renforcer la structure (Romanoff, 1960). Cependant, à partir d’ED14, la membrane ne croît plus, et donc pour supporter la croissance de l’embryon, elle est étirée, ce qui peut la fragiliser. Même si la structure des cellules de l’amnios a été longuement détaillée (Romanoff, 1960), peu d’informations apparaissent dans la littérature sur sa composition et ses propriétés. 

Les fluides extra-embryonnaires amniotique et allantoïque 

Lors de la première moitié de l’incubation, l’eau contenue dans le blanc est redirigée vers les compartiments extra-embryonnaires (Figure 23). Elle transite par le jaune avant d’être transférée vers les sacs amniotique et allantoïque pour former l’AmF et l’AlF (voir sections A2.2 et A2.3). A l’inverse, lors de la seconde moitié de l’incubation, ces fluides vont être 60 réabsorbés directement ou indirectement par l’embryon, pour supporter l’accélération de son métabolisme lors de la phase de croissance (Baggott, 2001; Baggott et al., 2002; Latter et Baggott, 2002). Ces mouvements de fluide entre compartiments incluent des transferts de protéines du jaune et du blanc d’œuf, et donc potentiellement une redistribution des agents antibactériens initialement présents dans l’œuf.

Le potentiel antibactérien du fluide amniotique (AmF) 

La composition exacte de l’AmF n’est pas connue chez l’oiseau. Cependant, chez l’humain, l’analyse de son protéome a mené à l’identification de plus de 900 protéines (Cho et al., 2007), dont 25% sont prédites pour être impliquées dans la réponse immunitaire (Michaels et al., 2007). La question se pose donc concernant les propriétés et les fonctions des protéines de l’AmF chez la poule, d’autant plus que le transfert du blanc dans le sac amniotique à ED12 doit induire des changements importants précisément dans les propriétés antibactériennes du fluide.

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