L’influence de la méthodologie de la théorisation enracinée (MTE)

Notre premier contact avec la MTE s’est fait tardivement lors de notre participation au colloque du Réseau international francophone de la recherche qualitative (RIFREQ) à Montpellier en 2011, réunion au cours de laquelle le chercheur François Guillemette a fait une présentation de l’approche qu’il défend. Ce choix s’est confirmé uniquement en 2015, lorsque nous avons fait une rétrospective de nos étapes d’exploration et que nous avons lu le livre de Luckerhoff et Guillemette (2012) et le numéro de la revue Approches Inductives (2015) qui porte sur cette thématique, et dans laquelle les deux auteurs ont rédigé l’introduction. Avant cette date, nous utilisions certes une démarche de recherche qualitative, mais nous nous appuyions essentiellement sur un cadre praxéologique puis systémique de recherche .

– Praxéologique, car notre exploration se situait « dans et sur » la pratique de la dynamique relationnelle, la nôtre et celle de cochercheurs. Les auteurs de la science-action (Argyris, Putman, McLain et Smith, 1985; Argyris et Schön, 1978; Argyris, 1995), et de la praxéologie québécoise (Tessier et Tellier, 1991; Tessier, 1996; St Arnaud, 2003) étaient nos principales références.

– Systémique, car tout processus humain est complexe par nature. À ce moment-là, les auteurs de la théorie générale des systèmes (Bertalanffy, 1973; Durand, 1979; LeMoigne, 1977 et 2004) et de la complexité (Kakangu, 2007; Morin, 1977, 1980, 1986, 1990, 1991, 1995, 2001, 2004, 2006) se sont révélés nécessaires pour comprendre les premiers phénomènes récursifs compris dans la manière dont nos cochercheurs autorégulaient leur dynamique relationnelle.

Les quatre principes de base de la MTE définis par Guillemette et
Luckerhoff (2015) 

La MTE prend ses racines dans les travaux des chercheurs Glasser et Strauss en 1967 qui, du côté anglophone, la nomment la « Grounded Theory ». Toutefois, au Québec, Luckerhoff et Guillemette (2012) vont préférer utiliser le terme « enracinée » à la place de « Grounded » pour montrer comment la recherche doit s’appuyer avant tout sur l’observation de la pratique et son analyse par codages successifs. Guillemette et Luckerhoff (2015) vont identifier quatre principes fondamentaux de toute recherche qui se revendique de la MTE.

Le premier est la traçabilité des réflexions. En ce sens, ils indiquent que la MTE n’est pas juste une méthode d’analyse, mais bien une approche générale de recherche, c’est-à-dire une « façon de faire de la recherche » (p. 4) qui renverse l’ordre habituel d’une logique hypothético-déductive à partir de ce qui va émerger de nos réflexions.

Le deuxième principe est la manière de coder nos réflexions. Ils précisent que ce codage peut se faire sous différentes formes et outils de la recherche inductive. Dans notre thèse, nous les nommerons catégories, regroupements ou unités.

Le troisième principe est la capacité de théoriser sur les réflexions recueillies, c’est àdire que la MTE n’est pas qu’une cueillette de réflexions. Elle doit amener le chercheur à élaborer ses concepts à partir de réflexions recueillies au fur et à mesure de sa démarche et non le contraire. Guillemette et Luckerhoff précisent même que les pères de la Grounded Theory conseillaient de ne pas faire de revue de littérature avant de commencer sa démarche, mais de la construire au fur et à mesure de l’avancée des découvertes afin d’éviter des « préconceptions ou des précompréhensions » (p. 6). De plus, cette compréhension et l’élaboration d’une théorie originale doivent se construire par couches successives jusqu’à une saturation théorique.

La saturation théorique constitue le quatrième principe de la MTE et se termine par un « sentiment de complétude » (p. 6) du chercheur, lorsque ce dernier constate que son chemin d’exploration arrive à la fin de sa logique inductive sans toutefois la clore, puisque « son rapport reste toujours provisoire » (p. 6).

Comme le soulignent Prévost et Roy (2015, p. 189), «la validité des approches qualitatives se vérifie par sa capacité à produire une réponse adéquate à une problématique clairement définie ». La fidélité et la validité s’expriment différemment de celles d’une recherche reposant sur un test d’hypothèse classique. Toujours selon ces auteurs, « la validité repose notamment ici sur la rigueur méthodologique et sur la transparence du chercheur par rapport au processus analytique qu’elle sous-tend» (Prévost et Roy, 2015, p. 189) ou un ajustement constant à ce qui se passe dans la réalité. Dans notre recherche, c’est ce type de validité que nous recherchons.

Table des matières

INTRODUCTION
Les fondements de notre recherche heuristique
Premier stimulus heuristique : l’écriture de notre récit de vie
Deuxième stimulus heuristique : l’expérience de la relation en milieu universitaire
Troisième stimulus heuristique : la relation virtuelle avec des auteurs
La composante du parcours identitaire
La composante des convictions sur la relation
L’émergence de notre question de recherche
Les chapitres de la thèse
CHAPITRE 1 : NOS CADRES SCIENTIFIQUES DE RÉFÉRENCE, NOS OUTILS
DE RECHERCHE
1.1 Le choix d’une démarche heuristique – Partir de nous et revenir à nous
1.2 L’influence de la méthodologie de la théorisation enracinée (MTE)
1.2.1 Les quatre principes de base de la MTE définis par Guillemette et
Luckerhoff (2015)
1.3 La démarche collaborative, les outils de cueillette des réflexions
1.3.1 L’approche collaborative
1.3.2 Le choix de nos cochercheurs
1.3.3 La confidentialité et les règles de citations des réflexions
1.4 Les outils de cueillette de réflexions
1.4.1 Le journal de bord du chercheur principal
1.4.2 Les récits de pratique
1.4.3 Les cercles de dialogue
1.4.4 Les comptes rendus exhaustifs des rencontres avec les cochercheurs
Conclusion
CHAPITRE 2 : INTERPRÉTATION DES PREMIÈRES RÉFLEXIONS SUR LA
DYNAMIQUE RELATIONNELLE DE NOS COCHERCHEURS
2.1. Les rencontres de suivi en triade sur la première version des récits de
pratique
2.1.1 L’écriture de la seconde version du récit de pratique
2.1.2 Notre première lecture des récits de pratique
2.2 L’émergence des regroupements réflexifs (RR)
2.2.1 Le premier regroupement de réflexions – Le livre
2.2.2 Le deuxième regroupement de réflexions – Le mentor
2.2.3 Le troisième regroupement de réflexions – L’épreuve
2.2.4 Le quatrième regroupement de réflexions – La finalité du métier de
professeur
2.2.5 Le cinquième regroupement de réflexions – La capacité métacognitive
2.2.6 Les sixième et septième regroupements – La solitude et la sensibilité
relationnelle
2.2.7 L’exploration des deux derniers RR à partir des cercles de dialogue
2.3 Les limites du premier classement des regroupements de réflexions (RR)
2.3.1 La rencontre de validation avec nos cochercheurs
Conclusion
CHAPITRE 3 : ANALYSE DES MOUVEMENTS RÉFLEXIFS (MR) SUR LA
DYNAMIQUE RELATIONNELLE DE NOS COCHERCHEURS
3.1 Au cœur de la complexité du fonctionnement de la dynamique relationnelle
3.2 Retour sur la notion de « mouvement »
3.2.1 L’axe du temps
3.2.2 L’axe de l’attention et de la conscience réflexive
3.2.3 L’axe de la finalité fonctionnelle et de la finalité d’ensemble
3.2.5 Les processus déclencheurs des mouvements réflexifs d’autorégulation..
3.2.5.1 La prise de conscience
3.2.5.2 La capacité de « prise de recul » sur une situation
3.2.5.3 La capacité de recadrage
3.3 Les six mouvements réflexifs (MR) à la base des stratégies
d’autorégulation de la dynamique relationnelle
3.3.1 Premier mouvement réflexif (MR) : de l’individu au contexte et du
contexte à l’individu
3.3.1.1 L’événement
3.3.1.2 Le contexte
3.3.1.3 Les environnements relationnels du contexte
3.3.2 Deuxième mouvement réflexif sur la gestion des environnements
relationnels
3.3.2.1 La transition et le changement de voie
3.3.3 Troisième mouvement réflexif lié au degré d’organisation
3.3.3.1 La notion d’équilibre
3.3.3.2 Le saut réflexif
3.3.4 Quatrième mouvement réflexif, qui va du visible au caché et du caché
au visible
3.3.4.1 La face visible et les composantes identifiées
3.3.4.1.1 L’urgence
3.3.4.1.2 Le volume de travail
3.3.4.1.3 L’excellence
3.3.4.1.4 L’indépendance de pensée
3.3.4.1.5 L’ego
3.3.4.1.6 La générativité
3.3.4.2 La face cachée et les composantes identifiées
3.3.4.2.1 Le don de soi
3.3.4.2.2 La compassion
3.3.4.2.3 La peur
3.3.4.2.4 La solitude que l’on doit apprivoiser
3.3.4.2.5 Le doute relationnel
3.3.4.2.6 La violence relationnelle
3.3.5 Cinquième mouvement réflexif du pratique au théorique et du théorique
au pratique
3.3.5.1 L’émotivité et les niveaux de savoirs
3.3.5.2 Les modèles théoriques et la relation au pouvoir
3.3.5.3 Les modèles théoriques servant à la pratique
3.3.5.4 Les modèles théoriques par observation ou mimétisme
3.3.5.5 Les modèles théoriques inventés à partir de la pratique
3.3.6 Sixième mouvement réflexif sur les finalités de la dynamique relationnelle
3.3.6.1 Vivre les finalités fonctionnelles
3.3.6.2 Construire les finalités structurelles
3.3.6.3 Un essai de prospective
3.3.6.4 Une démarche complexe de retour sur soi
Conclusion
CHAPITRE 4 : CONCLUSION

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