L’influence des réseaux sociaux d’entreprise sur les façons de travailler

L’influence des réseaux sociaux d’entreprise sur les
façons de travailler

Application de la collaboration sociale chez Atos 

L’initiative « Zéro Email » 

Un message public de Thierry Breton, P-DG d’Atos, annonçait en février 2011 la transformation  radicale à venir pour Atos : « Nous produisons des données à très grande échelle qui polluent  L’influence des réseaux sociaux d’entreprise sur les façons de travailler rapidement notre environnement de travail et empiètent sur notre vie personnelle. Chez Atos, nous mettons en place des actions pour renverser cette tendance, de même que les entreprises ont pris des mesures pour réduire la pollution de l’environnement après la révolution industrielle. Notre ambition est d’être une entreprise avec zéro e-mail dans les trois ans ».Ce changement n’allait pas se faire d’un coup de baguette magique et le courrier électronique n’allait pas disparaitre totalement. Mais l’impulsion était donnée pour une transformation des manières de travailler, de communiquer et d’échanger des informations. Cette initiative découle du constat que l’usage de l’email a été détourné de son but initial – la lettre sans papier, dématérialisée – grâce à sa facilité technique : p.ex. il est ainsi très facile de sauvegarder dans un petit cercle de personnes de l’information qui devrait être sauvegardée autrement dans un système spécifique d’archivage, ou de mettre en copie des personnes qui ne sont pas destinées à agir mais « pour information » ou simplement pour se faire bien voir de ses supérieurs hiérarchiques ou « se couvrir ». Dans une document interne à Atos de 20147, il est exposé un nouvel outil d’analyse de messagerie électronique : le « Inbox Checkup ». Le principe est simple : les entreprises et personnes volontaires donnent accès à Atos à leur boite électronique, et cet outil va scanner l’activité de cette messagerie sur les 100 derniers jours. Huit champs seront mesurés : nombre de messages reçus, nombre de messages envoyés, taux de réponse, délai de réponse moyen, pourcentage de messages marqués « Important », nombre moyen de messages par conversation, nombre d’étiquettes sur les courriels, et nombre de contacts. 5000 personnes ont mis à disposition leur messagerie professionnelle et personnelle. Cinq faits marquants ressortent de cette analyse : )D Ces personnes reçoivent en moyenne 42 courriels par jours (soit 4 par heure de travail). Les 10% qui en reçoivent le plus doivent compter avec plus de 100 courriels par jour (soit un courriel toute les six minutes durant leurs heures de travail), et le top 1% reçoit 880 emails par jour. ED Le trafic sur la messagerie professionnelle est deux fois plus élevé que sur la messagerie personnelle, ce qui est probablement dû au fait que les communications personnelles se font de plus en plus à travers les réseaux sociaux (p.ex. Facebook) que par courriel. <D Le temps de réponse à un courriel est en moyenne de 27 heures. Sur une messagerie partagée, le temps de réponse est de 33 heures. : Original en anglais publié le 07/02/2011, cité par David BURKUS sur le site Internet Inc, le 26/07/2017, : « What we learned from analyzing 5,000 email inboxes », message sur le RSE d’Atos blueKiwi de Chloe BEERTEN, Marketing Manager, le 28/10/2014. 

L’influence des réseaux sociaux d’entreprise sur les façons de travailler Olivier Laruaz-Gaillard 10 / 61 7D Les femmes reçoivent moitié plus de courriels que les hommes, autant sont marqués importants (53% contre 54%) mais le taux de réponse des femmes est légèrement supérieur à celui des hommes : 15% contre 13%. +D Parmi les 100 plus grands utilisateurs d’email de cet échantillon, ceux qui reçoivent le plus d’email d’un plus grand nombre de contacts sont ceux qui répondent le plus et le plus vite,preuve qu’il est possible d’avoir de vraies conversations par email avec de l’organisation (ces personnes sont celles aussi qui utilisent le plus les étiquettes).

Des solutions pour changer les comportements et diminuer l’usage du courrier électronique ont eu un succès limité : davantage de rencontres physiques, de conversations téléphoniques, d’usage de la messagerie instantanée Lync/Skype, d’usage des dossiers partagés sur le réseau d’archivage informatique (de type Sharepoint). Le déploiement du premier RSE chez Atos en 2012 a permis un changement radical. En outre, l’arrivée sur le marché du travail, à partir des années 2010, d’une génération de salariés « digital natives », c’est-à-dire nés ou ayant grandi avec les technologies de l’information et de la communication (TIC) comme les ordinateurs, les téléphones portables et les réseaux sociaux, a bousculé les habitudes de travail des autres générations. Ces nouveaux collaborateurs sont habitués à avoir accès aux informations qui les intéressent ou dont ils ont besoin à travers différents canaux et ceci 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 – et ils s’attendent à disposer de la même facilité au travail. Ce fait ne peut être ignoré par les entreprises, au contraire : en incorporant ces nouveaux outils dans leurs façons de travailler, celles-ci peuvent en tirer des avantages concurrentiels en terme de temps de réaction et par là de compétitivité. 2. Le développement des réseaux sociaux d’entreprise chez Atos Pour soutenir son initiative Zéro Email lancée en 2011, Atos a acheté la start-up française blueKiwi en avril 20129 et a graduellement installé la dernière version de son logiciel « blueKiwi Zen » dans toutes ses filiales au troisième trimestre 2012. Les salariés d’Atos ont accès d’office à ce RSE. Leurs coordonnées internes de contact (adresse électronique au minimum) sont publiées, mettre une photo de soi sur sa page de contact est conseillé, les salariés peuvent aussi compléter leur curriculum vitae à discrétion pour mettre en valeur leurs expériences et compétences. Des communautés sont créées avec des droits d’accès variables : accès pour tous (par exemple Learning & Development, Communication France) ou accès restreint par projet ou sujet. De même la visibilité des pages peut-elle être publique ou restreinte.Les avantages de ce RSE pour Atos sont principalement :1) L’information ne se trouve plus dans des courriels dans des boites électroniques personnelles, où il peut être difficile de la retrouver notamment si le salarié quitte l’entreprise. L’information est maintenant partagée et n’est plus dépendante des particularités d’archivage d’un individu. 2) L’intégration de nouveaux arrivants dans l’entreprise et sur les projets est facilitée car ils ont accès immédiatement à tout l’historique publié. Tous les membres de la communauté peuvent lire les messages et documents échangés. Les téléconférences sont enregistrées automatiquement dans la communauté et disponible en rediffusion, pour ceux qui n’auraient pu y assister. 3) Chaque membre est visible par son CV mais aussi par les publications et contributions qu’il fait sur ses dossiers et ses communautés. Le temps de recherche de personnes adéquates pour certaines missions ou demandes commerciales, d’experts sur certains sujets, s’en trouve réduit et l’information plus pertinente (lieu de travail, langues parlées, expériences et compétences, etc.). La mise en contact de personnes qui ne se connaissaient pas est plus facile (développement de son propre réseau dans l’entreprise). Alors qu’en février 2011 chaque salarié d’Atos envoyait en moyenne 20 courriels par jour (100 par semaine), en février 2014 ce chiffre était tombé à 8 par jour. Les déplacements professionnels ont baissé de 15% et les couts des communications téléphoniques de 8% entre 2012 et 2013. Atos a aussi développé un modèle de certification de processus « Zéro Email », qui passe du niveau 1 « les emails sont nécessaires au bon déroulement de la procédure » au niveau 5 « l’exécution et la supervision des procédures ne contiennent aucune étape qui nécessite l’usage de l’email ». L’arrivée du nouveau RSE « Circuit », produit par Unify, une ancienne filiale de Siemens rachetée par Atos en novembre 2015, promet d’accroître la productivité des salariés en leur permettant d’accéder à leurs données depuis n’importe quel appareil relié à Internet (donc pas seulement de leur ordinateur professionnel mais aussi de leur ordinateur personnel ainsi que des tablettes et des téléphones connectés) et donnant une expérience d’usage similaire à celle que les salariés connaissent avec la technologie dans leur vie privée, avec des services informatiques faciles d’usage, intuitifs et intelligents. En plus des fonctions du RSE blueKiwi, Circuit inclut la fonction téléphonique, la téléconférence et la messagerie instantanée.

Ma problématique et mes hypothèses

En prenant Atos comme sujet d’étude, il m’a semblé intéressant, à travers mon expérience de stage et mes recherches, de vérifier si et comment la mise en place d’outils de collaboration sociale L’influence des réseaux sociaux d’entreprise sur les façons de travailler Olivier Laruaz-Gaillard 13 / 61 change les façons de travailler au siège d’une entreprise de services informatiques mondiale, notamment avec l’aide de moyens technologiques comme les réseaux sociaux d’entreprise, et comment cela est vécu et ressenti par les salariés. Ce que je peux résumer par: Au siège d’une entreprise mondiale de conseil et de services informatiques, les réseaux sociaux d’entreprise changent-ils les façons de travailler ? Après mes premières lectures et discussions informelles sur ce sujet, j’en suis venu à poser les hypothèses suivantes : • Hypothèse 1 : Les RSE s’inscrivent dans une vision du PDG Thierry Breton d’expérimentation technique et sociale chez Atos Quelle est la vision de Thierry Breton dans ses initiatives ? Qu’espère-t-il de cette transformation ? L’entreprise est-elle elle-même un laboratoire social ? Est-ce une opération de marketing, de communication ? Un suivi a-t-il été mis en place pour évaluer cette expérimentation ? • Hypothèse 2 : Les RSE sont des outils de transformation en profondeur de la façon de travailler dans l’entreprise visant à une plus grande efficacité et rentabilité L’usage des réseaux sociaux tel qu’il est pratiqué sur les réseaux privés (du type de Facebook) peut-il être transposé à l’entreprise ? Sont-ils efficaces pour mieux travailler ? Quels avantages procurent-ils ? Sont-ils détournés de leur objectif initial, voire contournés ou ignorés ? • Hypothèse 3 : Les RSE sont des outils de partage et de contrôle de l’information et du travail des salariés. Les RSE peuvent-ils constituer une vraie révolution managériale ou sont-ils un nouveau véhicule intelligent de partage mais aussi de contrôle de l’information qui circule entre les salariés et de contrôle de leur travail ? En m’appuyant sur la littérature académique pertinente et actuelle sur le sujet, je vais tenter de valider ou d’infirmer ces hypothèses dans le contexte de cette entreprise. À travers des entretiens avec des collaborateurs qui soit ont initié ou géré de près le déploiement des RSE chez Atos, soit sont collecteurs d’opinion des salariés par leur fonction de délégué du personnel, j’ai essayé de savoir ce qu’il en était en interrogeant des personnes qui pouvaient m’apporter des réponses sur le sujet : L’influence des réseaux sociaux d’entreprise sur les façons de travailler Olivier Laruaz-Gaillard 14 / 61 • Trois personnes qui avaient été en charge de la mise en œuvre des RSE ou leur animation chez Atos : o La directrice de la Communication Interne du Groupe ; o Le « Group Chief Change Officer », responsable en chef du changement au niveau du Groupe ; o Le « Head of Social Collaboration », directeur en charge de la collaboration sociale au niveau du Groupe (entretien par téléphone, en anglais) ; • Deux représentants du personnel et délégués syndicaux, de syndicats différents, qui m’ont exposé leurs points de vue sur le sujet à travers leurs expériences personnelles et les remontées de leurs adhérents ; • La responsable de la Mission Handicap (entretien par téléphone) : j’ai voulu savoir si ces nouveaux outils et nouvelles formes de travailler demandaient des adaptations pour ces publics particuliers. Afin de concentrer mon attention sur la personne que j’interrogeais et ce que nous nous disions, et pour me faciliter la prise de notes, j’ai demandé l’autorisation à chacune des personnes interrogées d’enregistrer notre conversation pour que je puisse la retranscrire plus tard. Certaines des personnes interrogées ont malheureusement refusé. J’ai aussi demandé à toutes si cet entretien devait rester sous le sceau de l’anonymat. Certaines personnes ont souhaité rester anonymes. Les noms n’étant pas importants pour cette recherche, j’ai décidé de garder l’anonymat pour tous les entretiens dans ce mémoire.

Table des matières

Introduction
A. Mon stage et l’entreprise
B. Comment j’ai trouvé ma problématique
C. Principes et théories de la collaboration sociale
D. Définition des réseaux sociaux d’entreprise
E. Application de la collaboration sociale chez Atos
F. Ma problématique et mes hypothèses
I. Les RSE s’inscrivent dans une vision du PDG Thierry Breton d’expérimentation
technique et sociale chez Atos
A. Le PDG d’Atos maintient l’entreprise dans une culture d’innovation et d’expérimentation permanente de nouvelles techniques et pratiques de travail
B. L’entreprise est un laboratoire grandeur nature des évolutions techniques  et managériales liées à la collaboration sociale et aux réseaux sociaux d’entreprise&
C. En cas de succès, les produits et services sont promus et vendus aux clients d’Atos
Conclusion de la Ière hypothèse »
II. Les RSE sont des outils de transformation en profondeur de la façon de travailler dans l’entreprise visant à une plus grande efficacité
A. Les RSE permettent de mieux communiquer et d’être plus efficace – sous certaines conditions
B. Les RSE permettent une centralisation et mutualisation des connaissances et des ressources
C. Les RSE constituent un marché des compétences internes où les salariés se mettent en valeur pour développer leur carrière
Conclusion de la IIe hypothèse
III. Les RSE sont des outils de partage et de contrôle de l’information et des salariés
A. Les flux de communication enregistrés dessinent indirectement une carte des réseaux dans l’entreprise
B. Les entreprises tentent de contrôler le travail réel à travers les RSE sans y parvenir
C. Les salariés ne participent que partiellement aux RSE$
Conclusion de la IIIe hypothèse
IV. Préconisations
Conclusion
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE : guide d’entretien générique
Résumé
Summary
L’influence des réseaux sociaux d’entreprise sur les façons de travailler
Olivier Laruaz-Gaillard
Mots-clés$&
Key words

projet fin d'etude

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