L’inscription des facteurs humains dans des processus d’expertise

L’inscription des facteurs humains dans des processus d’expertise

Au lendemain de l’accident de Three Mile Island, les institutions françaises de la sûreté nucléaire accueillent des spécialistes des facteurs humains. A l’Institut de protection et de sûreté nucléaire, une dizaine d’ingénieurs et ergonomes sont recrutés au sein du laboratoire d’étude du facteur humain, rattaché au département d’analyse de sûreté. Comment ces spécialistes se sont-ils « insérés » parmi les experts de l’institut, producteurs d’ « analyses de sûreté » relevant de disciplines dites techniques ? Quelles problématiques doivent-ils traiter ? Comment leur activité a-t-elle été organisée au sein des institutions du dialogue technique ? L’objet de ce chapitre est d’éclaircir ces questions, étape indispensable pour tenter de rendre compte convenablement de l’activité de ces spécialistes. Une analyse historique met en évidence un changement notable de leur positionnement au sein de l’institut et dans le cadre des échanges techniques qu’ils entretiennent avec les exploitants. Aujourd’hui, l’activité principale des spécialistes « facteurs humains » est la production d’expertises – d’abord appelées analyses puis évaluations [1.] Les institutions dans lesquelles s’inscrit cette activité ont évolué. L’accident de Tchernobyl marque le point de départ d’une « longue marche vers l’indépendance et la transparence » aboutissant à l’autonomie de l’institut d’expertise par rapport au Commissariat à l’énergie atomique et à la création d’une autorité administrative indépendante en charge de la sûreté nucléaire [2.] C’est dans ce contexte institutionnel que s’organisent les spécialistes « facteurs humains » pour produire leurs différents dossiers ; pour cela, ils collaborent avec d’autres experts de l’institut, mais aussi avec des représentants de l’Autorité de sûreté nucléaire [3.]

Généalogie des produits des spécialistes « facteurs humains » de l’institut

L’analyse rétrospective des travaux des spécialistes « facteurs humains » de l’institut fait apparaître une évolution fondamentale. A la suite de T.M.I., les spécialistes sont réunis dans un laboratoire. L’entité porte bien son nom puisque ses spécialistes réalisent principalement des études [1.1.] A partir de la fin des années 1980, sous l’impulsion de leur nouveau responsable, ils se consacreront désormais principalement à l’évaluation de sûreté. Ce changement important, notamment illustré par la transformation du « laboratoire » en « service », est davantage conforme aux missions principales du département auquel le service est rattaché [1.2.] Dès lors, trois types d’évaluation sont réalisés par les spécialistes « facteurs humains » ; ils constituent aujourd’hui encore les principaux produits du service [1.3.] Dans les années 1970, et notamment après la publication de l’étude de Norman Rasmussen, quelques ingénieurs s’étaient intéressés à l’analyse des erreurs humaines susceptibles de se produire pendant l’exploitation des centrales nucléaires. L’accident de T.M.I. servit alors de catalyseur ; l’analyse des incidents survenus au cours de l’exploitation des centrales nucléaires et dans lesquels le rôle des opérateurs était identifié comme une des principales causes, fut le premier type de dossiers auxquels se consacrèrent les spécialistes « facteurs humains ». Les analyses devaient notamment aboutir à la mise en oeuvre d’ « actions correctives » et accompagner la mise en place d’un dispositif d’apprentissage ; « le recensement systématique des erreurs précédemment survenues permet de mettre les plus fréquentes en évidence et de prendre des dispositions techniques, des consignes et de sensibiliser le personnel afin d’éviter le retour de ces erreurs à la fois sur l’installation concernée et sur les installations similaires. » (Houzé and Oury 1981)(421) [1.1.1.] permettaient par ailleurs de s’intéresser à des problématiques relativement variées par le biais d’études menées par les spécialistes « facteurs humains », dans les centrales nucléaires, mais aussi dans les laboratoires et les usines du cycle du combustible [1.1.2.] Enfin, ils contribuèrent à quelques « analyses de sûreté » produites au sein du département auquel ils étaient rattachés et qui aboutissaient à la formulation des recommandations discutées pendant les réunions des groupes permanents [1.1.3.] La participation à ces dossiers compliqua l’accès au « terrain », pourtant indispensable au recueil des données nécessaires aux analyses, comme aux études. Cette difficulté contribua à conduire les spécialistes « facteurs humains » de l’institut dans une impasse [1.1.4.]

 

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