L’insertion professionnelle au Québec

Un rapport sur l’insertion professionnelle au Québec, tutoriel & guide de travaux pratiques en pdf.

Vers l’atteinte de la liste de priorité

Les commissions scolaires ont bien sûr dressé des conditions nécessaires à l’atteinte de la liste de priorité comme son adhésion comporte des avantages non négligeables pour l’enseignant et des responsabilités importantes pour la commission scolaire. Ces conditions varient d’une commission scolaire à l’autre, mais il faut généralement avoir accumulé un certain nombre de jours de travail, obtenir un ou plusieurs contrats d’enseignement et réussir une probation locale, c’est à dire, une évaluation des compétences professionnelles.
De plus, étant donné que les nouveaux enseignants sont souvent nommés à des postes « impossibles » (Martineau, 2006), l’accès à la liste de priorité peut parfois s’avérer laborieux, tout autant que complexe en raison d’innombrables règles et contraintes administratives8.
Il existe cinq statuts d’engagement dans l’enseignement, lesquels sont encadrés par l’entente collective nationale (Comité patronal de négociations des commissions scolaires francophones [CPNCF], 2016) : suppléant occasionnel, enseignant à la leçon, enseignant à temps partiel, enseignant à temps plein et enseignant permanent, ce dernier étant davantage considéré comme un état plutôt qu’un statut. Trois de ces statuts d’engagement sont des statuts précaires : le suppléant occasionnel, l’enseignant à la leçon et l’enseignant à temps partiel.
Le suppléant occasionnel a pour seul lien d’engagement à une commission scolaire sa présence sur la liste de suppléance. Il n’a ni congé de maladie, ni assurance salaire, ni assurance collective. Son salaire est fixé selon le nombre de minutes de suppléance effectuées9. Le salaire maximal pour une journée de suppléance équivaut au premier échelon de l’échelle de traitement annuel. Un enseignant suppléant peut aussi être payé selon l’échelle de traitement annuel des enseignants dans le cas où il effectue une suppléance de plus de vingt jours dans une même classe10.
L’enseignant à la leçon signe un contrat avec une commission scolaire. Il peut profiter de congés de maladie et de congés spéciaux. Son contrat génère de l’ancienneté et sa rémunération se fait à taux horaire en fonction de sa scolarité. Un enseignant peut être payé selon le taux horaire des enseignants à la leçon sans être sous contrat pour autant. Dans ce cas, la rémunération est son seul avantage.
L’enseignant à temps partiel signe un contrat. Il profite d’une couverture d’assurance collective et de congés de maladie selon le pourcentage de sa tâche. L’enseignant à temps partiel est payé selon l’échelle de traitement annuel. L’échelle de traitement annuel établit le salaire des enseignants à temps partiel et des enseignants à temps plein selon leur scolarité et leur expérience. Depuis que le baccalauréat en éducation préscolaire et en enseignant primaire dure quatre années au lieu de trois, tout enseignant à temps partiel grimpe automatiquement de deux échelons sur l’échelle de traitement annuel en raison de son année de scolarité supplémentaire. Pour chaque jour de travail, l’enseignant à temps partiel est donc nécessairement payé plus cher que le suppléant occasionnel.
Un contrat à la leçon est signé lorsque l’on offre à un enseignant une tâche vacante de moins de 33,33 % d’une tâche éducative régulière annuelle. Un contrat à temps partiel est signé lorsque l’on offre à un enseignant une tâche vacante de plus de 33,33 % d’une tâche éducative régulière annuelle. Un contrat à temps partiel peut s’étendre sur un maximum d’une année scolaire. Il peut se faire sur une période préalablement déterminée et consécutive de plus de deux mois11. Si la période de remplacement n’est pas préalablement déterminée, après deux mois consécutifs d’absence de l’enseignant à temps plein ou à temps partiel, l’enseignant suppléant se voit offrir un contrat12.
Dans le cas de la commission scolaire ciblée par cette étude par exemple, l’obtention d’un contrat d’enseignement n’enclenche pas systématiquement une probation locale : la réussite de la probation locale étant l’une des trois conditions d’accès à la liste de priorité. Un contrat à temps partiel enclenche le processus de probation locale tandis qu’un remplacement indéterminé qui se transforme en contrat après deux mois devient probatoire uniquement si le contrat dure 30 jours ou plus de l’année scolaire ou 20 jours ou plus d’une demi-année scolaire13. Pour que l’enseignant ait une probation locale, la tâche de l’enseignant doit être jugée par la commission scolaire et la direction d’école comme étant similaire à celle d’un enseignant régulier, la capacité à évaluer la gestion de classe de l’enseignant apparaissant comme un critère déterminant14. Soulignons que cette règle n’est pas issue de l’entente locale entre la commission scolaire et le syndicat, mais plutôt d’une règle que s’est donnée elle-même la commission scolaire. Ceci a pour conséquence que le processus de probation locale pour un enseignant à contrat à la leçon sera rarement enclenché bien que la convention collective locale le permette.
La profession enseignante se caractérise certes par une période de précarité qui passe par le statut de suppléant occasionnel, d’enseignant à la leçon et d’enseignant à temps partiel. Or, ces trois statuts sont très différents. En fait, ce qui se révèle faire la plus grande différence chez les enseignants précaires est l’inscription sur la liste de priorité. La situation d’un enseignant inscrit sur la liste de priorité se distingue fondamentalement par le fait que la commission scolaire a la responsabilité de lui offrir du travail lorsque vient son tour tandis qu’elle n’a aucune responsabilité envers les enseignants inscrits sur la liste de suppléance, dans laquelle il n’y a aucune forme de classement.15 Comme son nom l’indique, la liste de priorité donne priorité aux enseignants qui y sont inscrits. Il est donc inévitablement plus probable que ces derniers obtiennent des contrats que les enseignants inscrits sur la liste de suppléance.
Les enseignants qui sont inscrits sur la liste de suppléance peuvent obtenir un contrat si la liste de priorité est vide.16 Comme les enseignants inscrits sur liste de suppléance ne sont pas classés, c’est à la discrétion de la commission scolaire de choisir, généralement de concert avec l’école concernée, l’enseignant qui honorera le contrat. L’attribution des contrats aux enseignants de la liste de suppléance peut faire l’objet d’un concours de circonstances étant donné que peu de règles les régissent. Le premier aspect non négligeable pour qu’un enseignant sur la liste de suppléance obtienne un contrat est que tous les enseignants sur la liste de priorité soient déjà sous contrat. Il faut souligner que cet aspect est administratif de sorte que quelques minutes peuvent faire la différence entre une liste de priorité vide ou non.
Ainsi, un enseignant qui n’est pas inscrit sur la liste de priorité travaillera généralement à titre de suppléant occasionnel et se retrouvera avec peu de droits outre celui de recevoir le salaire qui lui est dû, qui plus est, est plus bas que celui des enseignants sous contrat. Il n’a notamment pas d’avantages sociaux lorsqu’il se retrouve en invalidité. Il pourrait obtenir de meilleures conditions de travail, mais celles-ci ne seraient que sporadiques et imprévisibles17. D’une part, si le suppléant occasionnel a les droits propres à n’importe quel enseignant conformément à Loi sur l’instruction publique, à savoir, « le droit de diriger la conduite de chaque groupe d’élèves qui lui est confié [en prenant] les modalités d’intervention pédagogique qui correspondent aux besoins et aux objectifs fixés et [en choisissant] les instruments d’évaluation des élèves » (Gouvernement du Québec, 2014b, art.19), il n’en demeure pas moins qu’en pratique, c’est habituellement l’enseignant régulier qui planifie les interventions pédagogiques. C’est en cela que le travail de suppléant peut être vu comme très superficiel et nuire à la motivation de certains à poursuivre dans la profession (Désormeau, 2009). D’autre part, le suppléant occasionnel a exactement les mêmes responsabilités que les autres enseignants. L’une de ses obligations est de respecter le projet éducatif de l’école (Gouvernement du Québec, 2014b, art. 22). Or, comme un suppléant occasionnel est amené à changer aussi souvent que rapidement de milieu de travail, on peut se questionner sur sa capacité à maitriser les projets éducatifs de toutes les écoles dans lesquelles il travaille.
Les commissions scolaires du Québec doivent respecter l’entente collective, dite entente « nationale », entre le CPNCF et une fédération associée à une centrale syndicale ou une fédération indépendante. Chaque commission scolaire a également une entente avec le syndicat local : cette entente est donc dite « locale ». Tous les enseignants travaillant pour la commission scolaire sont défendus par le syndicat18. Seulement, dans le cas des enseignants qui ne sont pas sous contrat, comme leurs droits sont très limités au sein des ententes nationales et locales, leur défense le sera inévitablement. Le syndicat local peut aussi recourir à la Loi sur les normes du travail (Gouvernement du Québec, 2014c), mais, encore là, l’enseignant qui n’est pas sous contrat peut être difficilement défendu. L’article 124 relatif à un congédiement en est un bon exemple.
Le salarié qui justifie de deux ans de service continu dans une même entreprise et qui croit avoir été congédié sans une cause juste et suffisante peut soumettre sa plainte (…) sauf si une procédure de réparation, autre que le recours en dommages-intérêts, est prévue ailleurs dans la présente loi, dans une autre loi ou dans une convention (Gouvernement du Québec, 2014c, art. 124).

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