Lutte aux changements climatiques et marchés du carbone

Modalité d’aménagement : utilisation d’espèces ligneuses

Étant donné que les résidus miniers ont des caractéristiques défavorables pour l’établissement des arbres, le succès de restauration du site et la création d’un puits de C s’avèrent incertains. Les espèces ligneuses utilisées doivent alors posséder certaines caractéristiques pour tolérer ces environnements (Sheoran et al. 2010). Pour réussir, la mise en végétation nécessite l’usage d’arbres ou d’arbustes viables à long terme, n’exigeant aucun (ou peu) entretien pour en assurer le maintien (MERN 2017c). En effet, ces milieux découverts étant soumis à des conditions difficiles, des espèces colonisatrices intolérantes à l’ombre et résistantes aux vents doivent être priorisées (Asensio et al. 2013). Pour cela, il est préférable de sélectionner des espèces peu exigeantes en éléments nutritifs et en eau, s’adaptant bien aux sols sablonneux possédant des capacités de drainage excessives (Lefrancois et al. 2010). De plus, des arbres à croissance rapide (ex. : hauteur, diamètre et biomasse) présentent divers avantages : séquestrer plus rapidement le C et limiter le plus rapidement possible les problèmes d’érosions, problèmes majeurs sur les parcs à résidus miniers (Asensio et al. 2013; Blight 2008; Tordoff et al. 2000 ; Ussiri et Lal 2005).

De plus, des espèces contribuant à un encadrement visuel satisfaisant (ex. : faible contraste entre les arbres du parc à résidus miniers et ceux de la forêt environnante) sont idéales dans le cadre d’une plantation sur un parc à résidus. Actuellement, peu d’études ont été réalisées afin d’identifier les meilleures espèces ligneuses à utiliser en plantation sur les parcs. Des espèces qui répondent bien aux critères cités plus haut sont le pin rouge [Pinus resinosa (Aiton)], le mélèze laricin [Larix laricina (Du Roi) Koch.)] et le bouleau à papier [Betula papyrifera var. papyrifera (Marshall)] (tableau A-1). Plus précisément, le pin rouge est reconnu pour être très tolérant à la sécheresse, avoir des besoins en nutriments faibles et posséder une forte croissance en biomasse. Le mélèze est un colonisateur compétitif avec une grande croissance juvénile en hauteur, alors que le bouleau quant à lui possède une forte intolérance à l’ombre et des feuilles caduques qui enrichissent le sol en MO relativement labile par rapport au mélèze et au pin rouge (Becker et al. 1987; Guittonny-Larcheveque et Pednault 2016; Publication Qc 2014; Srinivasan et al. 1999; Young et al. 2013). Afin de répliquer le plus fidèlement possible l’écosystème naturel présent avant la mise en place du parc à résidus, l’utilisation d’une plantation mixte contenant plusieurs espèces d’arbre s’avère une optique intéressante.

De plus, comparativement aux plantations mixtes, les plantations monospécifiques possèdent plusieurs points négatifs tels que l’artificialisation des écosystèmes forestiers et leurs plus faibles résiliences aux maladies (GESIP 2013). En effet, les plantations mixtes sont plus diversifiées et plus complexes que ne le sont les plantations monospécifiques (Piotto 2008) alors que les plantations mixtes sont reconnues pour séquestrer davantage de C (Cavard et al. 2010; Chomel et al. 2014). Toutefois, beaucoup de lacunes existent encore sur l’utilisation d’espèces ligneuses dans les modalités d’aménagement mixtes concernant la végétalisation des parcs à résidus miniers non-acides.

Description du site à l’étude

Dans le cadre de cette étude, un dispositif expérimental mis en place en juillet 2012 sur le parc à résidus non-acidogènes à la mine de ferroniobium Niobec à Saint-Honoré (QC, Canada ; 48°32’N, 71°08’O) a été utilisé (figure 1). Il se situe aux alentours d’une sapinière à bouleau jaune avec des températures entre -24 et 24°C, avec 2°C comme température annuelle moyenne et reçoit 1048 mm de précipitations par année. La mine souterraine a débuté ses opérations en 1976 et est toujours active. Elle extrait plus de 2,3 millions de tonnes de minerais qui, une fois traités, donnent 5000 t de niobium par année (Niobec inc. 2015). La création du parc à résidus a été initiée par un déboisement et le prélèvement de l’humus forestier pour utilisation ultérieure, où il a été stocké pendant deux ans. Après la disposition des résidus fins, l’humus forestier a été réutilisé, pour former une couche d’environ 10 cm d’épaisseur par-dessus les résidus. S’en est suivi un ensemencement de trèfle blanc (Trifolium repens) de 50 kg ha-1, sur les digues du parc comme stabilisateur face à l’érosion éolienne et hydrique. Cela constituait le scénario de référence à la mine, soit le meilleur représentant du cours normal des affaires de la mine de niobium : une mise en végétation herbacée après une préparation de terrain minimale avec de l’humus forestier tout au long de la construction du parc en hauteur. Les résidus contenus sur le site de 77,4 ha forment un sol classé comme Technosol (FAO 2015 ; IUSS Working Group, 2015) et ont une granulométrie de sable fin (150 à 180 μm) (Durocher 2015). Le parc à résidus de la mine Niobec est constitué d’un étang de décantation cloisonné par des digues faites de résidus fins compactés en pente de 15%. Ces digues augmentent de 4 à 5 m à chaque année jusqu’à atteindre la hauteur totale de 30 m. Le parc numéro un de la mine, dont la construction est terminée, a déjà subi une mise en végétation avec des espèces herbacées et une plantation de pin gris (Picea banksiana) dans les années 90. Le présent dispositif est situé sur les digues Ouest, Nord et Est du deuxième parc à résidus et recouvre 1,0, 2,7 et 2,0 ha, respectivement (figure 2).

Caractéristiques des biosolides de papetières

Les BP mixtes provenaient d’une usine de pâtes et papiers (Produits forestiers Résolu, Jonquière, QC, Canada ; 48° 25’N, 71°14’O) située à 25,9 km du site d’étude. Les BP utilisés se composaient d’un mélange de boues primaires et secondaires provenant du procédé de fabrication thermomécanique de pâte et de papier et ont été excavés du site d’enfouissement de l’usine après avoir été enfouis pendant environ un an (voir Faubert et al. 2017 pour davantage de détails). Les BP ont été transportés au site en juillet 2012 et 35 t sec ha-1 ont été appliquées et incorporées cette même année, à raison de 15 cm d’épaisseur au sol sur le parc à résidus avec un épandeur latéral et un rotoculteur. Le dosage choisi a été sélectionné afin d’obtenir environ 500 kg d’azote par hectare. Un sous-échantillon composite a permis d’analyser et de caractériser la composition chimique du produit de l’excavation en laboratoire (AgroEnviroLab, La Pocatière, QC) (tableau 1). La teneur en matière sèche a été mesurée par séchage au four à 150°C. La teneur en matière organique a été mesurée par incinération à 375°C. Le C et le N totaux ont été déterminés par combustion sèche (LECO Corporation, St-Joseph, MI, USA). L’azote minéral a été extrait avec une solution de 1 M L-1 KCl (voir Chantigny et al. 2013). Tableau 1. Le ratio C/N, le pH, ainsi que les teneurs et les tonnes à l’hectare du carbone total (C tot), carbone organique (C org), azote total (N tot), phosphore (P), potassium (K), en calcium (Ca), en magnésium (Mg) et sable, limon et argile pour les résidus miniers et les biosolides papetières (BP) échantillonnés en juillet 2012. Toutes les variables sont exprimées sur la base de masse sèche. nd : données non-disponibles

Caractéristiques des espèces végétales

Ce dispositif expérimental comprend trois espèces ligneuses : le mélèze laricin, le pin rouge ainsi que le bouleau à papier, qui ont été plantées entre le 19 et 31 juillet 2012, soit quelques jours suivant l’application des BP. Ces espèces ont été sélectionnées après la réalisation d’une évaluation multicritère avec plusieurs parties prenantes impliquées dans l’initiation du projet, dont les gestionnaires de la minière. Cette évaluation comprenait 21 espèces d’arbres locales qui ont été comparées selon 11 critères comprenant la longévité, le volume marchand brut, l’endémisme, l’esthétique, la reproduction végétative, la hauteur, la disponibilité, le coût, la vulnérabilité, la croissance juvénile et les produits forestiers non ligneux (PFNL) (voir tableau A-1). Les résultats de performance potentielle des arbres étudiés lors de cette analyse ont donc permis de sélectionner les trois espèces qui répondaient le mieux aux critères et donc qui représentaient les espèces les plus efficaces pour la mise en végétation du parc à résidus. Les plants ont été disposés à tous les deux mètres sur des lignes parallèles distancées de deux mètres, pour une densité de 2250 tiges ha-1 avec comme total 8500 arbres sur l’ensemble du dispositif. Les plants de mélèze et de pin rouge ont été fournis par le Ministère Forêt, Faune et Parcs (MFFP) dans des contenants IPL 25-200 (25 alvéoles de 200 cm3 chacune), alors que les plants de bouleau ont été produits par la pépinière Boucher (Saint-Ambroise, Qc, Canada) (IPL 25-200). Les plants mesuraient entre 40 et 60 cm en moyenne (résultats non-montrés). En plus des espèces ligneuses, du trèfle rouge (Trifolium rubens) a été appliqué en juillet 2012 à raison de 50 kg ha-1 avec un semoir rotatif tiré par un véhicule tout-terrain, sur les parcelles sans plantation d’espèces ligneuses. Depuis la mise en place du dispositif, des observations ont révélé que des herbacées de champs indigènes ont colonisé l’ensemble des parcelles.

Table des matières

Résumé
Remerciements
Table des matières
Liste des tableaux
Liste des figures
Introduction
Lutte aux changements climatiques et marchés du carbone
Industrie minière
Reboisement des parcs à résidus miniers
Utilisation de matières résiduelles fertilisantes pour le reboisement: une approche d’écologie industrielle
Modalité d’aménagement : utilisation d’espèces ligneuses
Hypothèses
Matériels et méthode
Description du site à l’étude
Dispositif expérimental
Caractéristiques des biosolides de papetières
Caractéristiques des espèces végétales
Échantillons et mesures
Analyses statistiques
Résultats
Survie des arbres
Croissance des arbres
Masse sèche des arbres
Variables édaphiques
Décomposition de la litière du sol
Discussion
Survie et croissance des arbres plantés
Conditions édaphiques et dynamique du carbone des sols
Conclusion
Références citées
Annexe

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