MESURE EXPERIMENTALE DU BRUIT DE ´ PHOTONS

MESURE EXPERIMENTALE DU BRUIT DE PHOTONS

La mesure du bruit spatial de photons est un pr´ealable indispensable `a la caract´erisation des fluctuations spatiales d’origine quantique dans une image. Par “image”, nous entendons l’enregistrement, sur un capteur CCD, de la distribution spatiale du nombre de photons, dans l’espace transverse `a la propagation de l’intensit´e lumineuse observ´ee. Cette d´efinition s’inscrit exclusivement dans le contexte de ce manuscrit de th`ese. Le pr´esent chapitre concernera uniquement les images non amplifi´ees, c’est `a dire que la lumi`ere “observ´ee” ne subit pas de processus de multiplication du nombre de photons entre la source et le d´etecteur. L’´etude des images amplifi´ees sera pr´esent´ee dans la deuxi`eme partie de ce manuscrit (compos´ee des quatri`eme et cinqui`eme chapitres). Nos exp´erimentations sur la mesure du bruit de photons se sont d´eroul´ees dans le cadre d’une collaboration scientifique avec l’´equipe des processus non lin´eaires de l’universit´e d’Insubria `a Cˆome (Italie). Nous pr´esenterons dans ce chapitre uniquement le travail r´ealis´e dans notre laboratoire. Ce travail et celui effectu´e par l’´equipe italienne ont ´et´e publi´es dans la r´ef´erence [1]. La diff´erence entre les travaux des deux ´equipes est le type de capteur employ´e. L’´equipe de Cˆome utilise une cam´era CCD `a capteur ´epais dont le maximum de rendement quantique est `a 700 nm. Notre ´etude exp´erimentale du bruit spatial de photons s’appuie totalement sur les notions pr´esent´ees dans les deux chapitres pr´ec´edents, notamment la notion de bruit de photons pr´esent´ee dans le paragraphe 1.4.3. Nous rappelons que notre point de vue est toujours purement spatial. Le bruit de photons est al´eatoire et nous avons montr´e le caract`ere poissonien 45 erimentale du bruit de photons. de sa distribution (§1.4.3). La stationnarit´e de l’intensit´e, sur la surface consid´er´ee, est la condition sine qua non pour obtenir une distribution de Poisson. Premi`erement, nous pr´esenterons le montage exp´erimental utilis´e. Deuxi`emement, nous exposerons les r´esultats obtenus. Nous commencerons pour cela par l’´evaluation exp´erimentale du gain ´electronique, ge´, de la cam´era CCD, puis nous pr´esenterons nos mesures sur le bruit de photons en couvrant toute la dynamique du capteur CCD, enfin nous proposerons une m´ethode de calibrage am´eliorant sensiblement les performances du capteur CCD pour les fortes intensit´es. Troisi`emement, nous testerons la m´ethode de calibrage avec une technique de diff´erence d’images d´ecal´ees.

Sch´ema exp´erimental 

Le montage utilis´e pour r´ealiser les mesures du bruit de photons avec la cam´era CCD est pr´esent´e figure 3.1. La source lumineuse est focalis´ee sur un trou source de 200 µm de diam`etre, s´electionnant seulement la partie centrale du faisceau et ´eliminant ainsi les hautes fr´equences spatiales, sources de bruit classique. Le contrˆole de l’intensit´e s’effectue `a l’aide de densit´es optiques plac´ees en amont du trou source. La cam´era CCD est plac´ee `a environ un m`etre du trou source afin d’´elargir la figure de diffraction du faisceau et d’´eclairer le plus uniform´ement possible le capteur CCD (26 mm × 8 mm). Ainsi, le champ lumineux peut ˆetre consid´er´e comme plat sur une petite partie du capteur (typiquement de l’ordre de 0.2 mm×0.2 mm), car les variations d’intensit´e au centre du faisceau sont faibles, r´epondant `a la condition de stationnarit´e. L’avantage de ce montage r´eside dans l’absence d’´el´ements optiques entre le trou source et la cam´era, ´evitant d’´eventuelles sources suppl´ementaires de bruit classique, car le bruit de photons est le bruit ultime restant lorsque toutes les autres C.C.D. Lentille focalisatrice Densité Trou source Fig. 3.1 – Sch´ema exp´erimental utilis´e pour la mesure du bruit de photons. sources de bruit sont ´elimin´ees. La source laser est un TWINKLE : c’est un laser d´eclench´e, `a blocage de modes, doubl´e et quadrupl´e en fr´equence, qui ´emet des impulsions d’une dur´ee δtFWHM = 1.18 ps, `a la longueur d’onde fondamentale λ = 1055 nm, `a une cadence de tirs de 33 Hz. Nous travaillons avec l’impulsion doubl´ee en fr´equence, de longueur d’onde λ = 527.5 nm, d’une dur´ee d’impulsion de δtFWHM = 1.04 ps [2]. La source thermique est une lampe `a vapeur de mercure temporellement filtr´ee grˆace `a un filtre interf´erentiel de largeur δλFWHM = 0.4 nm centr´e sur λ = 527.5 nm. Ainsi nous travaillons toujours `a la mˆeme longueur d’onde ce qui permet de consid´erer le rendement quantique constant et de valeur η = 90 %. 3.3 Mesure du bruit spatial de photons La caract´erisation d’une distribution spatiale du nombre de photons n´ecessite la conversion de l’image cod´ee en niveaux de gris en photo-´electrons. Cette transcription s’op`ere `a l’aide du gain ´electronique (ge´) de la cam´era CCD. Comme annonc´e en 2.2.3, nous r´eglons la cam´era CCD sur le gain “High”, et nous allons commencer par mesurer la valeur r´eelle de ge´. 

Evaluation exp´ ´ erimentale du gain ´electronique de la cam´era 

Avant de mesurer le bruit de photon, nous devons d´eterminer pr´ecis´ement la valeur du gain ´electronique ge´. Pour cela, nous utilisons la m´ethode d´ecrite dans la r´ef´erence [3]. Le principe consiste `a enregistrer successivement, et dans les mˆemes conditions, deux images identiques d’un fond lumineux le plus uniforme possible. Par “identiques”, nous entendons deux images d’intensit´e ´equivalente et pr´esentant les mˆemes structures d´eterministes. Lorsque les intensit´es de deux images diff`erent, nous multiplions l’une de ces deux images par le rapport des intensit´es initiales, afin d’obtenir la mˆeme intensit´e r´esultante dans les deux images identiques. Ensuite, nous calculons la demi-variance de la diff´erence, en niveaux de gris, de ces deux images sur la plus grande zone possible du capteur. Nous r´ep´etons cette proc´edure pour diff´erents niveaux d’intensit´e, en couvrant ainsi toute la dynamique du capteur. La diff´erence entre les deux images permet d’´eliminer les structures d´eterministes reproduc47 3.3. MESURE DU BRUIT SPATIAL DE PHOTONS tibles. Par contre, elle cumule deux fois les bruits al´eatoires, que sont le bruit de photons et le bruit ´electronique total, d’o`u le calcul de la demi-variance, 1 tel que : (∆ndif f gl ) 2 = 1 2 × [(∆ngl) 2 − 2 × (∆nb) 2 ] = ∆ndif f pe− ge´ 2 (3.1) La demi-variance calcul´ee en 3.1 repr´esente le bruit de photons, qui est caract´eris´e par une statistique de Poisson. Nous comparons ensuite la demi-variance `a la moyenne, en niveaux de gris par pixel, d’une des deux images enregistr´ees, qui est telle que : n¯lum gl = ¯ngl − n¯b = n¯pe− ge´ (3.2) La valeur exp´erimentale du gain ´electronique s’´evalue comme suit : ge´ = n¯lum gl (∆ndif f gl )2 (3.3) Car le rapport ¯npe− /(∆ndif f pe− )2 = 1, pour une distribution de Poisson. Du point de vue exp´erimental, nous utilisons la lampe spectrale filtr´ee, et nous modifions le montage pr´ec´edent (fig 3.1) en rempla¸cant la lentille et le trou source, par un d´epoli, conform´ement aux techniques employ´ees par le fabricant du capteur CCD [4]. Notre ´evaluation du gain ´electronique sera valable sur une largeur de 0.4 nm `a la longueur d’onde du laser (@527.5 nm) utilis´e par la suite. Nous limitons notre mesure `a la partie centrale du capteur (800 × 398 pixels au lieu de 1340 × 400 pixels), car nous ne pouvons pas ´eclairer tout le capteur de fa¸con homog`ene. Nous pr´esentons dans la figure 3.2, un exemple de couple d’images enregistr´ees dans ces conditions exp´erimentales. Nous montrons le couple avec la plus grande intensit´e lumineuse (images a1 et a2 , figure 3.2), car dans ce cas, les bruits d´eterministes sont clairement visibles et tr`es pr´edominants. L’image de la diff´erence montre l’´elimination parfaite de toutes les structures d´eterministes reproductibles initialement pr´esentes, seul reste le bruit de nature al´eatoire. Pour l’exemple de la figure 3.2, l’intensit´e moyenne des images initiales est telle que : ¯nlum gl 54170 gl.pix−1. La demi-variance calcul´ee sur la diff´erence est : (∆ndif f gl )2 55871 gl.pix−1. Le gain ´electronique obtenu ici est donc : ge´ 0.969 pe−.gl−1. Cette valeur est bien diff´erente 1. Si l’on mesure le bruit total sur une zone non ´eclair´ee d’une des deux images, alors on multiplie par deux le terme (∆nb)2 comme c’est le cas dans l’´equation 3.1. Par contre, on peut mesurer (∆nb)2 sur une zone non ´eclair´ee de l’image diff´erence, et dans ce cas il faut omettre le facteur deux. Image a1 Image a2 Différence = a1-a2 2 0 800 398 2 0 800 398 2 0 800 398 Fig. 3.2 – En bas, image issue de la diff´erence des deux images pr´esent´ees en haut. L’´elimination des structures d´eterministes est parfaite. de celle donn´ee par le constructeur (ge´ = 0.9 pe−.gl−1), ceci justifiant pleinement notre besoin d’´evaluer exp´erimentalement ge´. La r´ep´etition de cette mesure pour diff´erents niveaux d’intensit´e permet de d´eterminer une valeur moyenne du gain ´electronique. Sur le graphe de la figure 3.3, on a repr´esent´e, en niveaux de gris, dans une ´echelle logarithmique, la demi-variance (∆ndif f gl )2 en fonction de la moyenne ¯nlum gl , respectivement d´efinies par les ´equations 3.1 et 3.2. Les valeurs exp´erimentales suivent une relation lin´eaire. Donc pour les photo-´electrons, le bruit de la diff´erence d’images est bien de nature poissonienne. La meilleure r´egression lin´eaire nous donne un gain ´electronique ge´ 0.964 pe−.gl−1. Cette valeur correspond ´egalement `a l’intersection de la droite de pente unit´e avec l’axe des abscisses [3]. La valeur retenue pour tous les calculs `a venir est : ge´ = 0.97 pe−.gl−1 (3.4) Nous avons arrondi au centi`eme sup´erieur car cela ´evite d’obtenir des statistiques poissoniennes exp´erimentales avec des variances l´eg`erement inf´erieures aux moyennes. Par ailleurs, nous avons v´erifi´e que cette m´ethode donne exactement les mˆemes r´esultats 49 Intensité moyenne Demi-variance de la différence Données expérimentales Meilleure droite avec une pente unité Fig. 3.3 – Coefficient de conversion des niveaux de gris en photo-´electrons. La demi-variance (∆ndif f gl )2 est repr´esent´ee en fonction de l’intensit´e moyenne n¯lum gl .avant et apr`es le calibrage du capteur CCD (§ 3.3.3), car la diff´erence de deux images identiques est directement une image du bruit poissonien, o`u tous les bruits spatiaux reproductibles d’une image `a l’autre sont ´elimin´es par soustraction. Le bruit spatial d´eterministe inclut la non uniformit´e de l’´eclairement et de la r´eponse des pixels. Le coefficient de conversion des niveaux de gris en photo-´electrons est d´esormais d´etermin´e et nous allons pouvoir ´etudier exp´erimentalement les distributions spatiales du nombre de photons `a l’aide de notre cam´era CCD. 3.3.2 Mesure exp´erimentale du bruit spatial de photons Tout d’abord, nous utilisons le montage d´ecrit dans le paragraphe 3.2 avec la source laser et la source thermique. Le temps d’acquisition est toujours fix´e par la cadence de tirs du laser, quelque soit le type de sources, donc Td = 30 ms. Le protocole est le suivant : nous enregistrons des images du faisceau lumineux `a diff´erentes intensit´es afin d’exploiter toute la dynamique du capteur CCD. De ces images, nous calculons la moyenne et l’´ecarttype des photo-´electrons sur une petite zone s´electionn´ee (10 × 10 pixels) et centr´ee sur le maximum d’intensit´e du faisceau. La zone choisie reste la mˆeme pour toutes les s´eries de mesures. L’image du faisceau incident est la tˆache d’Airy du trou source. Par cons´equent, le maximum d’intensit´e correspond au centre de la tˆache d’Airy. De plus, les petites dimensions de la zone, par rapport `a la surface de la tˆache d’Airy, permettent de satisfaire la condition de stationnarit´e spatiale. Nous rappelons que la distribution du nombre de photons est poissonienne si et seulement si : ∆npe− = n¯pe− (3.5) Les valeurs exp´erimentales de l’´ecart-type en fonction de la moyenne des photo-´electrons sont repr´esent´ees dans la figure 3.4. Pour l’instant, nous ne consid´erons pas les valeurs exp´erimentales repr´esent´ees par des ronds rouges. Nous y reviendrons dans le prochain paragraphe (§3.3.3). Le niveau standard du bruit de photons est mat´erialis´e par le trait noir continu, conform´ement `a l’´equation 3.5. Les carr´es noirs sont les valeurs exp´erimentales relev´ees pour diff´erentes intensit´es. Le graphe sup´erieur, (a), correspond `a la source laser, l’autre, (b), `a la source thermique. L’interpr´etation des r´esultats est sans ´equivoque possible ; la statistique de Poisson est respect´ee seulement pour ¯npe− ≤ 3000 pe−.pix−1, tant pour le laser que pour la lampe. 51 3.3. MESURE DU BRUIT SPATIAL DE PHOTONS Statistique du bruit sans calibrage Statistique du bruit avec calibrage Limite Standard du bruit de photons Ecart-type (a) Laser pulsé, zone de10x10 pixels 10 100 1000 1000 10000 Intensité moyenne Ecart-type 100 1000 10000 10 100 (b) Source thermique, zone de10x10 pixels Intensité moyenne Fig. 3.4 – Les r´esultats obtenus avec le laser impulsionnel sont pr´esent´es en (a), ceux de la source thermique en (b). On reporte, sur une ´echelle logarithmique, l’intensit´e moyenne en abscisse, et l’´ecart-type en ordonn´ee, exprim´es en photo-´electrons par pixel. Le trait noir continu repr´esente le niveau du bruit de photons standard. Les carr´es noirs et les ronds rouges sont des valeurs exp´erimentales. Les aspects th´eoriques pr´esent´es dans le premier chapitre sont confirm´es pour ces niveaux d’intensit´e. Par contre, pour des intensit´es sup´erieures (i-e : ¯npe− > 3000 pe−.pix−1), la distribution du bruit des photons ne respecte plus la loi de Poisson. Dans ce cas, l’´ecart-type est syst´ematiquement sup´erieur `a la valeur attendue. On remarquera que l’´el´evation de l’´ecarttype pour les fortes intensit´es est presque lin´eaire, ce qui r´ev`ele l’existence d’une source de bruit classique dans notre syst`eme de d´etection et de mesure du bruit de photons. Nous avons r´epertori´e deux sources de bruit possibles. La premi`ere serait due au profil du faisceau, mais les petites dimensions de la zone de statistique, en regard de celles du faisceau ne permettent pas d’expliquer les ´ecarts exp´erimentaux avec cette hypoth`ese (voir comme exemple la figure 3.8(a)). La deuxi`eme prend source dans l’inhomog´en´eit´e de r´eponse d’un pixel `a l’autre, en terme de gain ou de rendement quantique. En effet, le constructeur annonce une variation relative de sensibilit´e des pixels inf´erieure `a 2%. Bien que cet ´ecart semble faible, l’erreur absolue r´esultante est d’autant plus importante que le niveau d’illumination l’est, ce qui g´en`ere un bruit d´eterministe alt´erant la statistique de Poisson. Bien ´evidemment, cela renforce l’hypoth`ese selon laquelle le bruit de photons est pr´edominant pour les faibles intensit´es lumineuses et donc plus facilement mesurable. L’inhomog´en´eit´e de r´eponse entre les pixels, perturbe la mesure pr´ecise du bruit de photons pour de fortes intensit´es. C’est pourquoi, nous allons pr´esenter une m´ethode simple permettant de retrouver la distribution de Poisson sur toute la dynamique du capteur.

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