Méthodologie pour l’archivage et la diffusion électronique de la documentation scientifique

Méthodologie pour l’archivage et la diffusion électronique de la documentation scientifique

Genèse du mouvement des archives ouvertes

« Il est toujours difficile d’avoir un regard d’historien sur des événements contemporains et très proches : la démarche historique, qui pourrait laisser croire que la proximité facilite les choses, est en effet faussée par cette trop grande proximité qui tend à brouiller l’étude sereine et scientifique du passé. Il reste possible, toutefois, d’esquisser dans ses grandes lignes la jeune histoire des Archives Ouvertes », nous enseignent Daniel Bourrion et al.5 . Un bref regard sur le passé, permet de découvrir les repères qui ont motivé le lancement du mouvement des archives ouvertes. Ce mouvement demeure étroitement lié à l’évolution certes technologique, mais aussi à un souci fort de satisfaire les besoins d’information des chercheurs. Il est question d’aborder dans ce chapitre, les éléments à l’origine des archives ouvertes. 1.1 Historique Le phénomène des archives ouvertes et leur rapport avec les communautés des chercheurs ne peuvent pas être mis à jour sans qu’un lien avec leur passé soit établi. Dès lors, l’exploration de ce passé s’impose comme une lanterne méthodologique pour mieux observer le phénomène depuis sa racine jusqu’au contexte actuel. 

Les précurseurs

Il est reconnu d’après plusieurs auteurs que les archives ouvertes ont vu le jour dans la communauté des physiciens, suivant une chronologie bien établie dans le temps et dans l’espace. A en croire Daniel Bourrion (2006), qui retrace d’une manière explicite l’origine des archives ouvertes, affirme que ce phénomène a débuté avec la création, le 16 août 1991 de la base de données « High Energy Physics-Theory (Hep-Th) »6 , par Paul Ginsparg7 . L’intérêt de 5 Bourrion, Daniel et al. Les chercheurs en Lettres et Sciences Humaines et les Archives Ouvertes. Mémoire de recherche. Base de données créée en 1991 par le physicien Paul Ginsparg et destinée à la petite communauté de chercheurs spécialisés dans la physique des Hautes Énergies pour échanger rapidement leur production Disponible sur : scientifique. http://arxiv.org/list/hep-th/new (Consulté le 02-08-2009) Quelle méthodologie pour l’archivage et la diffusion électronique de la documentation scientifique et technique dans le contexte d’une université africaine ? : le cas de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) 51 cette base est l’échange de données entre chercheurs spécialisés dans la physique des hautes énergies. La création d’autres bases de données a suivi telle que ArXiv8 . L’origine des archives ouvertes au monde des physiciens vient d’être confirmée par Stevan Harnad9 , un autre grand chercheur qui lança l’idée de l’auto-archivage des publications par les chercheurs, un appel jugé « subversif »10. Il crée en 1997, une base de preprints et postprints dénommée « Cogprints »11, sur la philosophie, la psychologie, l’informatique et la biologie. L’idée commence à attirer de plus en plus de scientifiques et en 1999, lors de la convention de Santa Fé12, une norme technique sur l’interopérabilité a été lancée. En juillet 2001, le protocole «Open Archive Initiative Protocol for Metadata Harvesting» (OAI-PMH)13 a été définitivement adopté permettant ainsi de pouvoir interconnecter différents dépôts à travers le monde. Une nouvelle idée véhiculée à travers la pétition de la « Public Library of Science (PLoS) »14, en janvier 2001 demande aux auteurs, six mois après la parution de leur article dans les revues classiques, de les verser dans les dépôts d’archives ouvertes. 7 Paul Ginsparg est professeur de physique à l’Université Cornell de Los Alamos bien connu à travers le monde pour la création en 2001de la base de données « High Energy Physics-Theory (Hep-Th) « , fondement du mouvement « Open Access » 8 Base de données développée par Paul Ginsparg en 1991 à l’université Cornell. C’est une archive de prépublications électroniques dans les domaines de la physique, des mathématiques, de l’informatique, des sciences non-linéaires et de la biologie quantitative accessible gratuitement à l’adresse : http://arxiv.org/ (Consulté le 08-05-2009) 9 Professeur de sciences cognitives à l’Université de Southampton. Il a fondé et dirige la revue ‘Behavioural and Brain Sciences’ ainsi que la revue électronique ‘Psycoloquy’. Il est responsable du projet COGPRINTS, une archive électronique des sciences cognitives. Il demeure l’un des principaux animateurs du débat actuel sur la libération de l’accès aux articles scientifiques évalués par des pairs et publiés dans des revues. Disponible sur : http://www.text-e.org/bio/index.cfm?bio_ID=17 (Consulté le 14-07-2009) 10 Au moment du lancement de l’appel, la communauté des chercheurs n’avait pas pris au sérieux Stevan Harnad Disponible sur : http://www.arl.org/sc/subversive/ : (Consulté le 05-08-2009) 11 Archive de preprints et de postprints en psychologie, neurosciences, comportement, etc., créée en 1997 par Stevan. Harnad Disponible sur : http://cogprints.org/ (Consulté le 10-06-2009) 12 Plus connue sous le vocable de  » Open Archive Initiative (OAI) », la convention de Santa Fé définit des normes d’échanges de métadonnées (OAI-PMH) pour que les archives ouvertes soient interopérables, c’est-à-dire que les métadonnées puissent être récoltées et interrogées en une seule requête comme si les archives n’en formaient qu’une. Disponible sur : http://www.openarchives.org/sfc/sfc_entry.htm : (Consulté le 14-10-2008) 13 Protocole relatif à l’interopérabilité des archives ouvertes. Il permet de pouvoir interroger en une seule requête, plusieurs autres archives data Harvesting Disponible sur : http://www.openarchives.org/pmh/: (Consulté le 09-04-2008) 14 Public Library of Science (PLoS) est une organisation à but non lucratif, composée de scientifiques et de physiciens dont le but est de rendre la littérature médicale et scientifique librement accessible en tant bien Disponible sur : public : http://www.plos.org/ (Consulté le 20-07-2009) Quelle méthodologie pour l’archivage et la diffusion électronique de la documentation scientifique et technique dans le contexte d’une université africaine ? : le cas de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) 52 L’initiative a été accompagnée par la création de revues scientifiques en libre accès telles que PLoS Biology en 2003, PLoS Medecine en 2004 et PLoS Computational Biology en 2005. En décembre 2001, par George Soros15 lança lui aussi un appel au chercheurs afin qu’ils accompagnent le mouvement du libre accès à travers leurs publications. Cet appel plus connu sous le nom de  » Budapest Open Access Initiative (BOAI) »16 est diffusé dans le monde entier en 2002. Il met en évidence deux stratégies qui sont : – l’auto-archivage des articles comme preprints ou postprints (BOAI-1)17 ; – la publication en revues à libre accès (BOAI-2)18. Comme dans tout attelage des règles s’imposent, toutes ces initiatives devraient désormais respecter les normes de communications scientifiques que Josette de la Vega (2000)19 définit comme « la communication entre chercheurs, la communication de la science en train de se faire, ce qui exclut les relations entre les chercheurs et les secteurs de recherche et développement […] la communication scientifique ne peut s’appréhender que dans un cadre disciplinaire et doit être définit comme un construit social localisé et historisé ». (Voir la liste des déclarations en annexe 3). Les scientifiques ayant lancé l’idée des archives ouvertes trouvent un répondant auprès des spécialistes des sciences de l’information documentaire qui, devant le monopole des éditeurs commerciaux, ne parviennent plus à acquérir toute les publications nécessaires au bon fonctionnement des bibliothèques. Les archives ouvertes constituent dès lors un palliatif pour les bibliothèques académiques car elles leur permettent de faire des économies considérables dans leur budget d’acquisition déjà faibles comme le soulignent si bien Alain Jacquesson et Alexis Rivier (2005) : 15 Financier milliardaire américain, né le 12 août 1930 à Budapest (Hongrie). Il est devenu célèbre pour ses activités de spéculation sur les devises et ses activités de philanthropie. Il est à l’origine des « hedge funds » apparus dans les années 1970. Il est actuellement président de Soros Fund Management et de l’Open Society Institute. Disponible sur : http://fr.wikipedia.org/wiki/George_Soros (Consulté le 03-08-2009) 16 L’initiative de Budapest pour l’accès ouvert prône l’accès gratuit et immédiat aux publications scientifiques par deux voies alternatives et complémentaires http://www.soros.org/openaccess/fr/help.shtml (Consulté le 08-03-2009) 17 Première initiative encourageant aux chercheurs l’auto-archivage des articles comme preprints ou postprints. http://www.soros.org/openaccess/ (Consulté le 03 0262009) 18 Seconde initiative qui met l’accent sur la publication dans les revues à libre accès http://www.eprints.org/self-faq/#self-archiving-vs-publication : (Consulté le 03 0262009) 19 La Vega, Josette de. – La communication scientifique à l’épreuve de l’Internet : l’émergence d’un nouveau modèle, préface d’Édouard Brézin, Presses de l’ENSSIB, coll. Référence, janvier 2000, 252 p. Quelle méthodologie pour l’archivage et la diffusion électronique de la documentation scientifique et technique dans le contexte d’une université africaine ? : le cas de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) 53 « l’emballement du coût des périodiques. Entre 1986 et 2003, pour les bibliothèques membres de l’Association des bibliothèques de recherche (ARL) le renchérissement a atteint 215% ; Entre 1986 et 1998, l’augmentation des coûts les a contraintes à diminuer leurs abonnements de 11% en nombre de titres, et elles ont acquis 25% en moins de monographies. Bien que la masse de documentation publiée annuellement n’ait cessé de croître, notamment avec l’apparition de nouvelles revues, la plupart des budgets d’acquisition des bibliothèques sont restés stables ou ont même diminué20 ». Dates Auteurs Initiatives 1991 Paul Ginsparg High Energy Physics-theory » (Hep-Th) 1991 Paul Ginsparg ArXiv 1997 Stevan Harnad Cogprints 1999 Collectif de scientifiques internationaux Convention de Santa Fé 2001 Collectif de scientifiques internationaux Protocole «Open Archive Initiative Protocole for Metadata Harvesting» (OAI-PMH) 2001 George Soros Appel de George Soros 2002 George Soros (diffusion mondiale) «Budapest Open Access Initiative» (BOAI) 2003 Public Library of Science (PLoS) Lancement de la revue PLoS Biology 2004 Public Library of Science (PLoS) Lancement de la revue PLoS Medecine Tableau 3 : Chronogramme des moments forts de l’évolution des archives ouvertes A ces importantes déclarations, s’ajoutent des appuis d’autres institutions à l’échelle internationale.

Les promoteurs

Le mouvement des archives ouvertes gagne de l’ampleur est entrain de franchir toutes les barrières. Après l’adhésion des chercheurs, nous assistons à celle des institutions internationales telles que la Fédération internationale des associations de bibliothèques (IFLA), l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui rejoignent le mouvement successivement en 2003 et 2004. De nouveaux appels à une large adhésion proviennent de grands pays occidentaux. Ainsi après celui de Georges Soros, deux appels de Berlin (Berlin II et Berlin III) amènent d’autres 20 Jacquesson, Alain ; Rivier, Alexis (2005). – Bibliothèques et documents numériques : concepts, composantes, techniques et enjeux. – Paris : Editions du Cercle de la Librairie. – 189 Quelle méthodologie pour l’archivage et la diffusion électronique de la documentation scientifique et technique dans le contexte d’une université africaine ? : le cas de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) 54 institutions de recherche à adhérer au mouvement. Il s’agit du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), de l’Institut Max Planck, de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et de l’Institut Pasteur. Dans le même ordre d’idée, les institutions membres demandent aussi aux chercheurs de s’engager à déposer leurs publications dans les archives ouvertes et de publier dans les revues en libre accès. A la suite de cette esquisse historique, il nous semble important d’éclairer les motivations de cet engouement qui a brusquement envahi le monde des chercheurs. 

Philosophie

La philosophie des archives ouvertes est sous-tendue par cinq grands principes : – le principe du partage ; – le principe de l’équité ; – le principe de la visibilité ; – le principe de citation ; – le principe économique.

Le principe du partage

Le développement de la science en tant que telle repose sur l’idée du partage. En l’absence du principe de partage, la science n’a plus sa raison d’être. Sans doute, la préoccupation majeure d’un chercheur, demeure la valorisation et l’accès aux résultats de recherche. Il est aussi vrai, tant que l’idée est encore en laboratoire, le chercheur préfère être prudent afin qu’elle ne lui échappe pas et se retrouve développer par d’autres. Mais une fois qu’elle arrive à maturité et donc conçue, le premier réflexe est de la partager avec ses collègues pour recueillir des suggestions et critiques en vue de l’améliorer. Ce principe est donc à la base des archives ouvertes car, chaque chercheur dans son domaine d’activité, aimerait savoir ce que font ses autres collègues. Les voyages d’études, les invitations aux colloques et séminaires où les chercheurs exposent leurs résultats de recherche l’expliquent amplement. 

Le principe de l’équité

Il est connu que les éditeurs commerciaux sont des promoteurs économiques. Ils investissent pour faire des chiffres d’affaires et ce désir a finalement prix le pas sur celui de développer la science. Dans ce domaine, font face deux partenaires qui ne sont liés que par la publication. D’un côté, le chercheur qui réfléchit, fait des investigations et souhaite disséminer sa Quelle méthodologie pour l’archivage et la diffusion électronique de la documentation scientifique et technique dans le contexte d’une université africaine ? : le cas de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) 55 découverte et de l’autre, un éditeur qui met ses moyens en vue de publier l’auteur. Le chercheur se retrouve dans une situation où il n’a aucune maîtrise de sa production car, celleci est intégralement gérée par l’éditeur d’où l’absence d’équité. Les retombées financières à l’éditeur et éventuellement la reconnaissance scientifique à l’auteur.

Le principe de la visibilité

Le rôle de l’éditeur est de procéder à la publication et à la diffusion des œuvres qu’il reçoit. Cependant, l’œuvre commercialisée ne sera accessible qu’à ceux qui auront les moyens de l’acquérir. Dans ce système, le chercheur se retrouve pénalisé du point de vue de sa visibilité et de sa notoriété. Quant aux archives ouvertes, de par leur principe et mode de fonctionnement, elles contribuent largement à faire connaître les publications de même que leurs auteurs. Parallèlement à la renommée, l’auteur figure dans les index de citation, ce qui favorise l’échange avec ses collègues. Les archives ouvertes jouent également un rôle non moins important au sein des structures documentaires, qui consiste à réduire les coûts d’achat et d’abonnement aux publications.

Le principe de citation

Plus qu’un simple besoin, le chercheur a même l’obligation d’être cité pour être reconnu. Pour ce faire, ses travaux doivent être accessibles et donc publiés. Le chercheur souhaite ainsi répondre à ce besoin lorsqu’il soumet ses publications à une archive ouverte du fait que les documents qu’elle contient y sont accessibles en texte intégral, librement et gratuitement. Les utilisateurs ne sont pas freinés par une question d’argent. Tout comme le besoin de visibilité, la citation est essentielle pour les chercheurs et spécifiquement lorsqu’ils sont acteursdéposants étant entendu que l’acteur-déposant désigne dans cette étude, le chercheur. 

Table des matières

 Introduction générale
I – Problématique
II – Méthodologie
PARTIE I : ETAT DE L’ART SUR LES ARCHIVES OUVERTES .
CHAPITRE I : Genèse du mouvement des archives ouvertes .
CHAPITRE II : Enjeux des archives ouvertes
CHAPITRE III : Archives ouvertes : Définitions, pratiques, description
I. Archives ouvertes
II Pratiques .
III. Description, principe, normes et standards
CHAPITRE IV : Revues électroniques en libre accès et archives ouvertes : divergence ou complémentarité ?
CHAPITRE V : Logiciels de gestion d’archives ouvertes .
CHAPITRE VI : Autres outils de gestion de l’information scientifique et technique (IST)
CHAPITRE VII : Propriété intellectuelle et droit d’auteur
PARTIE II : PRATIQUES DOCUMENTAIRES NUMERIQUES DES CHERCHEURS DE L’UCAD
CHAPITRE I : Présentation de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar et de la bibliothèque
universitaire
I. L’Université Cheikh Anta Diop de Dakar
II. La Bibliothèque universitaire (BU) de l’UCAD
CHAPITRE II : Infrastructures, équipements et ressources électroniques accessibles à la BU
CHAPITRE III : Pratiques documentaires et utilisation des ressources
III. Connaissance et utilisation des revues électroniques, des Archives ouvertes et des licences « Creative Commons »
CHAPITRE IV : Initiative Cyberdocs-UCAD
CHAPITRE V : Etude comparative de quelques archives ouvertes avec Cyberdocs
CHAPITRE VI : Intérêt des archives ouvertes pour les pays africains
Conclusion partielle
PARTIE III : PRECONISATION D’UNE DEMARCHE D’ARCHIVE OUVERTE POUR L’UCAD
CHAPITRE I : Implication des usagers dans la conception des langages d’indexation
I. Le Web 2.0 et les ontologie
II. Expérimentation de l’indexation participative
CHAPITRE II : Exemple d’un service d’indexation participatif multi- points de vue base sur les approches du web socio-sémantique
I. Principes du web socio-sémantique
II. Le modèle HyperTopic
III. Le logiciel Agorae
CHAPITRE III : Proposition d’un modèle d’archive ouverte basé sur le web socio sémantique : réalisation d’une maquette Agoræ pour l’UCAD
I. Définition de quelques termes
I. Méthodologie adoptée
II. Etude analytique de l’archive 1
III. Scénarios d’utilisation de la maquette
IV. RECOMMANDATIONS
I. Recommandations politiques
II. Recommandations technologiques
III. Recommandations stratégiques
CONCLUSION GÉNÉRALE
Bibliographie

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