Micro-miroirs déformables pour l’optique adaptative de prochaine génération

L’optique adaptative classique ne pourra pas être appliquée sans amélioration à la prochaine génération de télescopes. De nouveaux concepts tels que l’étoile Laser, l’optique adaptative multi-conjuguée voient le jour. Le concept Falcon, en particulier, est basé sur l’utilisation d’une optique adaptative multi-objets en boucle ouverte. D’autre part, les technologies actuelles de réalisation de miroir déformable sont limitées en terme de nombre d’actionneurs et d’espace inter-actionneurs. Le miroir secondaire adaptatif du VLT et le miroir déformable de l’instrument VLT/Planet Finder représentent l’aboutissement de cette technologie. Le premier comportera 1170 actionneurs espacés de 28 mm pour une pupille de 1,1m et le deuxième comportera 1320 actionneurs espacés de 4,5mm pour une pupille de 180mm. Or l’optique adaptative pour les très grands télescopes et l’optique adaptative extrême requièrent un nombre d’actionneurs supérieur à 10 000, des espaces inter-actionneurs compris entre 500µm et 1mm, pour une pupille de 150mm. Ajoutons à ces spécifications une course de 10µm, une bande passante supérieure à 1kHz, un comportement linéaire et une tension de commande modérée. Ces besoins ne peuvent en aucun cas être remplis directement par les technologies actuelles et une rupture technologique est nécessaire. La voie la plus convaincante semble être de combiner un miroir conventionnel à un micro-miroir déformable issu de la technologie des MOEMS.

Cette technologie consiste en la réalisation par dépôt, lithographie et gravure de couches minces, de microstructures optiques, mobiles électrostatiquement. Un état de l’art des micromiroirs déformables fait apparaître qu’aucun composant actuel ne permet de répondre aux spécifications. Notre projet est de développer en collaboration avec un laboratoire spécialiste des micro-technologies, le Laboratoire d’Analyse et d’Architecture des Systèmes, un nouveau procédé de fabrication. Celui-ci est basé sur l’utilisation de matériaux polymères et de couches sacrificielles de 10µm d’épaisseur. Le choix du polymère est justifié par son faible module d’Young, sa nature isolante, sa capacité de planarisation ainsi que pour sa faible température d’élaboration compatible avec la technologie CMOS. Nous avons également eu recours au procédé commercial PolyMUMPS basé sur le matériau Silicium pour la réalisation de prototypes.

Des moyens de modélisation basés sur des études analytiques et sur des simulations en éléments finis sont mis en jeu pour comprendre le comportement opto-électro-mécanique de ces composants.

Un banc de caractérisation interférométrique est développé pour étudier le comportement de composants dont la taille varie de la centaine de microns à la dizaine de millimètres. Comme pour la caractérisation de tout composant optique, une résolution de quelques nanomètres hors du plan est nécessaire. Deux configurations d’imagerie sont mises en œuvre afin de permettre une observation du composant : en haute résolution ou avec un grand champ. La forme statique ainsi que les déformations sont analysées par interférométrie à décalage de phase. L’interférométrie à décalage de phase à deux longueurs d’onde et l’interférométrie en lumière blanche permettent de mesurer des marches allant jusqu’à dix microns. L’étude du comportement dynamique est effectuée avec l’interférométrie en temps moyenné.

Une étude du procédé polymère est effectuée, suivie par une caractérisation expérimentale de différents types d’actionneurs. Les simulations en éléments finis sont ajustées sur les mesures expérimentales et permettent d’étudier le comportement de nouvelles géométries. Un prototype de micro-miroir déformable comportant neuf actionneurs de ce type est analysé expérimentalement. La capacité de cette classe de composant à être intégrée dans un système d’optique adaptative est évaluée à partir de la mesure des fonctions d’influences. Une électronique, développée par la société Shaktiware pour ce projet, est utilisée afin de rendre linéaire la réponse de ce miroir. La modélisation de ce prototype, permet de prédire le comportement de nouveaux composants. Une caractérisation « système » du miroir déformable « OKO » réalisée dans le cadre du projet Falcon clôt cette thèse.

La haute résolution angulaire est un sujet d’excellence pour la recherche expérimentale. Jusqu’à la fin des années 80, le diamètre des télescopes augmentait sans avoir de conséquence sur la résolution des images astronomiques. Le flux reçu augmentait avec le carré du diamètre mais la résolution restait celle d’un télescope du siècle dernier, celle-ci ne dépendant que de la qualité de l’atmosphère sur le site d’implantation du télescope. En 1953, il avait été proposé que l’on puisse corriger les aberrations introduites par l’atmosphère, mais il a fallu attendre 1991 et le projet COME-ON pour que ce rêve devienne une réalité, [1][2]. Depuis dans le monde entier, progressivement tous les télescopes s’équipent de systèmes d’optique adaptative. Le système d’optique adaptative le plus performant à l’heure actuelle est le système VLT/NAOS placé sur un des télescopes du VLT au Chili, [3][4].

Gain dû à l’optique adaptative
L’optique adaptative a révolutionné l’astronomie au sol, [5]. Les avancées des observations astronomiques avec optique adaptative par rapport à des observations limitées par la turbulence sont les suivantes :
• Résolution angulaire : la limite de la diffraction peut être atteinte, ce qui correspond à un gain sur la résolution angulaire qui va de 10 à 100 suivant la longueur d’onde
• Sensibilité : la lumière étant plus concentrée, le rapport signal sur bruit est amélioré. Au final trois, voire plus, magnitudes peuvent être gagnées.
• Gamme dynamique : cas d’observation de compagnons d’étoiles. Dans le cas limité par la turbulence un objet situé à 3’’ de l’étoile doit être au minimum 2000 fois moins intense que la source, dans le cas d’un télescope équipé d’optique adaptative cette dynamique peut atteindre 10⁴ à 10⁵ .
• Cohérence : l’optique adaptative corrigeant le front d’onde, la phase est mieux contrôlée et il devient plus aisé de faire interférer les faisceaux issus de deux télescopes. La cohérence entre les deux faisceaux a sensiblement augmenté.

Découvertes astronomiques
Toutes ces avancées dans l’observation du ciel ont permis des découvertes astronomiques majeures dans l’étude du système solaire, des systèmes d’étoiles et de la matière circumstellaire, [6]. Dans le système solaire, les résultats marquants sont l’observation depuis la terre du volcanisme de Io et de phénomènes météorologiques sur Neptune. Il est désormais possible de résoudre les étoiles multiples ou les amas compacts. L’environnement circumstellaire est l’objet idéal à étudier avec l’optique adaptative, le cas le plus connu est l’observation du disque proto-planétaire de l’étoile β Pictoris. L’étude des galaxies reste toutefois difficile par manque d’étoiles de référence. Récemment, le système VLT/NAOS a permis des découvertes astronomiques majeures comme la mise en évidence de la présence d’un trou noir au centre de notre galaxie et la première imagerie directe d’une planète extra-solaire, .

Table des matières

Chapitre 1 Optique adaptative et miroirs déformables
1.1 Motivations astronomiques
1.1.1 Haute résolution angulaire
1.1.2 Télescopes extrêmement grands
1.1.3 Optique adaptative pour les télescopes extrêmement grands
1.2 Optique Adaptative de nouvelle génération
1.2.1 L’optique adaptative
1.2.2 Limitations actuelles
1.2.3 Futurs systèmes
1.3 Introduction aux correcteurs de front d’onde
1.3.1 Différents correcteurs de front d’onde
1.3.2 Miroirs segmentés ou continus?
1.3.3 Plaque liée ou libre ?
1.3.4 Caractéristiques d’un miroir déformable
1.3.5 Le correcteur de front d’onde en optique adaptative
1.3.6 Les télescopes extrêmement grands : Influences sur les miroirs déformables
1.3.7 Optique adaptative à deux étages
1.3.8 Conclusion
1.4 Miroirs déformables conventionnels
1.4.1 Miroirs déformables piézo-électriques (SAM)
1.4.2 Miroir bimorphe
1.4.3 Actionnement électromagnétique
1.5 Conclusion
1.6 Annexe : Polynômes de Zernike
1.6.1 Expression mathématique
1.6.2 Description
1.7 Références
Chapitre 2 MOEMS et micro-miroirs déformables
2.1 Les MOEMS
2.1.1 Procédé classique
2.1.2 Micro-usinage de volume
2.1.3 Micro-usinage de surface
2.1.4 Matrice de micro miroir de Texas Instrument
2.2 Les micro-miroirs déformables
2.2.1 Miroir à membrane
2.2.2 Micro-miroirs segmentés
2.2.3 Micro-miroir à plaque continue
2.3 Projet de micro-miroir déformable
2.3.1 Principe
2.3.2 Procédé PolyMUMPS
2.3.3 Procédé « L.A.A.S. »
2.4 Conclusion
2.5 Références
Chapitre 3 Simulations
3.1 Etude analytique
3.1.1 Les forces en actions
3.1.2 Etudes de cas
3.2 Modèles par éléments finis
3.2.1 Méthode des éléments finis
3.2.2 Principe d’utilisation
3.2.3 Problème de maillage
3.2.4 Simulation de plaques minces
3.2.5 Simulation de micro-miroirs déformables
3.3 Conclusion
3.4 Références
Conclusion

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