Micro-seismic monitoring of a floating ice plate to characterize its deformation 

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Le critère de Mohr-Coulomb

Bien que la physique derrière le critère de Mohr-Coulomb reste mal connue, il permet d’expliquer de façon convaincante, bien qu’imparfaite, les observations faites en méca-niques des solides.
Le critère de Mohr-Coulomb peut s’appliquer à deux cas distincts, la rupture d’un échan-tillon initialement intact et le glissement frictionnel le long d’une interface pré-existante. Dans ce modèle, la contrainte de cisaillement est reliée à la résistance du matériau : = C + ( n p) (1.3) avec la contrainte de cisaillement, C la cohésion du matériau, le coefficient de fric-tion, n la contrainte normale, et p la pression interstitielle. La contrainte de cisaille-ment appliquée dans un plan donnée est la combinaison de la cohésion du matériau et d’une contrainte proportionnelle à la contrainte normale. Pour un matériau sain, cor-respond au coefficient de friction interne, et la macro-rupture apparaît le long du plan ou j j ( n p) est maximal et supérieure à la cohésion du matériau (Handin, 1969; Savage et al., 1996). Dans un matériau intact, le coefficient de friction interne est un concept mal défini puisque le glissement macroscopique est nul ou négligeable avant le rupture. Il peut être vu comme la pente de l’enveloppe de rupture (tan( )). Une fois la macro-rupture formée, C est négligeable. Dans ce cas, le critère de Coulomb se réduit à la deuxième loi d’Amonton : = ( n p), étant le coefficient de friction le long de l’interface nouvellement créée.
Le critère de Mohr-Coulomb (équation 1.3) représente la résistance en cisaillement en fonction de la cohésion du matériau et de la contrainte normale. Bien qu’il soit possible de modéliser le glissement instable le long de l’interface, les mécanismes en jeu ne sont pas observés lors du glissement instable le long des failles. De plus, aucune dépendance à la vitesse de déformation, au temps ou au glissement n’est prise en compte. Ce modèle n’est donc pas capable d’expliquer les mécanismes à l’origine des séismes : glissement asismique et nucléation de la rupture.

Le modèle « Rate-and-State »

En supposant que les séismes correspondent uniquement à un glissement le long d’une faille pré-existante, les mécanismes d’instabilité frictionnelle sont pertinents pour carac-tériser les mécanismes de nucléation des séismes. Dans le modèle Rate-and-State, l’insta-bilité du glissement s’explique par le fait que, lorsque la résistance de la faille est atteinte, l’incrément de vitesse associé à la rupture et à l’initiation du glissement réduit la résis-tance de la faille plus vite que la contrainte disponible pour cisailler. Le glissement peut donc accélérer et se propager (Byerlee, 1970; Dieterich, 1979a,b).
Figure 1.2 – Description schématique du modèle patin-ressort utilisé de façon classique pour modéliser les instabilités de glissement. Les lois dites « Rate-and-State » sont basées sur ce modèle mécanique.
A partir d’expériences de type « patin-ressort » (figure 1.2), Brace and Byerlee (1966) ont montré qu’un séisme, plutôt que d’être dû à l’initiation et la propagation d’une fracture, correspondrait au glissement soudain le long d’une faille pré-existante où la friction joue un rôle important. Ces expériences consistent à étudier le mouvement de deux blocs (au autre) de roche mis en contact et glissant l’un contre l’autre sous différentes conditions de chargement. Dans ce modèle, comprendre l’évolution de la friction est essentiel pour modéliser les mécanismes qui contrôlent la dynamique des failles, puisque la résistance au glissement est contrôlée par les propriétés de friction de l’interface.
A la suite des travaux originaux de Brace and Byerlee (1966), Dieterich a réalisé de nombreuses nouvelles expériences (Dieterich, 1972, 1978, 1979a,b) pour lesquelles la résis-tance au glissement est contrôlée par le coefficient de friction , ratio entre la résistance en cisaillement et la contrainte normale . Le coefficient de friction statique, s, corres-pondant à la valeur maximale du coefficient de friction mesuré lors d’un changement de vitesse, d correspondant à la valeur du coefficient de friction lors du glissement. Il a ainsi montré que : 1) s est supérieur au coefficient de friction dynamique, d ; 2) s augmente de façon logarithmique avec le temps entre deux glissements imposés (Dieterich, 1972) (figure 1.3.a) ; 3) lors d’un changement de vitesse, en réponse à une augmentation (resp. une diminution) de la vitesse de glissement, s augmente (resp. décroît) avant d’atteindre un nouvel état d’équilibre caractérisé par une nouvelle vitesse de glissement constante (Dieterich, 1978, 1979a,b) (figure 1.3.b). Ce comportement est appelé « effet direct » et va-rie avec le logarithme de la différence de vitesse.
Ces expériences ont permis de développer un nouveau cadre théorique utilisé pour mo-déliser la nucléation des séismes. Ces relations décrivant les variation de résistance de l’interface sont basées sur l’évolution du coefficient de friction et définissent le modèle « Rate-and-Sate » (RS) (Dieterich, 1979a,b; Ruina, 1983) : =  » 0 + aln V0 ! + bln Dc !# (1.4) où 0 est une constante, V0 la vitesse de glissement imposée, V la vitesse de glissement frictionnelle, a et b sont des constantes déterminées empiriquement décrivant la stabilité de l’interface (figure 1.3.b), Dc est considéré comme la distance nécessaire pour renou-veler les contacts, et est la fonction d’état dont la forme dépend du modèle utilisé. La fonction d’état permet de prendre en compte les changements de friction dus aux re-nouvellement des contacts. En fonction de la dépendance en temps ou en glissement de différentes fonctions ont été identifiées. Les deux fonctions d’état les plus classiques sont présentées ci-après. Dans le premier cas, le nombre de contacts est principalement contrôlé par le temps :  V = 1 (1.5) Dc
Dans le deuxième cas, le nombre de contacts est contrôlé principalement par la vitesse et le glissement (Ruina, 1983) := Dc ln Dc ! (1.6)
Quand on se place en régime stationnaire ˙ = 0, les deux fonctions d’état conduisent à la même expression notée ss(v) = Dc=v. La résistance en cisaillement s’écrit alors : ss =  » 0 + (a b)ln v0 !# (1.7)
Il est important de noter que, dans le cadre du modèle RS, la cohésion est considérée comme nulle et la résistance de la faille n’est dépendante que du coefficient de fric-tion.
Lors des expériences, deux types de glissements différents ont été observés en fonction des conditions de chargement imposées. Le premier, correspondant au glissement uni-forme le long de l’interface est caractérisé par une vitesse de glissement constante en réponse au chargement imposé. Ce type de comportement est observé dans le cas où le coefficient de friction dynamique augmente avec la vitesse imposée. Dans ce régime, une fracture ne peut ni s’initier ni se propager, le glissement est accommodé de façon asis-mique. Le second correspond à un glissement saccadé, intermittent le long de l’interface. Ce type de glissement est observé lorsque que le coefficient de friction dynamique dimi-nue avec la vitesse de glissement imposée. Dans ce régime, une fracture peut s’initier et se propager, il est donc un bon candidat pour modéliser la nucléation des séismes.
Le type de glissement observé est contrôlé par trois paramètres, (a b), Dc et k (la rigidité du système). Dans le cas où (a b) 0, d augmente avec la vitesse imposée, le glissement est stable. A l’inverse, lorsque (a b) < 0, d diminue avec la vitesse. Dans ce cas, deux dif-férents régimes sont observés, le régime instable et le régime conditionnellement stable. La transition entre l’un est l’autre est contrôlée par la valeur de la contrainte normale. Considérant un modèle de type patin-ressort, la contrainte seuil th est dépendante de la rigidité du système k, Dc et (a b) : th = kDc (1.8)
Si n > th alors le glissement est instable. Si n < th le glissement est conditionnellement stable : stable lorsque le glissement est quasi-statique ou bien que le changement de vi-tesse est inférieur à une valeur limite ; instable si le changement de vitesse est supérieur à cette limite.
Un séisme ne peut s’initier que dans une zone instable, peut se propager dans une zone instable ou conditionnellement stable (sous conditions). Un séisme qui se propage dans une zone stable sera stoppé.

Glissement sismique et asismique

A l’échelle d’une aspérité

Une faille est modélisée comme un plan 2D dans lequel les propriétés de stabilité va-rient. Des zones résistent au glissement imposé puis cassent, i.e. les aspérités, alors que d’autres glissent librement. Ces aspérités sont incluses dans un milieu qui glisse libre-ment, de façon stable (asismique), en réponse au chargement imposé. A l’interface entre les deux zones, il existe une zone où le glissement est conditionnellement stable (figure 1.4.a).
A l’échelle d’une aspérité, pendant la période inter-sismique, le glissement asismique dans la zone stable et conditionnellement stable impose une déformation sur l’aspérité. Lorsque la contrainte accumulée est trop importante par rapport à la résistance de l’aspé-rité, celle-ci casse, le glissement s’initie et se propage dans la zone instable et condition-nellement stable. Cela correspond au glissement cosismique associé aux séismes. Une fois le glissement terminé, l’aspérité se renforce, lui permettant d’accumuler à nouveau de la contrainte. Le changement de l’état de contrainte induit par le glissement de l’aspérité peut conduire à la rupture d’autres aspérités situées à proximités.
Dieterich (1972, 1978) puis Dieterich and Kilgore (1994) ont montrés expérimentalement que la résistance de l’interface augmente avec le logarithme du temps entre deux glisse-ments. Le renforcement est associé au fluage des aspérités qui augmentent la surface de contact et la résistance frictionnelle de l’interface.

Le couplage sismique

A l’échelle d’une faille, le glissement imposé peut être accommodé soit par un glissement asismique, soit par un glissement sismique. Le ratio entre les deux est quantifié par le coefficient de couplage = 0 (ou = Us=Ut). Le moment sismique libéré sur le plan M˙0t de glissement M˙0s est comparé au moment sismique imposé par le chargement tectonique M˙0t. Lorsque l’ensemble du glissement imposé est libéré de façon sismique = 1, la faille est complètement couplée. Lorsque que < 1, il existe un déficit entre le glissement im-posé et le glissement libéré de façon sismique, 1 du chargement tectonique est accom-modé de façon asismique. Si = 0, la faille est complètement découplée, le chargement tectonique est accommodé de façon purement asismique.
Les failles intra-plaque présentent presque toutes un couplage proche de 1. Dans les zones de subduction, le coefficient de couplage varie fortement avec ’ 1 dans la ré-gion du sud du Chili, et ’ 0 dans l’arc des Mariannes. De façon globale, varie entre ’ 10 30% (avec d’importante variations spatiales et temporelles), une proportion im-portante du glissement est donc accommodée de façon asismique dans les zones de sub-duction (Pacheco et al., 1993; Nishimura et al., 2000; Uchida et al., 2003). Le segment de Parkfield de la faille de San Andreas est connu pour être un exemple de faille qui glisse très majoritairement de façon asismique. De la même façon, certains rifts océaniques pré-sentent un couplage très faible avec ’ 1% (Cowie et al., 1993).
L’interface d’une zone fortement couplée a une part importante de sa surface couverte par des aspérités. Dans cette zone, le glissement va être essentiellement accommodé par des séismes de grande magnitude. A l’inverse, une zone faiblement couplée, ou découplée, a une faible part de sa surface couverte par des aspérités. Celle-ci glisse essentiellement de manière asismique et les séismes enregistrés sont de petites tailles (figure 1.4.b).
Connaître le couplage sismique d’une zone est nécessaire pour mesurer le déficit de glis-sement et donc estimer la magnitude du plus gros séisme possible dans la zone. Cepen-dant le concept de couplage sismique et le lien entre la taille des plus gros séismes observables sur la zone restent qualitatif. Notamment, l’estimation du couplage sismique peut souffrir d’un important biais d’échantillonnage. En effet, le moment sismique libéré (ou le glissement sismique) estimé sur une période donnée est fortement dépendant de la présence ou non de séismes de grande tailles dans la zone étudiée. Par exemple, avant le séismes de Tohoku-oki (2011), le déficit de glissement estimé ne correspondait pas à la sismicité observée. Dans cette zone, le temps de retour d’un séisme de magnitude M9 était estimé à 200-300 ans. Cependant, aucun séisme de cette taille avait été constaté dans les siècles précédent. Des études paléosismologiques ont permis de déterminer que le der-nier séisme de magnitude M9 avait eu lieu environ au neuvième siècle. Depuis, le cycle sismique est achevé, et le glissement libéré par le séisme de 2011 permet d’expliquer le déficit de glissement qui était observé.
Pour limiter ce biais, lors de l’étude de la relation entre sismicité et vitesse de charge-ment, des études récentes utilisent la sismicité de fond, qui correspond au taux de séismes après avoir enlevé les répliques, pour étudier le liens entre sismicité et vitesse de charge-ment. Bird et al. (2009) avancent qu’il existe une relation non linéaire entre la sismicité (en nombre de séismes) et la vitesse de convergence (figure 1.5.a). Plus récemment, Ide (2013) soutient l’existence d’une corrélation positive entre la vitesse de convergence et la sismicité de fond, la force de la corrélation étant variable d’une zone de subduction à une autre (figure 1.5.b).
Les relations observées dans les zones de subduction ne sont pas valides de façon glo-bale. On observe une variabilité importante de ce lien en fonction des types de failles ou des zones géographiques étudiées. Quelques exemples non-exhaustifs sont données ci-après. Le long des dorsales océaniques, la sismicité apparaît comme négativement corrélée avec la vitesse de glissement (Bird et al., 2002; Bird and Kagan, 2003). Sobolev and Rundquist (1999) ont mis en avant une diminution du moment sismique libéré le long des rifts avec l’augmentation de la vitesse d’ouverture. Une augmentation de la sismicité avec l’augmentation transitoire du taux de glissement le long du segment de Parkfield de la faille de San Andreas a été observée par Nadeau and McEvilly (1999). Le couplage sismique observé semble donc être dépendant également des mécanismes à l’origine des séismes.

Le cas particulier des transitoires de glissement asismique

Les « Slow Slip Events » (SSEs) ou « séismes silencieux » sont des épisodes de glissement asis-mique transitoire qui peuvent durer plusieurs heures ou jours. Les durées, les vitesses et le moment sismique relaxé sont différents des séismes habituellement rencontrés (figure 1.6). Le changement de l’état de contrainte de la zone environnante peut déclencher des séismes tant que le SSE a lieu dans une zone sismiquement active.
L’augmentation de la sismicité en lien avec les SSEs a été observée dans de nombreuses zones de subduction (Ozawa et al., 2003; Delahaye et al., 2009; Vidale et al., 2011; Vallée et al., 2013; Hirose et al., 2014; Reverso et al., 2016; Gardonio et al., 2018). Une relation linéaire entre le taux de séismes et le glissement asismique a également été mise en évi-dence par Reverso et al. (2016) dans la région de Boso, Japon.
Dans le cas du Japon, plusieurs épisodes de glissement ont été détectés en utilisant les essaims sismiques comme des marqueurs du glissement (Hirose et al., 2014). Ces essaims sont dans certains cas associés à la rupture de la même zone sismique (Ozawa et al., 2003; Hirose et al., 2014). La rupture répétée d’une même aspérité peut être détectée en cher-chant les séismes ayant des formes d’ondes similaires. En effet, chaque aspérité possède des propriétés uniques qui permettent de l’identifier. La rupture répétée d’une aspérité et d’aspérités proches va générer un essaims de séismes ayant tous une forme d’onde for-tement similaire. Un tel groupe de fractures est appelé multiplet. Lorsque l’ensemble des séismes sont générés par une seule aspérité, on parle de séismes répétitifs ou « repeaters ». Gardonio et al. (2018) ont utilisé des repeaters dans la zone de Boso, Japon, pour caracté-riser deux épisodes de glissement lents auparavant inconnus. A des échelles plus petites, des multiplets sont parfois détectés sous les glaciers et sont associés à la rupture succes-sive d’une aspérité due au glissement du glacier sur le socle rocheux (Helmstetter et al., 2015; Allstadt and Malone, 2014). En laboratoire, les multiplets ont été utilisés pour suivre la propagation de ruptures dans des essais mécaniques dans des métaux (Deschanel et al., 2017). Dans un contexte volcanique, des séismes déclenchés par des épisodes de glissement tran-sitoires ont été observés sur le flanc sud du Kilauea, Hawaii (Segall et al., 2006; Montgomery-Brown et al., 2009, 2013). Segall et al. (2006) ont montré que l’augmentation de la sismicité associée aux épisodes de glissements transitoires (figure 1.7) peut être expliquée par un changement du taux de contrainte.
Dans la cas du Kilauea, les SSEs semblent survenir dans la zone de transition entre une région sujette aux séismes et une région asismique. Liu and Rice (2005) ont montré nu-mériquement qu’en appliquant un modèle Rate-and-State à une zone de subduction mo-délisée en 3D, des augmentations transitoires de la vitesse de chargement sont observées entre la zone de glissement instable et la zone de glissement stable.

Mécanismes de renforcements

L’existence du cycle sismique nécessite que la faille ait la possibilité de se consolider/-renforcer après une rupture. En effet, l’accumulation de contrainte ne peut se faire que si la faille a la capacité de résister à la déformation imposée par le chargement tectonique. Cette phase de renforcement des failles est observée dans le cas de séismes crustaux et a été explorée en laboratoire.

Observations

Li et al. (1998) ont montré lors de deux campagnes de mesures (1994 et 1996) que les vitesses des ondes P et S avaient varié après le séisme de Landers (1992). La différence de temps d’arrivée mesurée entre deux réseaux déployés de part et d’autre de la faille a diminué entre 1994 et 1996. Cette augmentation de la vitesse des ondes P et S a été attribuée à la fermeture des fractures qui avaient été ouvertes par le séisme de 1992. En analysant le fractionnement des ondes S, Tadokoro et al. (1999); Tadokoro and Ando (2002), ont mis en évidence la cicatrisation rapide (dans les 3 ans) des fractures qui se sont ouvertes lors du séisme de Kyogo-gen Nanbu (1995, zone de faille de Nojima). Après la rupture, les ondes de cisaillement les plus rapides étaient orientées parallèlement à la faille, indiquant que les fractures orientées selon cet axe étaient majoritaires dans la zone de déformation. Après une période de 33 à 45 mois, l’étude de l’anisotropie des ondes S indiquait que les ondes polarisées les plus rapides étaient parallèles à la direction du maximum de contrainte normale (figure 1.8). Ce changement d’orientation avec le temps indique que les fractures qui ont été ouvertes lors du séismes se sont refermées durant cette période. A partir de forages réalisés dans la zone de faille de Nojima, il a été montré que la fermeture progressive des fissures était associée à des processus de précipitation et cémentation (Moore et al., 1999).
Le renforcement d’une faille pendant la période inter-sismique est dépendant du temps et est associé à des processus de cohésion en plus des renforcement liés aux propriétés de friction de l’interface. Le temps de récurrence entre deux séismes va donc jouer un rôle es-sentiel dans la capacité de la faille à résister au chargement tectonique et sur l’amplitude de la chute de contrainte associée à la rupture. L’augmentation de la résistance de la faille avec le temps de récurrence a été mis en évidence à partir de séismes de grandes tailles (Kanamori and Allen, 1986), de la différence entre les séismes inter-plaque et intra-plaque (Scholz et al., 1986), ainsi qu’à partir de petits séismes répétitifs (multiplets) (Vidale et al., 1994; Marone et al., 1995). Une augmentation de la chute de contrainte de l’ordre de 1 à 4 MPa par décade a été observée par Kanamori and Allen (1986) et Marone et al. (1995).

Représentation en laboratoire

Les mécanismes de renforcement des failles observés durant la période inter-sismique ont été testés en laboratoire. A travers les différentes études réalisées, deux types de méca-nisme sont étudiés. D’un côté le renforcement dû à l’évolution des propriétés de friction (« frictional healing »), et de l’autre le gain de cohésion le long de l’interface (« cohesion healing »). Ces deux mécanismes conduisent donc a deux processus différents, friction et rupture, les expériences de friction ayant conduit au modèle Rate-and-State.

Renforcement des propriétés de friction

Les expériences de type patin-ressort, utilisées pour développer le modèle Rate-and-State, consistent dans la plupart des cas en des expériences de friction sèche, sur une zone de glissement préparée expérimentalement, avec dans certains cas la présence de gouge dans le plan de glissement. L’impact du temps de récurrence sur la résistance de la faille est classiquement étudié par des expériences dite « Slide-Hold-Slide » qui consistent à imposer un glissement à une vitesse donnée, puis le stopper pendant une certaine du-rée avant de recommencer un nouveau cycle. Dans ce cas, le temps de récurrence entre deux ruptures n’est pas contrôlé par la compétition entre le chargement et la cicatrisa-tion, il est imposé. Durant cette phase, aucun glissement n’est imposé, ce qui correspond à l’absence de déplacement observé sur une aspérité qui résiste. Dans le modèle Rate and State, le renforcement de la faille après une rupture est considéré comme étant dû à l’augmentation de la surface de contact à cause du fluage des aspérités (Dieterich, 1972; Dieterich and Kilgore, 1994). L’augmentation du coefficient de friction statique observé est généralement entre 5% et 10% par décade.
Une dépendance de l’évolution du coefficient de friction statique, i.e., du renforcement, à la vitesse de chargement a été mise en évidence par Marone (1998). Une augmentation de la vitesse d’un ordre de grandeur a un effet similaire à l’allongement du temps de récurrence d’un ordre de grandeur. De plus, en modélisant la rupture en utilisant des vitesses sismiques et tectoniques similaires à celles observées en sismologie, le comporte-ment est proche de ce qui est observé à partir des séismes répétitifs (figure 1.9). Le retard dans l’augmentation du coefficient de friction dans le modèle est comparable à ce qui est observé dans la croûte, le glissement post-sismique entrant en compétition avec les mécanismes de renforcement (frictionnels ou cohésifs).

Mécanismes de cohésion

Nous avons vu jusqu’à maintenant que les séismes sont généralement considérés comme un glissement instable le long d’une faille dont les variations de résistance sont modéli-sées par des changements du coefficient de friction. Alors que le modèle Rate-and-State permet de modéliser les caractéristiques de la nucléation des séismes et le cycle sismique, les changements du coefficient de friction statique mis en évidence par les expériences de Slide-Hold-Slide ne permettent pas d’expliquer les variations observées de la résistance des failles (Scholz et al., 1986; Marone et al., 1995; Scholz, 2002).
Pour mimer les processus de cicatrisation observés dans les zones de déformation après un séisme, des expériences de friction avec gouge, en absence ou en présence d’eau, ont été réalisées. En introduisant de la gouge (quartz et gypse) dans le plan de faille, Karner et al. (1997); Muhuri et al. (2003) ont étudié l’impact de la cohésion sur l’évolution de la résistance au cisaillement. En plus de l’augmentation de la surface de contact associée au fluage des aspérités, les réactions chimiques permises par la présence d’eau conduisent à l’augmentation de la cohésion de l’interface par des processus de recristallisation, frittage et lithification. Ces processus sont absents dans le cas d’expériences de friction sur gouge sèche. Muhuri et al. (2003) observent une augmentation en ln(t) de la cohésion avec le temps de récurrence (en supposant un coefficient de friction constant). Les variations des propriétés de friction ne sont donc pas les seules responsables du renforcement d’une faille durant la période inter-sismique.
Figure 1.10 – Images par microscopie électronique à balayage de la zone de cisaillement avant et après la cicatrisation induite par la présence d’eau et les hautes températures (6 heures à 927 C) (Tenthorey and Cox, 2006). La gouge s’est consolidée et les fractures ont en parti cicatrisé. Les fissures visibles sur l’image à droite sont dues à la décompression de l’échantillon.
Figure 1.11 – Évolution de la cohésion et de la chute de contrainte avec le temps de récurrence lors d’expériences étudiant le rôle de la cohésion sur le renforcement des zones de faille par Tenthorey and Cox (2006).
Tenthorey and Cox (2006) ont étudié l’impact de la cohésion induite lors de réactions hy-drothermales sur des échantillons préalablement fracturés lors d’essais de compressions. Les propriétés de la fractures sont donc proches d’une fracture naturelle. Les mécanismes de cicatrisation obtenus permettent de reproduire la fermeture des fractures observée dans la croûte terrestre (e.g. avant et après cicatrisation, figure 1.10). L’augmentation de la cohésion mesurée lors de ces expériences montre une dépendance en loi puissance avec le temps (figure 1.11). Cette relation est différente de ce qui est classiquement ob-servé dans les mécanismes de frictional healing. En réutilisant les données de Kanamori and Allen (1986), les auteurs proposent également que l’augmentation de l’amplitude de la chute de contrainte, donc de la résistance de la faille, avec le temps soit modélisée par une loi puissance, de façon similaire à ce qu’ils observent pour la cohésion. Cependant, dans l’étude menée par Tenthorey and Cox (2006) la résistance obtenue est supérieure à ce qui est observée.
Ces études montrent que la cohésion peut jouer un rôle significatif dans le renforcement des zones de faille durant la période inter-sismique, et permet notamment d’expliquer les différences de résistance observées par rapport à celles mesurées dans le cas où seule la friction est prise en compte. Les processus de cicatrisation font que l’initiation du glisse-ment requiert la fracture d’un milieu cicatrisé (figure 1.10.b). Par conséquent, une repré-sentation appropriée des mécanismes de nucléation des séismes doit également prendre en compte la rupture d’un matériau sain.
Le rôle de la cohésion dans l’évolution des propriétés mécaniques d’une zone de faille a été exploré par Weiss et al. (2016). Dans cette étude, un chargement stationnaire est imposé le long d’une faille formée dans une plaque de glace et la cohésion est obtenue par le regel de l’eau. L’évolution de la résistance de la faille avec le temps résulte dans ce cas de la compétition entre les processus de cicatrisation et la vitesse imposée qui contrôle l’endommagement. Cette situation diffère donc de ce qui est classiquement fait lors des expériences Slide-Hold-Slide, qu’il y ait ou non de la cohésion. De façon similaire à ce qui est observé dans la croûte terrestre, plus la vitesse de chargement est lente, plus l’amplitude des chutes de contrainte est grande. L’amplitude des chutes de contrainte, ainsi que la résistance moyenne de la zone de faille, décroît en loi puissance avec la vitesse de chargement imposée. Ce type de comportement ressemble à ce qui est observé par Muhuri et al. (2003); Tenthorey and Cox (2006) dans le cas d’expérience de type Slide-Hold-Slide où la cicatrisation de l’interface est modélisées.

Table des matières

1 Introduction 
1.1 le Cycle Sismique
1.1.1 Une définition
1.1.2 Caractérisation de la sismicité
1.1.3 L’apport des études en laboratoire
1.2 Modélisation
1.2.1 Le critère de Mohr-Coulomb
1.2.2 Le modèle « Rate-and-State »
1.3 Glissement sismique et asismique
1.3.1 A l’échelle d’une aspérité
1.3.2 Le couplage sismique
1.3.3 Le cas particulier des transitoires de glissement asismique
1.4 Mécanismes de renforcements
1.4.1 Observations
1.4.2 Représentation en laboratoire
1.5 En résumé
2 Méthodes expérimentales 
2.1 Dispositif expérimental
2.2 Formation de la faille : contrainte de cisaillement et taux de déformation
2.3 Préparation de la plaque
2.3.1 Contrôle de la microstructure
2.3.2 Température et épaisseur de glace
2.4 Mesures micro-sismiques
2.4.1 Ondes guidées dans une plaque flottante
2.4.2 Suivi micro-sismique de la déformation
2.5 Limites et améliorations
2.5.1 Dispositif de cisaillement : limites et améliorations possible
2.5.2 Limites du système d’acquisition micro-sismique
2.5.3 Mesures additionnelles
2.6 En résumé
3 Micro-seismic monitoring of a floating ice plate to characterize its deformation 
3.1 Résumé
3.2 Introduction
3.3 Methods
3.3.1 Experimental setup
3.3.2 Micro-seismic measurements
3.3.3 Quantifying seismic moment and magnitude
3.4 Results
3.4.1 Global torque and seismicity characteristics
3.4.2 Characterizing the fracture sizes distribution
3.4.3 Clustering in time and space, and triggering
3.4.4 Relation between torque drops and fracture magnitude
3.4.5 Seismic coupling coefficient and energy balance
3.5 Discussion
3.5.1 Large b-value : possible physical interpretations ?
3.5.2 Implications for the deformation dynamics
3.5.3 Could one estimate a coupling coefficient ?
3.5.4 Swarm-like behavior
3.6 Conclusion
4 Deformation and seismicity dependence upon slip-rate 
4.1 Résumé
4.2 Introduction
4.3 Data and processing
4.4 Torque time series and dependence on driving rate
4.4.1 Fault weakening with slip rate
4.4.2 Driving rate dependence of the torque fluctuations
4.5 Impact of slip rate on seismicity
4.5.1 Characterizing the frequency-magnitude distributions
4.5.2 Evolution of the fracture rate and fault coupling with slip rate
4.6 Correlation between torque, fracture magnitude and slip rate
4.6.1 Scaling between change in torque and fracture magnitude
4.6.2 Torque drops dependence upon the slip rate
4.7 Discussion and conclusion
5 Caractérisation des multiplets : distribution et mécanismes 
5.1 Introduction
5.2 Méthodes
5.3 Distribution spatiale
5.4 Organisation temporelle
5.5 Distribution des moments sismiques
5.6 Comportement individuel
5.6.1 Des aspérités qui résistent
5.6.2 Des fractures qui se propagent ?
5.7 Discussion & Conclusion
6 Etude perspective : Une expérience de type « Slide-Hold-Slide » 
6.1 Introduction
6.2 Méthodes
6.3 Couple et taux de fracturation
6.4 Distribution en magnitude
6.5 Distribution spatiale et temporelle
6.6 Discussion & conclusion
7 Conclusion 
7.1 Mise en place du suivi micro-sismique
7.2 Comment la déformation est-elle accommodée?
7.3 Comment la vitesse de chargement impacte-elle la déformation ?
7.4 Perspectives

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