Mise au point de la méthodologie de traitement des données

La mise en place des IUFM a suscité une réflexion sur le métier d’enseignant notamment à travers l’élaboration de dispositifs de formation. Dans cette perspective, les recherches se sont développées en didactique des mathématiques autour des pratiques enseignantes. Dans le premier degré, le maître constitue une des “variables” de l’apprentissage des élèves et étudier son rôle est un enjeu important qui justifie l’étude des pratiques des enseignants en classe. De plus, le constat de difficultés de transmission et de reproduction des ingénieries didactiques ont motivé un certain nombre de ces recherches. Ainsi en témoignent les travaux sur l’évaluation – dans le cadre de classes ordinaires– de l’impact des pratiques d’enseignement des mathématiques sur les connaissances en construction des élèves (Hersant, 2001). Le colloque sur « Les effets des pratiques enseignantes sur les apprentissages des élèves » organisé par le Pôle Centre-Est des IUFM, en mai 2007, était consacré aussi à l’analyse de ces effets sur les apprentissages. Un autre enjeu de ces recherches est celui des effets de la formation sur les pratiques (Masselot, 2000, Vergnes, 2001) Quelle que soit l’intention affichée, les didacticiens des mathématiques sont amenés à construire des modèles d’analyse pour décrire les pratiques enseignantes. Certains de ces modèles empruntent des concepts issus de l’ergonomie cognitive et c’est dans cette perspective que nous situons notre travail. Notre intention est de contribuer à l’étude de la genèse des pratiques et ici le mot “pratiques” désigne « tout ce que l’enseignant met en œuvre avant, pendant, et après la classe (conceptions activées au moment de la préparation des séances, connaissances diverses, discours mathématique et non mathématique pendant la classe, gestes spécifiques, corrections de productions d’élèves etc.). (Robert et Rogalski, 2002, p.506).

Il s’agit donc d’étudier les pratiques enseignantes non pas à partir de cadres généraux qui analysent l’enseignant d’un point de vue générique mais de prendre en compte un individu donné et de s’intéresser aux contraintes auxquelles il doit faire face ainsi qu’aux marges de manœuvres dont il dispose. L’enseignant est abordé en tant que personne qui exerce un métier et sur le plan théorique, il est admis que ses pratiques sont « complexes, stables et cohérentes ». (ibid, p. 508)  .

Les chercheurs en didactique des mathématiques se sont intéressés aux pratiques effectives d’enseignants anciens dans le métier mais peu se sont interrogés sur ce qui se passe au moment où les enseignants commencent à enseigner voire avant leur prise de fonction, au moment de leur formation à l’IUFM. Or, les questions que nous évoquions et qui se posent pour le formateur correspondent à un objet d’étude pour le chercheur : celui de la genèse des pratiques enseignantes.

Empruntant à la didactique professionnelle l’idée selon laquelle l’analyse du travail est un préalable nécessaire à l’amélioration de dispositifs de formation, notre intention est d’étudier comment se développent les pratiques en formation initiale et au moment où les enseignants entrent dans le métier ?

De manière générale, comme le soulignent Adler et al. (2005) dans un article visant à faire le point sur les recherches portant sur la formation des enseignants, on sait peu de chose sur la manière avec laquelle les enseignants tirent partie de leur expérience.

Il convient donc d’observer comment les enseignants utilisent leurs premières expériences, initient ce qui deviendra leurs pratiques futures de l’enseignement des mathématiques.

Parmi les travaux de recherche menés, en didactique des mathématiques, autour des pratiques enseignantes, citons ceux menés dans la perspective d’une double approche développée par Robert et Rogalski (Robert, 1996, 2001, 2003, Robert et Rogaski, 2002).

Ces travaux s’appuient sur une hypothèse (classique en didactique des mathématiques, notamment si l’on se réfère à la Théorie des Situations de Brousseau (1986)) selon laquelle l’apprentissage des élèves dépend, en partie, des situations que leur propose le maître et par conséquent de ses choix. L’objectif initial de cette double approche est d’étudier pour mieux les comprendre ces liens entre enseignement et apprentissage. Le point de vue développé est basé sur la conviction que les choix des enseignants ne dépendent pas seulement des objectifs qu’ils se fixent par rapport aux apprentissages des élèves mais aussi à des caractéristiques liées au métier qu’ils exercent et aux contraintes auxquels ils sont soumis.

Utiliser la double approche pour analyser les pratiques enseignantes consiste à croiser deux types d’analyse. Empruntant à la fois à la didactique des mathématiques et à l’ergonomie, les descriptions des pratiques en classe se font d’une part en analysant les activités des élèves que l’enseignant provoque par les situations proposées aux élèves et d’autre part en faisant référence à des facteurs externes susceptibles d’expliquer les choix de l’enseignant (sociaux, institutionnels, personnels…).

Les travaux menés autour de cette double approche, portant sur les pratiques d’enseignants de mathématiques de collège et lycée posent comme hypothèse de travail que pour un enseignant donné les pratiques s’organisent en un système complexe, cohérent et stable lui permettant d’exercer son métier en répondant aux contraintes auxquelles il est soumis.

Cette hypothèse parait raisonnable car un professionnel dont les choix et les actes seraient désorganisés, incohérents, sans logique auraient trop de difficultés à assumer de manière durable ses fonctions. En outre, un certain nombre de travaux tendent à la confirmer.

Vandebrouck illustre la stabilité des pratiques à travers la mise en évidence d’invariants dans l’utilisation inchangée du tableau que fait un même enseignant dans plusieurs classes différentes pour des contenus différents (Vandebrouck, 2002). Le constat de cette stabilité est confirmé par les enseignants eux-mêmes. Des questionnaires proposés à sept enseignants différents révèlent non seulement qu’ils n’envisagent pas d’alternatives aux séances filmées dans leur classe mais aussi que ces séances sont tout à fait révélatrices de ce qu’ils font habituellement (Beziaud et al., 2003). Roditi (2001) illustre la cohérence des pratiques à travers l’analyse de quatre enseignements de la multiplication des décimaux, dispensés en sixième dans des conditions analogues. L’analyse des pratiques observées met en évidence l’existence de contraintes communes liées aux prescriptions de l’institution scolaire et à l’exercice du métier, notamment la gestion de la classe et l’écoulement du temps. Ces contraintes expliquent une grande convergence des projets des quatre enseignants quant à la durée des séquences, les contenus mathématiques, la présentation des savoirs. De plus, au-delà des contraintes qui pèsent sur l’enseignant, il existe une marge de manœuvre dans laquelle celui-ci développe des pratiques originales marquées, elles aussi, par une certaine cohérence. Ainsi, il existe des différences entre les scénarios prévus par les quatre enseignants au niveau de la stratégie d’enseignement, des tâches proposées, de l’organisation de l’institutionnalisation. Pour chacun de ces professeurs, l’analyse révèle des régularités confirmant l’existence d’une cohérence des pratiques d’enseignement.

Table des matières

INTRODUCTION
Chapitre 1 PROBLEMATIQUE, CADRES THEORIQUES, METHODOLOGIE
I. Présentation de la problématique
II. Un choix méthodologique
III. Cadres théoriques
Chapitre 2 MISE AU POINT D’UN MODELE D’ANALYSE
I. Une première observation du dispositif de formation
II. Mise au point de la méthodologie de traitement des données
III. Présentation du modèle d’analyse
IV. Présentation de la démarche
Chapitre 3 EXEMPLES DE CONTEXTUALISATION DU PROCESSUS DE MODIFICATIONS TEMOIGNANT DE LA COHERENCE DES PRATIQUES
I. Présentation des données recueillies
II. Présentation de la démarche d’analyse des séances
III. Exposé de l’analyse des données
IV. La troisième série d’Ateliers : AAPP 3
– Séance de Julie : « Les Tours »
– Séance de Pierre : « Les Grilles »
– Séance de Cécile : « Les Etiquettes »
V. Conclusion de l’analyse des AAPP 3
Chapitre 4 D’AUTRES EXEMPLES DE CONTEXTUALISATION DU PROCESSUS DE MODIFICATIONS TEMOIGNANT DE LA COHERENCE EN GERME DANS LES PRATIQUES
I. La première série d’Ateliers : AAPP 1
– Séance de Pierre : « Qui dira 20 ? »
– Séance de Cécile : « Qui dira 20 ? »
– Séance de Julie : « Qui dira 20 ? »
II. Conclusion de l’analyse des AAPP 1
III. La deuxième série d’Ateliers : AAPP 2
– Séance de Julie : « Tangram »
– Séance de Cécile : « Tri de graines »
– Séance de Pierre : « Tri de graines »
IV. Conclusion de l’analyse des AAPP 2
V. Conclusion de l’analyse des séances menées dans les trois Ateliers
Chapitre 5 MISE EN EVIDENCE DE CHOIX D’ANALYSE A POSTERIORI DU PROCESSUS DE MODIFICATIONS
I. Précisions à propos de la problématique et de la méthodologie
II. Les choix d’analyse des formateurs
III. Les choix d’analyse des trois professeurs-stagiaires
IV. Conclusion de l’analyse des entretiens
Chapitre 6 EVOLUTION DES PRATIQUES DES TROIS ENSEIGNANTS AU COURS DE LEUR PREMIERE ANNEE D’EXERCICE
I. Précisions à propos de la problématique et de la méthodologie
II. Analyse des séances
– « La pèche à la ligne »
– « Nœuds sur quadrillage »
III. Vers une caractérisation de la cohérence des pratiques
IV. Analyse des séances menées
– « Les Dalton »
– « La recette du gâteau au chocolat »
V. Vers une caractérisation de la cohérence des pratiques
VI. Analyse des séances
– « A la bonne place »
– « Le morpion des multiples »
VII. Vers une caractérisation de la cohérence des pratiques
CONCLUSION GENERALE

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