Modélisation de l’évolution paradoxale de l’hydrologie sahélienne

Modélisation de l’évolution paradoxale de l’hydrologie sahélienne

Hydrologie et écosystèmes sahéliens

 Les écosystèmes sahéliens 

Végétation naturelle

 La végétation sahélienne est souvent décrite comme une steppe à épineux, constituée d’une strate herbacée dominée par des plantes annuelles et d’un peuplement de ligneux éparse dont la densité augmente avec le gradient pluviométrique nord-sud (Hiernaux & Le Houérou 2006). La strate herbacée est majoritairement constituée de graminées annuelles de petite taille avec une dynamique fortement marquée entre la saison sèche et la saison humide ainsi qu’une importante capacité de résilience. De manière générale, sa dynamique temporelle et spatiale dépend des précipitations annuelles et de la redistribution latérale des pluies imposée par l’état de la surface. Les herbacées pérennes sont relativement peu nombreuses et sont localisées aux extrémités sud et nord de la bande sahélienne (Hiernaux & Le Houérou 2006). Le couvert ligneux est généralement épars au sein de la strate herbacée sauf dans les zones de dépression où il peut former des fourrés plus ou moins denses (Cisse 1986). En moyenne, la strate ligneuse se compose d’épineux de type Acacia dont la couverture n’excède pas 5 % (Tracol 2004). L’une des plus denses couvertures ligneuses, typique du milieu semi-aride, est couramment appelée « brousse tigrée ». Son nom provient de sa forme caractérisée par une alternance entre sol nu et bandes de végétation denses, orientées perpendiculairement à la direction d’écoulement (Albergel 1987).La végétation sahélienne, particulièrement sensible aux variations climatiques, a été impactée aussi bien par les épisodes de sécheresses des années 1970 et 1980 que par la reprise partielle des précipitations depuis les années 1990 (Figure 6). Une étude sur l’évolution de la végétation simulée à partir de modèle de végétation STEP3 a permis de constater que les sécheresses ont raccourci le cycle moyen de la végétation herbacée et réduit son amplitude (Pierre et al. 2016). La reprise des précipitations s’est, quant à elle, apparentée à un « reverdissement » hétérogène sur le Sahel, également observé à partir des données satellites (Dardel, Laurent Kergoat, et al. 2014). Concernant les ligneux, si aucun changement clair n’a pu être observé dans les zones densément peuplées, les peuplements épars montrent une tendance globale positive estimée à environ 2 % sur la période 2000-2014 (Brandt et al. 2016). Cette même étude a également mis en évidence une diminution locale de la surface des forêts, indicatrice de l’extension continue des surfaces cultivées et du déboisement associé. 

Géomorphologie et substrat 

La structure géologique de la région sahélienne est caractérisée par une fine couche sédimentaire reposant sur le craton stable ouest-africain du paléoprotérozoïque. La géologie de la région est définie principalement par quatre épisodes dont deux continentaux, qui se sont succédés depuis le Précambrien (Grimaud et al. 2014; Le Houérou 1989; Block 2015). Malgré une géologie assez uniforme sur l’ensemble de la région, le Sahel est caractérisé par une forte variabilité en termes de texture des sols. Le paysage sahélien est ainsi constitué de trois grands types majeurs de substrat détaillés ci-dessous à partir des travaux de Penning de Vries et Djitèye (1982), de Le Houérou (1989) et de Hiernaux et Le Houérou (2006). 1) Les sols sableux, qui sont généralement organisés en systèmes dunaires et interdunaires orientés ENE-WSW, sont caractérisés par une forte capacité de rétention de l’eau qui font d’eux, un lieu privilégié du développement de la végétation. Cet ensemble recouvre la majeure partie du paysage sahélien (Figure 7). 2) Les sols superficiels, qui représentent des surfaces lessivées, contiennent peu d’éléments nutritifs pour la végétation. Le couvert y est plus clairsemé avec des surfaces importantes de sols nus. Le substrat est dominé par des affleurements rocheux de grès et de schistes du précambrien, issus des épisodes continentaux, auquel s’additionnent des sols détritiques ou latéritiques. 3). Les sols des bas fonds et des plaines alluviales, riches en argile, sont des récepteurs des eaux de ruissellement, et représentent des lieux privilégiés au développement de la strate ligneuse.

Hydrographie et hydrogéologie

 Le Sahel est traversé par quelques grands fleuves (Niger, Sénégal, Nil et Logone-Chari) mais se compose essentiellement de petits cours d’eau plus ou moins éphémères qui se mettent en place durant la saison des pluies. Les systèmes de la région peuvent être classés en deux groupes distincts: les systèmes exoréiques qui représentent les bassins contributifs à ces grands fleuves et les systèmes 4 HWSD: Harmonized World Soil Database  endoréiques, majoritaires dans la région, qui représentent des bassins versants clos où l’eau se concentre dans des dépressions de type mares ou lac qui ne durent généralement que quelques semaines (voire quelques mois) après la fin de la saison des pluies (Le Houerou 1980). Typiques du milieu semi-aride sahélien (Desconnets et al. 1997), ces systèmes concentrent les eaux de surface dans des dépressions caractérisées par une succession de courtes phases de remplissage durant la saison des pluies, et de longues phases de vidange. Ces points d’eau peuvent alimenter les réserves d’eau souterraines dans lesquelles puits peu profonds ou puisards peuvent pomper (Favreau et al. 2009; Joly 2006; Desconnets & Galle 1996). La plus ou moins grande pérennité du point d’eau durant et après la saison des pluies dépend de la puissance de colmatage argileux qui tapisse le fond (voir par exemple Martîn-rosales and Leduc, 2003). A la fin de la saison des pluies, il ne reste alors que quelques points d’eau permanents. Les eaux souterraines profondes sont généralement rares et les forages ne fournissent qu’une faible quantité d’eau. Ceci est dû à la structure géologique de la région, présentée précédemment, qui se caractérise par une couche sédimentaire ne permettant pas la présence de nappe phréatique de grande envergure (Le Houerou 1980). Les eaux de surface en zone sahélienne sont donc des ressources cruciales pour la population locale, aussi bien en termes de subsidence que pour les activités économiques telles que le pastoralisme ou l’agriculture. Leurs répartitions spatiales représentent une contrainte forte à l’occupation du territoire et leurs pérennités une source de sédentarisation. 

Population et activités économiques 

A l’exception des villes (Niamey, Hombori etc.), la population sahélienne est majoritairement nomade et s’articule autour de différents groupes ethniques suivant le pays considéré (les Moors, les Peulhs et les Touaregs sont les principaux groupes). Les agro-systèmes sahéliens se caractérisent donc par la coexistence d’activités agricoles et d’élevage qui constituent les activités économiques prédominantes dans la région. Selon Djaby (2010), elles occupent plus de 80 % de la population sahélienne. L’activité agricole est définie par une culture de type pluviale et par conséquent soumise aux aléas climatiques. Afin de palier à cette vulnérabilité, l’activité agricole dominante au nord de la région se concentre sur la culture des céréales type Mil et Sorgo, particulièrement bien adaptées aux aléas de la distribution des pluies et des pratiques culturales (Hiernaux & Le Houérou 2006). Entre 1950 et 2000, le Sahel a plus que triplé sa population (Raynaut 2001). Cette forte croissance démographique s’est accompagnée d’une forte demande en énergie et en nourriture, ce qui a conduit à un déboisement, localement intensif, et à l’expansion des terres cultivées (Banoin & Guengant 1998; Mahé et al. 2010; Mahé et al. 2003). L’étude réalisée par Mahé et al. (2010) sur le Nakambé, montre une forte évolution de la végétation naturelle (70 % à moins de 20 % en 40 ans) au profit des zones de culture (25 % en 1950 pour 70 % en 2002) et des sols nus (augmentation brutale après les grandes sécheresses variant de 5 % à plus de 15 % entre 1972 et 2002; Figure 8a). Cette évolution est corrélée à l’évolution de la population sur le bassin (Figure 8b). Dans certaines régions telles qu’au Fakara ou au sud-ouest Niger, le déboisement ou défrichement a été estimé à plus de 50 % et localement, cette Chapitre 1 – Contexte général – 25 – estimation peut atteindre 80-87 % (Séguis et al. 2004; Leblanc et al. 2007). Malgré cela, les tendances globales sur la zone sahélienne, sont plus incertaines (Brandt et al. 2016) Avec l’agriculture, l’élevage constitue une des plus importantes ressources du pays. Une grande partie de la région, notamment la zone comprise entre les isohyètes 300 et 100 mm, est à vocation essentiellement pastorale. Toutefois, l’augmentation démographique des dernières décennies a contribuée à développer largement le secteur agricole et à étendre les surfaces cultivées aux secteurs anciennement tournés vers le pastoralisme (Raynaut 2001). 

Table des matières

Remerciements
Résumé
Abstract
Abréviations et Acronymes
Sommaire
Introduction
Chapitre 1 Contexte général
I. Le Sahel et son climat
1. Le Sahel, définition
2. Variabilité et changement climatique régionaux
2.1. Un climat soumis à la mousson ouestafricaine
2.2. Précipitations variables dans le temps et l’espace
2.3. Un réchauffement surtout printanier
II. Hydrologie et écosystèmes sahéliens
1. Les écosystèmes sahéliens
1.1. Végétation naturelle
1.2. Géomorphologie et substrat
1.3. Hydrographie et hydrogéologie
1.4. Population et activités économiques
2. Les processus hydrologiques: entre infiltration et ruissellement
2.1. Précipitations
2.2. Substrat
2.3. Couverture végétale
III. Le paradoxe sahélien, des causes incertaines
1. Définition du paradoxe hydrologique
2. Des explications diverses
2.1. Les facteurs anthropiques
2.2. Les facteurs climatiques
Chapitre 2 Evolution paysagère du bassin d’Agoufou
I. Site d’étude et données
1. Le bassin d’Agoufou (Gourma, Mali) .
1.1. Contextes géographique et climatique
1.2. Hydrologie et économie
1.3. Géologie, topographie et états de surface
2. Un réseau d’instrumentation et de monitoring
2.1. Observations à long terme .
2.2. Observations météorologiques
2.3. Suivi de l’hydrologie et du cycle de l’eau
2.4. Suivi de la végétation et du couvert
2.5. L’apport de la télédétection .
II. Evolution du paysage d’Agoufou
1. Identification des unités paysagères (UP)
1.1. Systèmes de zones humides (H)
1.2. Systèmes sableux (S)
1.3. Affleurements (O)
1.4. Glacis d’érosion (G)
2. Cartographie et évolution du paysage
2.1. Cartographie des unités paysagères .
2.2. Evolution du bassin d’Agoufou entre 19 et 2011
Chapitre 3 Evolution de l’apport en eau des bassins endoréiques non jaugés
Chapitre 4 La modélisation au service de la compréhension hydrologique
I. La modélisation hydrologique
1. Généralités
2. Classifications des modèles hydrologiques .
2.1. Classification selon le niveau de description des processus
2.2. Classification selon la représentation de l’espace
2.3. Classification selon le formalisme des processus
2.4. Classification selon la discrétisation temporelle
II. Un modèle, un objectif
1. La modélisation en contexte semiaride
2. Objectifs de la modélisation du bassin d’Agoufou
3. Etat de l’art des modèles de ruissellement .
3.1. Modèles globaux
3.2. Modèles semidistribués
3.3. Modèles distribués
III. KINEROS2
1. Un modèle schématique
1.1. Les éléments de surface (les plans)
1.2. Les éléments du réseau hydrographique (les chenaux)
2. Les processus représentés
2.1. Les précipitations
2.2. Interception
2.3. Infiltration
2.4. Ruissellement
3. L’interface AGWA
3.1. Description
3.2. Conception
Chapitre 5 – Les causes du paradoxe sahélien en milieu pastoral
Conclusions et Perspectives
Liste des figures
Liste des tableaux
Références
Liste des annexes
Annexes

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