Modélisation d’idéotypes variétaux de sorgho (Sorghum bicolor (L.) Moench)

Modélisation d’idéotypes variétaux de sorgho (Sorghum bicolor (L.) Moench)

Importance économique et utilité du sorgho 

 Importance économique

 Le sorgho (Sorghum bicolor [L.] Moench) est une céréale qui a été domestiquée en Afrique. Il est bien adapté aux régions tropicales semi-arides en raison de sa rusticité et de ses besoins modérés en eau. Avec le mil pénicillaire, il a été et demeure une plante essentielle en Afrique où il est toujours un aliment de base pour des centaines de millions de personnes. Diffusé hors de son continent d’origine et progressivement acclimaté aux zones tempérées, le sorgho tient aussi une place notable dans l’agriculture de certains pays émergents et développés où il est surtout cultivé à des fins d’alimentation animale. Avec une production estimée en 2016 à 63 930 558 tonnes (FAOSTAT, 2016), le sorgho est la 5e céréale mondiale. Les Etats Unis à eux seuls détiennent 19 % de la production mondiale et sont suivis du Nigeria (11 %) et du Soudan (10 %) (FAOSTAT, 2016). L’Afrique détient plus de la moitié (55 %) de la production mondiale (Chepng’etich et al., 2014; Wu et al., 2014). 

Utilités du sorgho 

Le sorgho est surtout cultivé pour son grain et sa paille. En fonction de son utilisation, on peut distinguer deux types de pays. Au niveau des pays en développement, le grain de sorgho récolté est presque exclusivement destiné à la consommation humaine contrairement aux pays industrialisés où la consommation est exclusivement animale. En Afrique, où la part de la population rurale reste voisine de 70 %, l’essentiel de la récolte est autoconsommée. La paille de sorgho, un sous-produit intéressant, est utilisé dans l’alimentation des animaux ou peut servir de combustible ou de matériau de construction. Le grain peut être consommé entier ou concassé (couscous au Sénégal) et bouilli, ou moulu pour donner une farine qui sera utilisée pour une préparation épaisse non fermentée (le tô), une bouillie claire plus ou moins fermentée (ogi au Nigéria et Ghana), des galettes (waisna au Nigéria) ou des beignets (tubani et ganda au Nigéria). Le décorticage et la mouture sont traditionnellement effectués au pilon par les femmes. En outre, plusieurs études ont été menées pour évaluer les possibilités d’utiliser le sorgho pur ou en mélange avec d’autres céréales pour la brasserie (Espinosa-Ramírez et al., 2014; Nnamchi et al., 2014; Schnitzenbaumer et al., 2014), qui ont montré que l’on pouvait faire des bières d’excellente qualité à base de sorgho. De même, le sorgho est valorisé à travers la production de boissons traditionnelles (dolo, tchoucoutou, tchakpalo, etc.) issues de la fermentation du mout en Afrique de l’Ouest notamment au Burkina Faso, au Mali et au Bénin (Kayodé et al., 2012; Lyumugabe et al., 2012; Pale et al., 2010). Au Sénégal, Ba et al. (2010) ont dosé les 8 activités des enzymes amylolytiques des malts des variétés locales et déterminé leur pouvoir antioxydant dans une perspective de valorisation en brasserie. Cette étude a abouti à identifier la variété sénégalaise F2-20 comme présentant les meilleures potentialités de maltage. Par ailleurs, plusieurs études ont été menées sur l’incorporation de la farine de sorgho, qui a l’avantage d’être sans gluten, dans la farine de blé pour la panification et la pâtisserie (Seleem et Omran, 2014 ; Velázquez et al., 2012). Elles ont abouti à des produits bien appréciés des consommateurs notamment au Sénégal. Le sorgho sucrier peut être utilisé pour la production de bioéthanol grâce au sucre accumulé dans ses tiges et est une alternative à la canne à sucre dans des environnements à fortes contraintes hydriques. Sa capacité à la double voire la multi-production (sucre, grain, fourrage) minimise les compétitions, d’une part pour les terres arables (entre la culture des ressources agro-énergétiques et alimentaires) et d’autre part pour l’utilisation des ressources alimentaires à des fins de biocarburants (Calviño et Messing, 2012 ; Harvey et Pilgrim, 2011 ; Valentine et al., 2012). Ainsi, les risques liés à l’insécurité alimentaire, notamment dans les pays en développement, sont minimisés. D’autres usages non moins importants sont faits du sorgho : l’utilisation des fibres cellulosiques pour fabriquer du papier ou de panneaux de construction, celle des pigments anthocyaniques dans la teinture et la vannerie et enfin celle de l’amidon des grains pour les colles et des adhésifs (Gençer et Şahin, 2015). 

Systématique du sorgho 

On ne considère que le sorgho [Sorghum bicolor (L.) Moench] a pour origine le Nord-Est de l’Afrique et qu’il a été domestiqué environ 3000 ans avant J-C en Ethiopie et au Congo avec, comme centre d’origine secondaire, l’Inde, le Nigéria et le Soudan où il servait dans l’alimentation humaine (Habindavyi, 2009). Il a été décrit pour la première fois en 1753 par Linné sous le nom de Holcus. Moench (1794). Linné fut le premier à définir le genre Sorghum et l’espèce bicolor après l’avoir séparé du genre Holcus (Dahlberg et al., 2011). La première classification prenant en compte l’ensemble des sorghos sauvages et cultivés du genre Sorghum, a été établie par Snowden (1936). Cette classification inclut 52 espèces (28 cultivées et 24 sauvages) regroupées en deux sous genres. La classification la plus utilisée aujourd’hui est celle de Harlan and de Wet (1972). Elle divise les sorghos cultivés (Sorghum bicolor sous – section bicolor) en cinq races principales et dix races intermédiaires (combinaisons deux à deux des 9 principales) selon les caractéristiques de la panicule et de l’épillet (Mekbib, 2007). Les cinq races principales sont décrites ci-dessous : bicolor, répartie dans l’ensemble des zones de culture en Afrique et en Asie. Ce sont les sorghos aux caractères les plus primitifs. Leur panicule est généralement lâche et leurs grains sont très petits et entièrement enveloppés par des glumes de grande taille et fermées. On y trouve des sorghos à balai, des sorghos papetiers et des sorghos fourragers ; caudatum, représentée au Soudan, Tchad, Nigéria et Ouganda. Leur panicule a une forme variable, mais avec une tendance de panicule compacte. Leurs grains sont dissymétriques, aplatis sur la face ventrale et bombés sur la face dorsale. Ils produisent beaucoup de grains souvent farineux et de médiocre qualité ; durra, majoritaire en Inde et au Moyen-Orient et très présente en Afrique de l’Est. Ils ont une panicule compacte souvent portée par un pédoncule crossé. Les glumes sont petites et collées sur des grains globuleux. Ils se distinguent par la grosseur de leurs grains et leur résistance à la sécheresse ; guinea, race typique de l’Afrique de l’Ouest, qui est aussi présente en Afrique de l’Est et du Sud. La panicule est lâche et porte des épillets dont les glumes généralement « baillantes » sont longues et renferment un grain elliptique. Ils sont bien adaptés aux zones pluvieuses ; kafir, race essentiellement présente en Afrique du Sud et de l’Est (au sud de la Tanzanie). Ce sont des sorghos peu diversifiés, de taille plutôt courte, peu ou non photopériodiques. Le grain est symétrique et les glumes de taille variable. La panicule est relativement compacte et cylindrique. Ils sont intéressants pour leur précocité. Les dix races intermédiaires sont : guinea-bicolor, guinea-caudatum, guinea-kafir, guineadurra, caudatum-bicolor, kafir-bicolor, durra-bicolor, kafir-caudatum, durra-caudatum et kafir-durra. Le sorgho appartient à l’embranchement des angiospermes, la classe des monocotylédones, l’ordre des Glumales, la famille des Poaceae, la tribu des Andropogoneae et au Genre Sorghum. Il est diploïde avec pour nombre chromosomique 2n=20. Cependant, il existe deux autres espèces qui sont tétraploïdes dont certaines formes sont employées comme fourrage (S. halepense et S. almum) (Price et al., 2005). 

Diversité génétique du sorgho 

La diversité génétique est la variabilité des gènes existant entre les individus d’une même espèce ou d’une population (Trouche et al., 2008). Sa connaissance permet de mieux comprendre les processus évolutifs de l’espèce et renseigne sur son histoire démographique et génétique. Il est indispensable de comprendre ces processus afin de pouvoir proposer des stratégies de maintien et d’exploitation durable de ces ressources dans les conditions naturelles ou artificielles. Bien que la richesse variétale du sorgho permette de mettre en valeur un grand nombre d’agroécosystèmes, dont notamment des milieux à fortes contraintes agricoles, nombre de travaux sur sa diversité génétique ont mis en exergue sa perte progressive due aux réalités actuelles des zones rurales. Par exemple le cas du Sud Mali est particulièrement symptomatique et alarmant, avec la perte de 60 % de la diversité variétale du sorgho ces vingt dernières années. Dans cette région c’est en raison de la faible productivité des variétés locales de sorgho que les paysans l’ont délaissé au profit d’autres spéculations qui se sont révélées plus rentables, notamment le maïs (Bazile et Soumaré, 2004). Ceci a cependant motivé la mise en place d’un système semencier paysan associant généticiens et sociologues pour une meilleure appréhension des besoins du monde rural afin de déboucher sur des solutions plus adaptées tenant compte de la préservation des variétés locales, de la diffusion des variétés améliorées et de la gestion raisonnée des semences (Bazile et al., 2008). Par contre, l’étude de la diversité génétique menée par Médraoui et al. (2007) au nord-ouest du Maroc sur 398 individus de diverses provenances de sorgho a montré une variabilité élevée et que l’environnement micro-géographique a influencé cette variabilité génétique. En revanche, Djè et al. (2007) ayant évalué la variabilité dans la même zone en considérant les caractères morphologiques et les allozymes, n’ont pu relever l’influence de l’environnement. Au Burkina Faso, les diversités agro-morphologique et génétique des variétés locales ont été étudiées. Il a été noté une diversité agro-morphologique importante influencée faiblement par l’environnement (Barro-Kondombo et al., 2010). La diversité inter-variétale est plus faible que celle intra-variétale au regard de l’indice de diversité qui est de 0,37 contre 0,53 (BarroKondombo et al., 2010). Ainsi, toutes les variétés ont présenté à des degrés divers de la diversité intra-variétale. Au Niger, l’évolution de la diversité génétique a été évaluée entre 1976 et 2003 à travers une collection de 450 accessions dans 71 villages représentatifs des conditions pluviométriques et agro-écologiques. Les résultats ont montré une différentiation génétique très faible entre 1976 et 2003. Ainsi, contrairement aux hypothèses des généticiens, il n’y a pas eu 11 d’érosion génétique mais plutôt une stabilisation voire une augmentation de la diversité au cours de cette période de 27 ans (Deu et al., 2010). Au Sénégal, plusieurs travaux se basant sur les caractéristiques agro-morphologiques ont mis en évidence une variabilité au niveau de différentes variétés du sorgho. Par exemple les études réalisées au CERAAS ont mis en évidence une diversité au niveau du système racinaire et ont pu identifier ce dernier comme critère pertinent et facile d’accès pour évaluer l’adaptation des variétés du sorgho à la sécheresse (Sine, 2009). 

Morphologie 

La morphologie générale d’un plant de sorgho cultivé arrivé à maturité est illustrée par la figure 1. Le plant comporte une tige principale. Celle-ci peut présenter un certain nombre de tiges secondaires partant de sa base, appelées talles basales. Chaque tige est constituée d’un empilement d’unités morphologiques identiques appelées phytomère : le phytomère est constitué d’une feuille, d’un nœud portant un bourgeon axillaire et d’un entrenœud développé en dessous du nœud. Pour une tige donnée, les phytoméres sont émis successivement par le méristème apical, zone de division et de différenciation cellulaire située à la pointe de la tige. Au niveau de chaque méristème apical, une inflorescence finale est initiée, mettant fin à l’émission de phytoméres végétatifs : c’est une croissance de type déterminé. Les tiges se terminent donc par un organe fructifère qui, dans le cas du sorgho, est une panicule. Les panicules portent les graines. Au niveau des entrenœuds les plus basaux, partent les racines.

Table des matières

Dédicaces
Avant-propos
Résumé
Abstract
Sigles et abréviations
Liste des tableaux
Liste des figures
Introduction générale
Chapitre 1 : Synthèse bibliographique
1.1 Importance économique et utilité du sorgho
1.1.1 Importance économique
1.1.2 Utilités du sorgho
1.2 Systématique du sorgho
1.3 Diversité génétique du sorgho
1.4 Morphologie .
1.4.1 Organes végétatifs
1.4.1.1 Racines
1.4.1.2 Tige
1.4.1.3 Pédoncule
1.4.1.4 Feuilles
1.4.2 Organes reproducteurs
1.4.2.1 Panicule
1.4.2.2 Grain
1.5 Cycle de développement du sorgho
1.6 Qualités nutritionnelles et toxicité du sorgho
1.6.1 Qualités nutritionnelles
1.6.2 Toxicité du sorgho
1.7 Sorgho au Sénégal
1.7.1 Distribution géographique et système de culture
1.7.2 Amélioration variétale du sorgho au Sénégal
1.7.2.1 Objectifs de l’amélioration variétale
1.7.2.2 Acquis de l’amélioration variétale
1.8 Définition d’idéotype variétal
1.8.1 Définition du concept « idéotype »
1.8.2 Importance de l’idéotypage pour la sélection
1.8.3 Rôle de la modélisation dans l’idéotypage variétale
Chapitre 2 : Interaction génotype-environnement : compromis entre performances agronomiques, et stabilité de génotypes de sorgho (Sorghum bicolor L. Moench) double usage au Sénégal
2.1 Résumé
2.2 Introduction
2.3 Matériel et méthodes
2.3.1 Site expérimentaux
2.3.2 Matériel végétal
2.3.3 Conduite des essais
2.3.4 Dispositif expérimental et variables mesurées
2.3.5 Analyses statistiques des données
2.4 Résultats
2.4.1 Caractéristiques des environnements
2.4.2 Effets des génotypes, environnements et interactions génotype x environnement
2.4.3 Analyse AMMI de l’interaction génotype-environnement (G x E)
2.4.4 Quel(s) génotype(s) pour quel(s) environnement(s) ?
2.4.5 Quel(s) génotype(s) montre(nt) une aptitude au double usage ?
2.5 Discussions
2.5.1 Quel(s) génotype(s) pour quel(s) environnement(s) ?
2.5.2 Choix de génotypes ayant une bonne aptitude au double usage
2.6 Conclusion
Chapitre 3 : Plasticité phénotypique du sorgho double usage : relations entre rendements en grains et en biomasse paille et caractères d’intérêt
3.1 Résumé
3.2 Introduction
3.3 Matériel et Méthodes
3.3.1 Sites expérimentaux
3.3.2 Matériel végétal
3.3.3 Mesures, observations et paramètres calculés
3.3.4 Analyse statistique des données
3.4 Résultats
3.4.1 Performances agronomiques des génotypes selon les caractères étudiés
3.4.2 Variation du rendement et des caractères contributifs
3.4.3 Plasticité phénotypique induite par les environnements
3.4.4 Relation entre plasticité phénotypique et rendements grain et biomasse paille
3.5 Discussions
3.5.1 Caractères clés pour des génotypes « double usage »
3.5.2 Implications associations et plasticité phénotypique des caractères étudiés pour la sélection
3.6 Conclusion
Chapitre 4 : Evaluation du modèle de culture SAMARA pour la prise en compte de la plasticité phénotypique de génotypes de sorgho au Sénégal
4.1 Résumé
4.2 Introduction
4.3 Matériel et Méthodes
4.3.1 Sites expérimentaux
4.3.2 Choix des sites pour calibration et évaluation
4.3.3 Description du modèle de culture
4.3.4 Calibration du modèle
4.3.4.1 Etapes de calibration et choix des paramètres
4.3.4.2 Procédure d’optimisation
4.3.5 Evaluation du modèle
4.4 Résultats
4.4.1 Phénologie
4.4.1.1 Calibration
4.4.1.2 Evaluation
4.4.2 Morphologie : Hauteur de la plante, nombre de feuilles et indice de surface foliaire
4.4.2.1 Calibration
4.4.2.2 Evaluation
4.4.3 Dynamique des biomasses
4.4.3.1 Calibration
4.4.3.2 Evaluation
4.4.4 Rendements grain et biomasse paille et ses composantes
4.4.4.1 Calibration
4.4.4.2 Evaluation
4.5 Discussion
4.5.1 Principales conclusions et qualité des données
4.5.2 Capacités du modèle SAMARA à la prise en compte de la plasticité phénotypique et des interactions génotype-environnements et à la définition d’idéotypes de sorgho
4.6 Conclusion
Chapitre 5 : Conception d’idéotypes de sorgho double-usages à hauts rendements en grains et en biomasses adaptés à divers environnements cibles du Sénégal
5.1 Résumé
5.2 Introduction
5.3 Matériel et Méthodes
5.3.1 Conception d’idéotypes de sorghos double-usages : choix des traits d’intérêt
5.3.2 Paramètres génotypiques utilisés pour l’optimisation
5.3.3 Méthode d’optimisation pour définir des idéotypes de sorghos double-usages
5.3.4 Analyse des performances des idéotypes
5.4 Résultats
5.4.1 Paramètres génotypiques des idéotypes pour la double production
5.4.2 Performances agronomiques des idéotypes de sorgho et aptitude à la double production
5.5 Discussions
5.5.1 Importance des paramètres génotypiques des idéotypes optimisés
5.5.2 Implication pour l’adaptation dans nos environnements cibles, pour les sélectionneurs
et les agronomes
5.5.3 Limites de l’étude
5.6 Conclusion
Chapitre 6 : Discussion générale
6.1 Objectif et démarche méthodologique
6.2 Principaux résultats obtenus
6.3 Insuffisances du travail
Conclusion et Perspectives
Conclusion générale
Perspectives
Références bibliographiques
Annexes

projet fin d'etudeTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *