Modulations attentionnelles des aires perceptives induites par le contexte de la tâche

Modulations attentionnelles des aires perceptives induites par le contexte de la tâche

Introduction

Afin de rester adapté à l’environnement, les êtres vivants les plus évolués ont la faculté d’ajuster leurs comportements et de prendre de nouvelles décisions lorsque la situation dans laquelle ils se trouvent l’exige. Nous nous intéressons ici aux mécanismes neuronaux soustendant la mise en place de ces ajustements comportementaux. En laboratoire, ces mécanismes de flexibilité peuvent être étudiés dans des tˆaches de TR de choix, en étudiant sur les effets séquentiels, c’est à dire en analysant la performance à l’essai n en fonction de la nature de l’essais n-1. Par exemple, après une erreur, on observe un allongement du temps de réaction ainsi qu’une baisse de la probabilité de commettre une nouvelle erreur. Des ajustements comportementaux sont également mis en évidence lorsque l’on manipule la compatibilité des stimuli. Par exemple dans la tˆache de Simon, les sujets doivent répondre en fonction de la couleur d’un stimulus. Ce stimulus est présenté à gauche ou à droite d’un point de fixation. On définit comme “compatibles” les essais pour lesquels la réponse requise (gauche ou droite) co¨ıncide avec le cˆoté de présentation du stimulus. A l’inverse, on définit ` comme “incompatibles” les essais pour lesquels la réponse requise ne co¨ıncide pas avec le cˆoté de présentation du stimulus. En moyenne, les sujets sont plus rapides pour les stimuli compatibles. L’effet de compatibilité correspond à la différence moyenne des TR des essais incompatibles et compatibles (Craft et Simon, 1970; Hedge et Marsh, 1975). Cet effet de compatibilité est modulé par la nature du stimulus à l’essai précédent. Suite à un essai compatible, l’effet de compatibilité est important, alors qu’il est largement réduit suite à un essai incompatible (Gratton et al., 1992; St¨urmer et al., 2002). Ces effets séquentiels ont été interprétés comme étant le fruit d’un ajustement comportemental. Quels sont les mécanismes physiologiques pouvant rendre compte de ces effets comportementaux ? Il a été proposé que les ajustements comportementaux qui se mettent en place à la fin de l’essai soient le fruit d’une modulation attentionnelle pilotée par le cortex préfrontal. Un biais perceptif serait implémenté au niveau des aires chargées du traitement du stimulus. Cette idée est explicite dans le modèle du Conflit (Botvinick et al., 2001; Yeung et al., 2004) ainsi que dans le modèle ERN-RL (Holroyd et Coles, 2002; Holroyd et al., 2005). Dans ces deux modèles, le CCA émet un signal indiquant la nécessité de refocaliser l’attention sur les caractéristiques pertinentes de la tˆache. Ce signal est transmis aux processus attentionels (cortex préfrontal) qui organise le biais perceptif au niveau de la couche d’entrée (aires perceptives visuelles) en augmentant le niveau de base des unités de la couche d’entrée chargées de traiter la cible, et en diminuant le niveau de base des unités chargées du traitement des distracteurs. Si les hypothèses issues de ces deux modèles concernant la nature des signaux indiquant la nécessité d’une refocalisation attentionelle ont été mis en difficulté, l’hypothèse de refocalisation attentionelle concernant la mise en place des ajustements comportementaux reste théoriquement valide. Un moyen de tester cette hypothèse est de chercher des marqueurs physiologiques de ces modulations attentionelles. Or, en IRMf il a été montré que le niveau d’attention porté aux paramètres des stimuli module l’activité des zones impliquées dans les traitements de ces paramètres (Corbetta et al., 1990; Chawla et al., 1999; Coull et al., 2004; O’Craven et al., 1997). Si les ajustements comportementaux sont bien le fruit d’une modulation attentionnelle des aires chargées du traitement des stimuli, alors nous devrions observer des modulations d’activité dans ces aires cérébrales suite aux essais incompatibles corrects. Cette modulation attentionnelle peut concerner le traitement de l’attribut pertinent et/ou le traitement de l’attribut non-pertinent. Les modèles du conflit et ERN-RL ont proposé que la modulation attentionnelle suscite conjointement une augmentation du niveau de base de l’aire responsable du traitement de l’attribut pertinent ainsi qu’une diminution du niveau de base du traitement de l’attribut non-pertinent. Selon ces deux modèles, nous devrions observer après un essai incompatible correct, une augmentation d’activité dans la zone chargée du traitement de l’attribut pertinent et une baisse dans celle chargée du traitement de l’attribut non-pertinent.

Les sujets

 Quinze sujets hommes volontaires ont participé à cette expérience. Ils étaient ˆagés de 20 à 41 ans, l’ˆage moyen étant de 25.6 ans. Chacun a signé un formulaire de consentement de participation ainsi qu’une notice d’information destinée aux volontaires sains. Le protocole a re¸cu l’accord du C.C.P.P.R.B. Marseille 1 sous le numéro CM1 05/40. 

 Les stimuli

 Les stimuli visuels, con¸cus par nous même, étaient composés de losanges de couleur bleu ou verte, qui se dépla¸caient uniformément de gauche à droite (ou de droite à gauche) sur un fond noir. L’impression donnée par le stimulus était de regarder des losanges de couleur se déplacer à travers une fenêtre fixe. Ces stimuli étaient projetés au centre de l’écran. Les sujets devaient répondre par un appui sur un bouton poussoir placé dans leur main gauche ou dans leur main droite, en fonction de la couleur du stimulus ; la direction du mouvement n’était donc pas pertinente. Pour 7 des 15 sujets, la consigne était d’appuyer sur le bouton placé dans la main gauche lorsque le stimulus était vert, et sur le bouton droit lorsque le stimulus était bleu. Les autres sujets avaient la consigne inverse. On demandait également aux sujets de répondre le plus vite possible en évitant de commettre des erreurs. La couleur représentait donc l’attribut pertinent et le mouvement l’attribut non-pertinent. Ces deux attributs ont été choisis pour pouvoir dissocier anatomiquement les régions chargées de leur traitement. Les essais compatibles sont ceux pour lesquels les losanges se dirigent du cˆoté de la réponse correcte. Les essais incompatibles sont ceux pour lesquels les losanges se dirigent du côté de la réponse incorrecte.

Dessin expérimental 

Puisque nous étions intéressés par les activités dans l’intervalle inter-essais, nous ne pouvions pas utiliser un dessin expérimental évènementiel classique du fait des contraintes inhérentes à l’IRMf. En effet, décorréler les activités induites par le traitement de chaque essai nécessite l’utilisation d’intervalles inter-essais très longs et très variables (entre 3 et 15 secondes). Avec des intervalles inter-essais aussi longs, il n’était pas garanti de retrouver les effets séquentiels décrits plus haut. Nous avons donc choisi de présenter les stimuli par paires, avec des intervalles inter-essais courts et des intervalles inter-paires longs et variables. Nous pouvions ainsi décorréler les activités dues à la présentation des différentes paires. La tˆache se déroulait de la fa¸con suivante (figure 6.1). Une croix de fixation était présentée au centre de l’écran pendant 750 ms indiquant au sujet l’apparition prochaine du stimulus. Après la présentation de cette croix, le premier stimulus de la paire (stimulus 1) était présenté pendant 750 ms. Le sujet devait répondre le plus vite possible en fonction de la couleur des losanges. La disparition du stimulus était immédiatement suivie de l’apparition d’une croix de fixation qui restait à l’écran entre 500 et 1500 ms (intervalle inter-essais suivant une distribution uniforme). 

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