Moussabilité et stabilité des mousses de pétrole formées par dépressurisation

Moussabilité et stabilité des mousses de pétrole formées par dépressurisation

Effet des propriétés des pétroles

Les propriétés physicochimiques influent considérablement sur les caractéristiques moussantes des systèmes pétroliers. Dans le Tableau V-1 on a rassemblé les valeurs de viscosité et de masse volumique pour les pétroles et dilutions utilisés. La composition des pétroles et des dilutions du pétrole lourd D sont résumées dans le Tableau V-2. Nous rappelons que l’incertitude sur la mesure de la masse volumique est de 0,05 kg/m3 et qu’elle correspond à 10% de la mesure pour la viscosité. 

Analyse du temps de vie de la mousse

Nous avons choisi le temps de vie de la mousse comme paramètre caractéristique de la stabilité des mousses et non pas le temps de demi-vie parce que nous avons constaté que ce dernier n’est pas représentatif du comportement au cassage de certaines mousses pour lesquelles on observe un ralentissement à la fin du processus de destruction. Si on trace la variation du temps de vie de la mousse (tf) en fonction de la masse volumique (Figure V-1) et de la viscosité (Figure V-2) on peut voir que dans les deux cas, de façon tout à fait logique, plus la masse volumique ou plus la viscosité augmente, plus la mousse formée est stable.  L’augmentation du temps de vie de la mousse avec l’augmentation de la viscosité de la phase fluide est directement liée à la réduction de la vitesse de drainage du fluide interstitiel dans la mousse ainsi qu’à la réduction de la diffusivité du gaz entre les bulles (mûrissement d’Ostwald), deux effets qui sont responsables de l’instabilité de la mousse. D’autre part, l’augmentation de la masse volumique est directement liée à la composition du pétrole. Plus le pétrole est lourd, plus son contenu en composants de masses molaires élevées est important. Pour cette raison, il n’est pas possible de faire une analyse de l’influence des propriétés physicochimiques sans tenir compte de la composition du brut et vice versa. L’analyse de l’influence de la composition du fluide sur les propriétés moussantes est très complexe parce que la nature et les proportions des composants de chaque pétrole diffèrent. Les analyses de caractérisation sont données par familles de produits en fonction de leur solubilité (Saturés, Aromatiques, Résines et Asphaltènes) mais la composition de chaque famille peut varier considérablement d’un pétrole à l’autre (surtout dans le cas des résines et asphaltènes dont les structures sont très variées et complexes). Si on représente la variation du temps de vie de la mousse en fonction de la concentration de chaque famille (voir Figures V3, V-4, V-5 et V-6), on ne peut pas établir de corrélation évidente entre la stabilité de la mousse et la concentration de chaque famille chimique dans le pétrole. 

Analyse de la moussabilité des pétroles

Si on étudie maintenant l’indice de moussabilité, défini comme la quantité maximale de mousse que le système est capable de former dans les conditions du test, on observe la même y = 4,6891x + 80,096 R² = 0,9632 0 100 200 300 400 500 600 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 tf (s) µ*(Res+Asph)/(Sat+Aro) Variation du temps de vie de la mousse 138 tendance que dans le cas du temps de vie de la mousse, à savoir que plus la masse volumique ou la viscosité augmente, plus le système est susceptible de créer de la mousse par dépressurisation (Figures V-10 et V-11). Cette relation entre l’indice de moussabilité et la viscosité ou la densité est a priori moins évidente et attendue que dans le cas de la stabilité. En effet, certains auteurs ont montré que les huiles très visqueuses ne moussaient pas. Fraga et al. [2011] ont testé plusieurs pétroles avec des propriétés différentes et ont observé que le pétrole le plus visqueux (2000 mPa.s) ne y = 1,7773x – 1378 R² = 0,6335 0 50 100 150 200 250 300 350 850 860 870 880 890 900 910 920 930 Vm 0 /Vl inf (%) Masse volumique (kg/m3) Variation de l’indice de moussabilité en fonction de masse volumique y = 0,5667x + 154,45 R² = 0,6796 0 50 100 150 200 250 300 350 0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200 Vm 0 /Vl inf (%) Viscosité (mPa.s) Variation de l’indice de moussabilité en fonction de la viscosité 139 créait pas de mousse même s’il contenait les concentrations en asphaltènes et en résines les plus importantes. Cet effet peut s’expliquer par le fait que les systèmes très visqueux tendent à retarder ou empêcher la formation des bulles via la nucléation. Cependant, il faut noter que le plus visqueux des pétroles testés dans notre travail est dix fois moins visqueux (189 mPa.s) que le pétrole étudié par Fraga. On peut donc raisonnablement penser que dans le cas de nos pétroles, l’explication de ce comportement est sans doute très liée à leur composition chimique, et notamment au ratio de composés amphiphiles (résines et asphaltènes, qui font partie des composés les plus lourds du pétrole comme on l’a vu précédemment). Si on représente la variation de l’indice de moussabilité en fonction de la concentration de chaque famille de composants, on constate, comme dans le cas du temps de vie de la mousse, qu’il n’est pas possible d’établir de corrélation entre la moussabilité et la concentration de chaque famille. En revanche, en représentant l’indice de moussabilité en fonction du ratio (Résines+Asphaltènes/Saturés+Aromatiques), on met en évidence que plus le pétrole contient de surfactants naturels, plus on forme de mousse (Figure V-12). Notons pour compléter cette analyse que le pétrole M2, qui contient non seulement une forte quantité de résines et d’asphaltènes, mais est également le plus acide des pétroles (TAN>1 mg KOH/g) est aussi le plus moussant. Enfin, nous avons comme précédemment tracé l’évolution de l’indice de moussabilité en fonction de la viscosité multipliée par le ratio (Résines+Asphaltènes)/(Saturés+Aromatiques) y = 334,93x + 123,72 R² = 0,5703 0 50 100 150 200 250 300 350 0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25 0,3 0,35 0,4 0,45 Vm 0/Vl inf (%) (Res+Asph)/(Sat+Aro) Variation de l’indice de moussabilité en fonction de la composition du pétrole 140 (Figure V-13). On observe une bonne corrélation, le coefficient de corrélation étant bien meilleur que ceux obtenus sur les Figures V-11 et V-12.

Effet du type de gaz et de la pression de saturation

Le type de gaz utilisé et la pression de saturation ont des conséquences sur la stabilité et la moussabilité des pétroles. Pendant nos essais on a utilisé trois types de gaz : N2, CO2 et CH4. Nous avons constaté qu’en utilisant l’azote comme gaz de saturation, on n’arrive pas à former de mousses par dépressurisation. Pour cette raison, on a décidé d’utiliser le CO2 car il est plus soluble dans les fluides pétroliers et, enfin, nous avons réalisé quelques essais avec le CH4 sur le pétrole M2 uniquement, ceci afin de tester le gaz qu’on trouve normalement majoritairement dans les champs pétroliers (nous avons réalisé peu d’essais car la manipulation de ce gaz requière des conditions de sécurité drastiques). Pour essayer de mieux comprendre les phénomènes impliqués dans la stabilité des mousses et la moussabilité des fluides, nous avons décidé d’estimer la solubilité des gaz utilisés pour les pétroles Z1 et M2 (car ces pétroles ont été testés à des pressions différentes, voir chapitre précédent). L’estimation de la solubilité a été faite selon deux méthodes :  Par simulation avec le programme PVTFlow V1 : c’est un logiciel de la suite OpenFlowSuite 2013.1. Ce logiciel utilise l’information analytique disponible sur le pétrole (Carburane, SARA, viscosité, masse volumique). Il utilise les données de composition et de masse volumique des coupes pour pouvoir ajuster la valeur de la masse volumique et de la viscosité connues à pression atmosphérique et à 30°C. A partir de cette représentation thermodynamique et des coefficients d’interaction y = 1,5317x + 160,29 R² = 0,7744 0 50 100 150 200 250 300 350 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 Vm 0 /Vl inf (%) µ*(Res+Asph)/(Sat+Aro) Variation de l’indice de moussabilité des pétroles 141 binaires obtenus d’après le programme, les pétroles sont modélisés en présence d’un large excès de gaz (avec l’équation de Peng-Robinson) et puis flashés dans les conditions opérationnelles du test (5, 10 et 15 bar). On peut donc remonter à la masse volumique, la viscosité, la tension de surface et le rapport gaz/huile (Gas to Oil Ratio ou GOR). Cette méthode a été utilisée pour les pétroles Z1 et M2 avec trois gaz : N2, CO2 et CH4.  Par mesure directe : on a réalisé des tests de solubilité avec des réacteurs type batch agités et pressurisés, utilisés par des collègues du département Physico-chimie des matériaux et fluides complexes de IFPEN qui étudient la formation des hydrates de gaz (voir Figure V-14). L’essai consiste à introduire une quantité de pétrole connue (80 ml) dans un bécher en pyrex dans le réacteur (il s’agit d’un réacteur type batch de 300 ml fait en acier inox avec une fenêtre de visualisation) et à augmenter progressivement la pression avec le gaz désiré jusqu’à la pression de travail (ce réacteur peut monter jusqu’à 80 bar, la pression maximum étant limitée par une soupape de sécurité). Ensuite, on met en route l’agitation dans le réacteur (un agitateur à quatre pales qui tourne à 800 rpm) pour favoriser la solubilisation du gaz. La pression est régulée et maintenue constante dans le réacteur jusqu’à l’équilibre grâce à une alimentation en gaz continue. A l’équilibre, la quantité totale de gaz solubilisée peut être calculée à l’aide des données du débitmètre volumique qui mesure la quantité de gaz injectée. Nous n’avons utilisé cette technique que dans le cas du pétrole M2 avec CO2 et CH4 (pas de possibilité avec le pétrole Z1 dû à un manque de disponibilité du produit).

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