Nano-membranes à cristal photonique pour l’optomécanique

Les conséquences du couplage entre un faisceau laser et un résonateur mécanique induit par la pression de radiation ont été étudiées pour la première fois dans les années 1970 [1]. L’objectif initial était de comprendre les limites fondamentales sur la sensibilité des mesures interférométriques très sensibles, telles que la détection d’ondes gravitationnelles. Ce n’est qu’une trentaine d’années plus tard, grâce à l’évolution des techniques de micro-fabrication, que la perspective d’observer et de contrôler l’état quantique d’un résonateur mécanique vit le jour. C’est ainsi que s’est développé le domaine de l’optomécanique : champ de recherche dédié à l’étude du couplage entre un champ électromagnétique et les fluctuations de position d’un résonateur mécanique. Le but premier était l’observation de l’état quantique de résonateurs mécaniques macroscopiques. En plus du développement de tels résonateurs, les chercheurs se sont consacrés au perfectionnement des techniques de détection de tels états. Au fil des années, une incroyable diversité de résonateurs a été développée, différents tant par les matériaux utilisés, que par leur taille, ou encore par leurs caractéristiques géométriques. Nous allons rappeler en guise d’introduction les caractéristiques que doivent présenter de tels résonateurs pour que leur état quantique soit accessible expérimentalement. Dans un deuxième temps nous aborderons une nouvelle direction poursuivie dans le domaine, à savoir, le couplage de systèmes optomécaniques avec d’autres systèmes quantiques bien contrôlés.

Coupler un résonateur optomécanique à un autre dispositif quantique permet de contrôler et de sonder l’état quantique du résonateur mécanique grâce à cet autre système, tout en jouissant des possibilités de contrôle et de détection du second. Du point de vue de l’information quantique, l’intrication des deux systèmes permet l’élaboration de réseaux quantiques pour le transfert et le stockage de l’information [9, 10, 11]. L’enjeu repose, d’une part, sur la réalisation de portes logiques efficaces au niveau quantique, d’autre part sur la capacité à stocker et à transférer l’information quantique de façon fiable sur de longues distances. Par leur capacité de couplage quasi-universelle, les systèmes optomécaniques permettent d’établir un pont entre les différents types de systèmes quantiques et, ainsi, de profiter des avantages de chaque type d’architecture. Certains offrent une forte interaction, idéale pour le calcul, d’autres offrent de très longs temps de cohérence, idéaux pour les mémoires, et d’autres, enfin, permettent le transfert d’information quantique sur de longues distance.

Principalement deux champs de la physique sont au centre de ces développements, et ont déjà permis l’amorce de briques de base pour le traitement de l’information quantique : la physique atomique [12], et la physique du solide [13]. Grâce à leur forte interaction avec la matière, les photons aux fréquences optiques sont les candidats privilégiés pour l’implémentation de mémoires optiques dans les milieux atomiques, comme cela a déjà été montré dans les vapeurs atomiques [14], les atomes froids [15], ou encore les solides cristallins [16]. Il en va de même pour le transfert de l’information quantique, puisque les photons peuvent se propager sur des dizaines de kilomètres dans des fibres optiques sans absorption. Les systèmes optomécaniques opérant aux fréquences optiques sont donc de très bons candidats pour l’interfaçage et la transduction d’information quantique.

Différents systèmes hybrides ont d’ores et déjà été développés, comme le couplage de résonateurs mécaniques au spin électronique d’un électron dans un solide [17], le couplage d’une boîte de paire de Cooper [18], ou encore à des Qubits supraconducteurs [19]. Malgré les avantages qu’offrent de tels systèmes, les compromis entre les qualités électriques, optiques, ou mécaniques des systèmes, limitent les temps de cohérence de la nano- à la micro-seconde. Pour pouvoir profiter des avantages de chaque système, il est donc nécessaire de pouvoir séparer leurs environnements.

Deux types de systèmes hybrides sont particulièrement prometteurs. Ceux couplant des résonateurs optomécaniques aux atomes, qui offrent la possibilité d’utiliser la véritable “boîte à outils” développée depuis plusieurs dizaines d’années pour le contrôle des degrés de liberté internes ou externes des ces derniers. Et ceux couplant des résonateurs optomécaniques et des circuits micro-ondes, qui offrent la possibilité d’utiliser les techniques novatrices de la physique du solide, telles que les atomes artificiels pour créer des portes logiques [20]. Dans les deux prochaines sections nous allons esquisser les principales caractéristiques nécessaires pour le développement d’un système optomécanique performant, permettant l’hybridation avec chacun de ces deux systèmes.

Comme exposé précédemment, l’avantage d’un tel couplage est la diversité des techniques de manipulation et de mesure développées par la communauté de la physique atomique permettant un contrôle extraordinaire sur l’état quantique d’atomes ou encore d’ions, à l’échelle unique ou collective. De plus, ceux-ci offrent de très longs temps de cohérence, indispensables pour le stockage de l’information quantique.

On recense principalement deux propositions expérimentales pour coupler des atomes à un résonateur mécanique via la pression de radiation. La première, développée dans l’équipe de H.J. Kimble au Caltech, couple un seul atome, piégé dans le champs optique d’une cavité à une membrane insérée dans cette même cavité (Figure 0.4 a). La mise en cavité des systèmes a l’avantage d’augmenter le couplage grâce au recyclage des photons par les miroirs. Cependant, combiner les techniques nécessaires à la manipulation d’atomes froids avec un environnement cryogénique semble expérimentalement très contraignant pour le résonateur [21]. La deuxième, développée dans le groupe de P. Treutlein, à Bâle, présente l’avantage d’isoler l’environnement du mode mécanique de celui des atomes : le résonateur mécanique est inséré dans une cavité Fabry-Perot et le faisceau réfléchi par cette dernière est utilisé pour piéger les atomes froids grâce à la force dipolaire [22].

Table des matières

Introduction
1 Mesure de déplacement en optomécanique
1.1 La mesure interférométrique optique
1.1.1 Mesure de position avec une cavité Fabry-Perot
1.1.2 Sensibilité de la mesure de petits déplacements
1.2 Dynamique d’un oscillateur mécanique
1.2.1 Equivalence avec l’oscillateur harmonique
1.2.2 Susceptibilité effective d’un mode acoustique
2 Réflecteurs à cristaux photoniques membranaires
2.1 Contexte et objectifs
2.2 Equations de Maxwell dans un milieu : un problème aux valeurs propres
2.2.1 Equations de Maxwell dans un milieu
2.2.2 Problème aux valeurs propres
2.3 Symétrie du cristal photonique
2.3.1 Invariance par translation discrète : théorème de Bloch-Floquet
2.3.2 Cas d’un cristal membranaire
2.4 Cristaux photoniques : vers un réflecteur en incidence normale
2.4.1 Régime spéculaire
2.4.2 Approche du comportement par la théorie des modes couplés
2.4.3 La méthode d’analyse par couplage entre ondes planes (RCWA)
2.4.4 Réflecteur à cristal photonique à 1D
2.4.5 Réflecteur à cristal photonique à 2D
2.5 Discussions
2.5.1 La méthode FDTD
2.5.2 Influence de la taille du waist
2.5.3 Taille finie du cristal
2.5.4 Déviation conique
2.6 Fabrication
2.7 Caractérisation des membranes à cristal photonique
2.7.1 Mesures préliminaires
2.7.2 Mesures de plateaux de haute réflectivité
Conclusion

Cours gratuitTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *