Notion d’utilité et aversion au risque

Notion d’utilité et aversion au risque

Représentation numérique d’une relation de préférence

Dans ce paragraphe, on introduit la notion de représentation numérique d’une relation de préférence. Les conditions d’existence d’une telle représentation dans un espace de fonctions X , ont été étudiées et démontrées par J. Leonard Savage [102]. Soit X un ensemble non vide. Un élément x ∈ X est interprété comme étant un choix possible d’un agent économique. Si dans cet ensemble, entre deux éléments x et y, l’agent doit préférer l’un par rapport à l’autre, alors ceci nous amène à la définition suivante Définition 1.1. Un ordre de préférence ≻ dans X est une relation binaire, qui a les deux propriétés suivantes : – Asymétrie : si x ≻ y, alors y ⊁ x – transitivité négative :si x ≻ y et z ∈ X , alors soit x ≻ z ou z ≻ y ou bien les deux en même temps. La deuxième assertion s’interprète comme suit : Si l’agent a une nette préférence de x par rapport à y, et si on rajoute un troisième choix alors forcément x reste le plus préféré x ≻ z ou bien y est le moins préféré z ≻ y. Un ordre de préférence ≻ dans X induit un ordre de préférence faible  défini par x  y ⇔ y ⊁ x et une relation d’indifférence ∼ définie par x ∼ y ⇔ x  y et y  x x  y veut dire x est préféré à y ou bien il n’y a pas de préférence claire entre les deux.Remarque 1.1. Il est bien clair que l’asymétrie et la transitivité négative de ≻ sont équivalentes aux deux propriétés suivantes de  : – Complètude : ∀x, y ∈ X x  y ou y  x, ou bien les deux sont vraies. – transitivité : si x  y et y  z alors x  z. Inversement, toute relation complète transitive  induit un ordre de préférences ≻ par la négation de , c-à-d., x ≻ y ⇔ y  x. La relation d’indifférence ∼ est une relation d’équivalence, c-à-d, elle est réflexive, symétrique et transitive. Définition 1.2. Une représentation numérique d’un ordre de préférence noté ≻ est une fonction U : X → R telle que y ≻ x ⇔ U(x) > U(y). Ceci est clairement équivalent à la relation suivante y  x ⇔ U(x) ≥ U(y). Il faut remarquer qu’une telle représentation numérique U n’est pas unique : si f est une fonction strictement croissante quelconque, alors U˜(x) := f (U(x)) est une représentation numérique différente de U. Définition 1.3. Soit ≻ une relation de préférence sur X . Un sous-ensemble de X , noté Z, est dit ordre dense si pour toute paire x, y dans X telle que x ≻ y, il existe un z ∈ Z tel que x  z  y. Le résultat suivant caractérise les relations de préférence admettant une telle représentation numérique. Théorème 1.1. Une condition nécessaire et suffisante pour l’existence d’une représentation numérique d’une relation de préférence ≻ est l’existence d’un sous-ensemble dénombrable de X , noté Z, à ordre dense. En particulier, tout ordre de préférence sur X admet une représentation numérique si X est dénombrable. 

Représentation de Von Neumann-Morgenstern

On suppose qu’à chaque choix possible x ∈ X que peut faire l’agent correspond une distribution de probabilité dans un ensemble de scénarios possibles. L’ensemble X peut être donc identifié à un sous ensemble M de M(S, S) : l’espace de toutes les distributions de probabilités sur un espace mesurable (S, S). Les élément de M sont appelés loteries, et dans toute la suite on fera l’hypothèse que M est convexe. Le but de cette section est de caractériser les ordres de préférences notés ≻ dans M possédant une représentation numérique de la forme. U(µ) = Z u(x)µ(dx). (1.6) Cette formulation des préférences de loteries en termes d’utilité est due à D. Bernoulli [9]. Définition 1.8 (Représentation de Von Neumann-Morgenstern). Une représentation numérique U d’un ordre de préférence ≻ dans M est une représentation de Von Neumann-Morgenstern si elle est de la forme (1.6). Une représentation de Von Neumann-Morgenstern est dite affine dans M si et seulement si ∀µ, ν ∈ M et α ∈ [0, 1], on a U(αµ + (1 − α)ν) = αU(µ) + (1 − α)U(ν). Il est facile, par la suite, de voir que cette propriété que la préférence de µ à ν, c-à-d que µ ≻ ν, est préservée dans n’importe quelle combinaison convexe à l’aide d’une troisième loterie λ ∈ M. On appelle cette propriété axiome d’indépendance. Cette théorie axiomatique, que nous détaillerons un peu plus dans la suite, a été initiée par John von Neumann et Oskar Morgenstern dans [110]. Définition 1.9. Une relation de préférence ≻ dans M satisfait l’axiome d’indépendance si, ∀µ, ν ∈ M la relation µ ≻ ν implique αµ + (1 − α)λ ≻ αν + (1 − α)λ ∀λ ∈ M et α ∈ (0, 1]. 37 These:version du lundi 15 février 2010 à 10 h 25 Chapitre 1. Notion d’utilité et aversion au risque Cet axiome est aussi appelé axiome de substitution. En effet, on considère deux loteries µ et ν de M telles que µ ≻ ν et on introduit une troisième loterie αµ + (1 − α)λ qui consiste à tirer µ avec une probabilité α ou tirer λ avec une probabilité 1 − α. Si on tire λ, alors dans ce cas il n’y a pas de différence entre considérer la loterie αµ + (1 − α)λ ou αν + (1 − α)λ car le tirage réalisé vaut λ. Par contre, si on réalise µ qui est préférée à ν alors là on voit bien qu’on préfère αµ + (1 − α)λ à αν + (1 − α)λ. Définition 1.10. Une relation de préférence ≻ dans M satisfait l’axiome d’Archimède si, pour chaque triplet µ ≻ λ ≻ ν, il existe (α, β) ∈ (0, 1)2 tel que αµ + (1 − α)ν ≻ λ ≻ βµ + (1 − β)ν Cet axiome dérive de son homologue ; le principe d’Archimède en analyse, c-à-d ∀ε > 0 et ∀x grand on peut trouver n ∈ N tel que nε > x. Cet axiome est aussi appelé axiome de continuité. On suppose que l’ensemble M est muni d’une topologie sous laquelle les combinaisons convexes de la forme αµ + (1 − α)ν sont continues, c-à-d convergent vers µ si α → 1 et vers ν si α → 0. Alors, dans ce cadre, la continuité de l’ordre de préférence ≻ implique immédiatement cet axiome. Remarque 1.3. Cet axiome est moins intuitif que le précédent. En effet, pour mieux le comprendre, on considère les 3 loteries déterministes suivantes : µ → 1000=C, λ → 10=C, ν → décès à coup sûr. Même pour un paramètre α très petit, il n’est pas clair qu’un agent va préférer la loterie αµ + (1 − α)ν (qui évoque le décès avec une probabilité non nulle ) à la loterie λ qui consiste elle à gagner uniquement 10=C à coup sûr. Pourtant, la majorité des gens n’hésite pas à faire 100 Km de plus par jour pour gagner 1000=C supplémentaires lorsqu’ils courent le risque d’un accident mortel. Le théorème qui suit prouve que l’axiome d’indépendance et celui d’Archimède impliquent l’existence d’une représentation numérique affine (définition ). 

 Une définition de l’utilité

Définition 1.12. Soit U une fonction de R n dans R. U est une représentation de la relation de préférence  si et seulement si quels que soient X = (x1, x2, …,xn) et Y = (y1, y2, …,yn) on a U(x1, x2, …,xn) ≥ U(y1, y2, …,yn) ⇐⇒ X  Y La fonction U est dite alors la fonction d’utilité. Dans le cas où U est dérivable, la dérivée de U par rapport à la richesse x, est appelée utilité marginale. Remarque 1.6. L’intérêt de travailler avec des fonctions plutôt qu’avec des relations de préférence est immédiat. On peut facilement utiliser tout ce que l’on sait en analyse. De plus, et c’est bien le but recherché, on peut chiffrer la satisfaction par rapport au gain. Mais la construction de cette fonction n’est pas seulement un agrément mathématique. Il s’agit d’un véritable choix méthodologique qui peut d’ailleurs être contesté. 1.2.4 Propriétés de la fonction 

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