Organisation concrète de la mesure en prison

Organisation concrète de la mesure en prison 

Il ressort des différentes entrevues réalisées auprès des intervenants que l’organisation concrète de la mesure de détention limitée est propre à chaque établissement pénitentiaire et dépend de la situation des détenus dans la prison par rapport aux autres condamnés.

À l’établissement de Beseau, au niveau de l’infrastructure, la prison a la particularité d’être équipée d’un appartement spécifiquement prévu pour accueillir les condamnés en détention limitée. Monsieur Herman, directeur de l’établissement, explique qu’il s’agit d’un quartier spécifique séparé du cellulaire, se trouvant au-dessus du portier avec un accès par l’entrée des visiteurs. Ce « duplex » susceptible d’accueillir douze personnes est pourvu d’un espace de séjour, d’une cuisine, de plusieurs chambres et salles de bain. Ce système d’appartement présente des avantages et inconvénients qui lui sont propres. Concernant les points positifs, les assistantes de justice de la maison de justice de Saume avancent que le détenu ressent une certaine liberté du fait de ne pas être dans le cellulaire, que les pressions et menaces de codétenus sont moins présentes (bien que toujours existantes), et que le détenu peut se faire une première idée de ce qu’est la vie à l’extérieur. Par ailleurs, la prison met à disposition de la nourriture dans le frigo commun, ce qui permet aux détenus de limiter leurs dépenses à l’extérieur. À propos des difficultés propres au système d’appartement, les acteurs interrogés mettent tout d’abord en avant celle de la cohabitation. En effet, selon les assistantes de justice, les détenus doivent non seulement gérer la vie en communauté et les relations interpersonnelles, mais aussi les différentes fragilités au niveau des pressions entre détenus présents dans l’appartement et au niveau de la consommation de stupéfiants, les contrôles étant faibles et les fouilles non systématiques. Selon Monsieur Herman, le bon déroulement de la cohabitation dépend des personnes présentes dans le duplex, dominantes ou dominées, ainsi que du nombre de détenus. Ensuite, les intervenants évoquent le passage compliqué du milieu carcéral très réglementé au système d’appartement, où les condamnés sont livrés à eux-mêmes, mais en portant toujours l’étiquette de détenu. D’après les acteurs interrogés, des améliorations sont à réaliser en termes de gestion de cet appartement. En effet, il manque un certain encadrement et ils estiment donc nécessaire qu’une personne ayant un rôle éducatif y soit présente afin de superviser et veiller au bon fonctionnement du groupe ; ceci n’étant en effet pas le rôle d’un agent pénitentiaire. Au niveau du fonctionnement à l’établissement de Beseau, les intervenants expliquent que la prison prend en charge la nourriture et parfois les frais de déplacement, pas toujours à charge de la formation. En outre, ils ajoutent que la prison est géographiquement bien située tant par rapport à la proximité des transports en commun, ce qui facilite les déplacements, que par rapport à un centre de jour pour toxicomanes, fortement prisé. De plus, la caisse sociale d’entraide de la prison intervient pour la mesure de détention limitée en attribuant la somme de trente euros par semaine au détenu, qu’il doit gérer lui-même, ce qui le responsabilise.

À l’établissement pénitentiaire de Dieppe, au niveau de la situation, les détenus en mesure de détention limitée se trouvent dans le quartier semi-détention, parmi d’autres condamnés, où quelques cellules leurs sont réservées. Comme le précisent Madame Wouters et Monsieur Dubois, directeurs, il ne s’agit pas d’un quartier spécifique de détention limitée totalement séparé du cellulaire, mais cette zone est tout de même un peu isolée. Dans ce quartier se trouvent les détenus dits « de confiance », c’està-dire travaillant au mess du personnel, à la cuisine, à la technique ou encore en extérieur au jardin ; circulant pour la plupart déjà librement dans l’établissement et ayant également déjà eu des contacts avec l’extérieur lors de permissions de sortie et congés pénitentiaires. Madame Wouters estime que cette situation est relativement correcte. Par ailleurs, Monsieur Dubois affirme qu’il est impossible de libérer des places en détention ou même un bâtiment uniquement pour y loger des détenus en détention limitée, surtout avec l’actuelle surpopulation carcérale. Au niveau du fonctionnement de l’établissement de Dieppe, les intervenants expliquent que la prison n’apporte aucune aide financière, la caisse sociale d’entraide n’intervenant pas pour les condamnés en détention limitée. En pratique, selon les dires des directeurs, la sortie du détenu le matin se déroule comme lors d’une permission de sortie ou un congé pénitentiaire, le détenu passant par la « réception détenu ». Madame Wouters précise qu’au portier, des casiers sont mis à disposition des détenus en détention limitée afin qu’ils puissent y déposer leurs objets personnels, tels que des cours, un GSM, des clés, etc. Cela lui permet d’éviter de multiples passages à la comptabilité : il s’agit d’une organisation interne de la prison. Lors de sa réintégration le soir, le détenu passe par le portique de sécurité et subit une éventuelle fouille à corps uniquement en cas de soupçons de la part des agents et ce, sur décision du directeur. Concernant le repas du midi, la prison ne met pas d’office à la disposition du détenu un « lunch packet », sauf en cas de demande. Madame Wouters et Monsieur Dubois expliquent qu’il y a quelques années, lors du retour à la prison, la règle était l’enfermement total dès le retour en prison afin d’éviter tout contact entre détenu en détention limitée et autres détenus incarcérés. Toutefois, cette règle a été adaptée par la direction afin que le détenu ne soit pas pénalisé et ait la possibilité de participer à la vie communautaire du quartier de semi détention (accès au préau et aux activités collectives), ce qui est notamment intéressant pour un détenu n’ayant pas de congés pénitentiaires, faute de milieu d’accueil et devant passer ses week-ends en prison. Concernant le repas du soir, Monsieur Dubois affirme qu’il est possible de conserver le repas chaud du midi pour le détenu et qu’un micro-ondes est alors mis à sa disposition.

À la prison de Sartre, il n’existe pas de quartier spécifique de détention limitée distinct du cellulaire. Selon Madame Deprez, directrice, cela pourrait signifier que l’établissement pénitentiaire ne peut accueillir un détenu en détention limitée ; elle précise qu’il est toutefois possible de le faire et que cela s’est déjà produit. D’après l’intervenante, la prison accueille un détenu uniquement si son projet de réinsertion est à proximité de la prison et de préférence s’il séjourne déjà dans l’établissement, le détenu étant ainsi connu par la direction et habitué à son fonctionnement. Elle ajoute que si de plus en plus de détenus sans milieu d’accueil se réinséraient près de l’établissement de Sartre, cela deviendrait problématique car ils côtoieraient quotidiennement d’autres personnes incarcérées et des pressions pourraient survenir, d’où l’intérêt de les placer en détention limitée dans une zone à part. Elle explique qu’à l’origine de la prison, un quartier de détention limitée hors du cellulaire était prévu mais s’est transformé, lors de la construction, en quartier pour femmes étant donné que la mesure de détention limitée était très peu sollicitée et octroyée et qu’il n’était dès lors pas pertinent de réserver une dizaine de cellules à cet effet. À la prison de Sartre, au niveau de l’aide financière, la caisse sociale de la prison peut éventuellement intervenir pour la détention limitée, au cas par cas, sur base d’une démarche personnelle du condamné en cas de besoin. Le montant accordé dépend de la situation financière de celui-ci, de ses efforts, de son moyen de transport, etc., tout en sachant que le fond de caisse n’est pas énorme et que celle-ci a déjà à sa charge diverses missions coûteuses envers le détenu.

La prison de Tavoie n’est pas non plus pourvue d’un quartier spécifique de détention limitée géographiquement inaccessible aux autres détenus. Monsieur Lambert, directeur, explique qu’il existe uniquement des « cellules condamnés » et que les détenus obtenant une mesure de détention limitée sont généralement envoyés dans d’autres établissements, tels que Beseau ou Dieppe, bien qu’ils pourraient rester à Tavoie. Le chef d’établissement considère que Tavoie « n’est pas un établissement qui, dans sa localisation par rapport aux moyens de transport et dans son infrastructure, se prête véritablement à la détention limitée ». En effet, le bâtiment est mal situé par rapport aux transports en commun et il ajoute qu’il est un peu contradictoire de laisser rentrer et sortir quotidiennement des « vecteurs de risque », Tavoie étant un établissement dit de haute sécurité.

Table des matières

INTRODUCTION
Modalité de détention limitée
Processus décisionnel
Processus d’exécution
Projet de Code de l’application des peines
QUESTION DE RECHERCHE
MÉTHODOLOGIE
RÉSULTATS
Modalité de détention limitée
Principales difficultés
Intérêt de la mesure
Impact au niveau familial
Processus décisionnel
Critères pris en compte dans l’octroi de la mesure
Différentes possibilités d’octroi
Congés pénitentiaires pendant la mesure
Progressivité des TAP
Cas particulier des condamnés étrangers en séjour illégal
Décision de révocation
Personne internée
Processus d’exécution
Organisation concrète de la mesure en prison
Guidance des assistants de justice
Collaboration entre acteurs
Pistes d’amélioration
DISCUSSION-CONCLUSION

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