Phénomène de cavitation

Phénomène de cavitation

Le phénomène de cavitation n’est pas limité à l’hydrodynamique navale et aux hélices marines en particulier. Pour beaucoup de domaines, il s’agit plus d’une nuisance que d’un avantage car elle s’accompagne de bruit, d’érosion et de perte de performances. La contrainte de la NPSH (Net Positive Suction Head) qui fait partie des connaissances de base de l’ingénieur est liée à la cavitation dans les turbomachines. La cavitation est aussi un des problèmes majeurs dans la conception des hélices marines. Le risque de cavitation doit être pris en compte pour tous les éléments de la conception. Chaque type de cavitation engendre des problèmes qui lui sont propres. Pour rappel, le phénomène se déclenche quand la pression atteint un certain seuil, la pression de vapeur saturante PV . Quand la pression locale P est inférieure à ce seuil PV , l’eau change brusquement de phase, elle se vaporise. Tout comme la pression est adimensionnalisée par rapport à une pression de référence P∞, en un coefficient de pression CP , on adimensionnalise la pression de vapeur PV en un nombre de cavitation σV . L’équation 1.1 présente la définition du coefficient de pression CP et l’équation 1.2 présente la définition du nombre de cavitation σV . Ainsi, de par la définition du coefficient de pression CP et du nombre de cavitation σV ci-dessus, la condition P < PV se traduit par la condition −CP > σV ou CP < −σV . La pression de vapeur saturante n’est pas une constante universelle, elle varie notamment avec la température. L’eau à 15°C a une pression de vapeur saturante de 1700 Pa, 20°C elle est de 2500 Pa et à 100°C de 101300 Pa ce qui correspond à la pression atmosphérique. Le phénomène d’ébullition est donc le même phénomène que la cavitation. Qu’il s’agisse d’ébullition dans une casserole, de bulles de cavitation, de cavitation à poche, de nuage de cavitation ou encore de cavitation de tourbillon, la phase gazeuse est constitutée de vapeur d’eau. On différencie l’ébullition de la cavitation en fonction du moteur de déclenchement du changement de phase. Pour l’ébullition il s’agit de faire varier la température à pression constante et pour la cavitation il s’agit de faire varier la pression à température constante, voir le diagramme de la Figure 1.1. En hydrodynamique navale, l’eau est à température suffisamment froide et homogène pour ignorer le couplage des deux effets et l’apparition de cavitation se limite à un effet de variation de pression. Le déclenchement de ce changement de phase de l’eau se situe bien sûr au niveau moléculaire ce qui rend le phénomène difficile à cerner et impossible à modéliser de façon exacte. Cependant les nombreuses études de la cavitation dans le domaine de l’hydrodynamique navale ont permis d’en cerner les principaux paramètres et conséquences. 

Différents types de cavitation sur une hélice

En ce qui concerne les hélices, on identifie plusieurs formes de cavitation : la cavitation à bulles, la cavitation à poche, la cavitation de tourbillon marginal, la cavitation de tourbillon d’ogive et la cavitation du tourbillon de coque. La Figure 1.2 présente les différents types de cavitation sur une hélice.

Cavitation à bulles

Les bulles ont pour origines des germes de cavitation contenus dans le fluide. Ces germes de cavitation sont des microbulles et il n’y a pas de milieu liquide qui n’en contienne. La teneur en germes (le nombre de germes de cavitation par unité de volume fluide) caractérise la qualité de l’eau. Quand un germe de cavitation se déplace avec le fluide dans la zone de dépression à l’extrados de la pale (coté bateau), elle grossit et devient une bulle clairement visible. La bulle grossit jusqu’à ce qu’elle atteigne la zone de recompression. La rapidité du passage provoque une implosion de la bulle. L’implosion a pour première conséquence d’émettre une onde acoustique. Le bruit rayonné par la cavitation à bulles est très important et si la population de bulles n’est pas trop importante, le phénomène est facilement identifiable à l’oreille. Le phénomène est également assez violent pour que l’implosion arrache de la matière à la surface de la pale. Les implosions de bulles viennent donc grêler la surface de la pale. Cette érosion de la surface a de multiples conséquences néfastes pour le bon fonctionnement et la longévité de l’hélice. La pale est d’avantage exposée à la corrosion. La rugosité de l’état de surface en résultant vient bien sûr augmenter le frottement ce qui se traduit par une baisse de rendement. Finalement si les bulles viennent à recouvrir une bonne partie de la surface, on note une perte de performance. En effet, les bulles viennent affecter la distribution de pression car la pression dans et à la surface des bulles avoisine la pression de vapeur saturante. Un exemple de la cavitation à bulles sur une hélice est présenté à la Figure 1.3. L’équation la plus utilisée pour décrire l’évolution du rayon de la bulle en fonction de la distribution de pression est l’équation de Rayleigh-Plesset. Le détail de cette équation est présenté à la Section 3.2. Une analyse dimensionnelle sur l’équation de Rayleigh-Plesset permet également de mettre en évidence un facteur de similitude pour la qualité de l’eau. Si on considère une maquette d’hélice à l’échelle λ par rapport au réel, les rapports des teneurs en germes, N0 et N, entre l’essai sur maquette et au réel doivent respecter la règle de similitude suivante : N0/N = 1/λ3 . L’étude expérimentale du phénomène en tunnel de cavitation nécessite donc d’avoir la possibilité de contrôler la teneur en germes. Finalement, quand les germes de cavitation sont trop nombreux, il y a saturation. Toutes les bulles sont en contact et il n’y a plus de place pour en générer d’autres. 

Cavitation à poche

La cavitation à poche (voir un exemple à la Figure 1.4) est moins bruyante et moins destructive que la cavitation à bulles (pas d’implosion). Un des effets néfastes de la cavitation à poche est la perte de performances du propulseur. De plus, la cavitation à poche peut être à l’origine de problèmes de vibrations dont les conséquences peuvent aller jusqu’à l’endommagement de la structure. Ces vibrations peuvent avoir plusieurs causes comme la fluctuation temporelle des efforts sur les pales due au fait que la pale peut très bien ne caviter que lorsqu’elle est en position haute où la pression ambiante P∞ est moins élevée ou être due au fait que la poche de cavitation est très instable. Dans les deux cas, les fréquences sont bien sûr très différentes La conception des hélices consiste notamment à retarder au maximum la cavitation. En raison de l’augmentation de la charge et de la limitation d’espace pour l’installation des hélices, la cavitation est de plus en plus difficile à éviter. Il est donc nécessaire de comprendre et de savoir estimer les effets de la cavitation à poche notamment sur les efforts hydrodynamiques. Il existe peu de documentation sur le sujet. Certains documents peuvent être anciens. C’est le cas du rapport d’essais de Nederlandshc Scheepsbouwkundig Proefstation te Wageningen (aujourd’hui MARIN) écrit en 1951 (Balhan, 1951) qui fait état de l’effet mesuré de la cavitation à poche sur des corps portants. Il démontre que les coefficients de portance CL et de traînée CD des profils bidimensionnels de Kármán-Trefftz varient en fonction de nombre de cavitation σV . Quand le nombre de cavitation diminue, le coefficient de portance augmente d’abord légèrement pour diminuer ensuite brutalement quand le nombre de cavitation atteint une certaine valeur. Un exemple de ces données expérimentales démontrant cet effet est présenté à la Figure 1.5. Après ce rapport et jusqu’à il y a peu, il n’existait aucune confirmation publiée de l’effet de la cavitation à poche sur les coefficients hydrodynamiques d’un hydrofoil ou d’une hélice marine. Maintenant, il est généralement établi que dès que la poche de cavitation atteint le bord de fuite, les performances hydrodynamiques s’effondrent. Qualitativement, la cavitation à poche peut prendre plusieurs formes typiques : poche partielle stable en moyenne, poche partielle instable (instabilité intrinsèque de type jet rentrant), et supercavitation. Si la poche se referme avant le bord de fuite, on parle de poche partielle sinon on parle de supercavitation. Même si la poche paraît stable en moyenne, il s’agit toujours d’un phénomène instationnaire de haute fréquence. Les fluctuations à haute fréquence de la poche sont responsables du bruit et l’érosion à la surface de la pale est surtout due à la cavitation de bulles. Les types de cavitation à bulles et à poche se manifestent à la surface des corps quand la pression locale devient inférieure à la pression de vapeur. Dans le cas d’un corps portant, hydrofoil, pale d’hélice ou gouvernail, la dépression se manifeste d’abord à l’extrados (pour une hélice il s’agit bien sûr de la face orientée vers le bateau). Le type de cavitation dépend surtout de la distribution des pressions en régime subcavitant. La Figure 1.6 présente des distributions de coefficient de pression CP très différentes de deux profils à portance égale. Quand la distribution de CP présente un pic de CPmin très prononcé proche du bord d’attaque, il y a beaucoup de chances pour qu’une cavitation à poche plutôt qu’une cavitation à bulles se développe. Dans le cas d’une hélice fonctionnant à son paramètre d’avance nominal, la courbe de CP ne devrait pas présenter de pic et si une étude a été faite, elle ne devrait pas caviter à ce régime. Lorsque l’hélice est chargée, en fonction du profil, la distribution peut présenter un pic proche du bord d’attaque, auquel cas, on observera une cavitation à poche. Pour contrôler le type de cavitation ayant le plus de chance de se manifester lorsque l’hélice est chargée, il faut étudier l’influence du chargement sur la distribution de CP .

Cavitation de tourbillon marginal

La cavitation de tourbillon marginal est le type de cavitation qui apparaît généralement en premier. Le tourbillon marginal existe à cause de la portance développée sur la pale. Ce tourbillon s’explique assez facilement. Reprenons le cas d’une aile portante. Les pressions sous l’aile, soit à l’intrados (pressure side), sont généralement supérieures à la pression de référence alors qu’au-dessus de l’aile, à l’extrados (suction side), elles sont inférieures à la pression ambiante. L’écoulement ne pouvant s’effectuer au travers de l’aile, les deux écoulements intrados et extrados se rejoignent au bord de fuite. C’est ce qui se passe tout le long de l’envergue. Mais à l’extrémité, le fluide peut contourner l’aile de l’intrados vers l’extrados. L’écoulement s’enroule et forme le tourbillon marginal. Dans l’eau,la dépression au coeur du tourbillon peut être assez importante pour que la cavitation apparaisse. De plus, on peut voir la trajectoire des pales d’hélice en observant la cavitation de tourbillon marginal (voir la Figure 1.7). 

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