Physiopathologie et épidémiologie du sommeil

Cadre de vie des sous-mariniers

Un SNLE est armé par deux équipages (rouge et bleu) comprenant 110 hommes chacun, qui se relaient à son bord en suivant un cycle opérationnel . Chaque cycle se déroule en quatre phases. La première est une période d’entrainement à terre (sur simulateur), précédant une relève d’équipage de trois jours. S’ensuit une période d’entretien du bateau, avant le départ en patrouille pour une durée d’environ deux mois. Au retour, l’équipage entame une phase de «soutien» de l’équipage qui vient de le relever. Enfin, les permissions clôturent ce cycle.
La navigation sous-marine expose les personnels embarqués à de multiples contraintes, qui sont autant de facteurs de stress : atmosphère confinée, promiscuité, isolement social et familial prolongé lié à la nécessité d’une discrétion totale et à l’autonomie du bateau, absence d’exposition à la lumière naturelle et travail posté .
Les risques majeurs les plus redoutés par les sous-mariniers sont la collision avec un relief sous-marin, un bâtiment de surface ou un autre sous-marin, la voie d’eau et l’incendie. Lors de telles crises et compte tenu de la technicité des équipements et du confinement à bord, toute défaillance de la vigilance peut avoir des conséquences dramatiques.
Les accidents du SNLE Triomphant en 2009 et du SNA Rubis en 2007 (collisions), ont donné lieu à des études sur les facteurs ayant favorisé ces évènements. Elles ont mis notamment en évidence une fatigue subie et non gérée.

Physiopathologie et épidémiologie du sommeil

Le sommeil est un état physiologique transitoire, immédiatement réversible, caractérisé par une suspension complète de la vigilance et un ralentissement du métabolisme.
C’est un processus actif indispensable à l’être humain, permettant une restauration des capacités physiques et psychiques ainsi qu’une régénération du système immunitaire.
Toute perturbation quantitative ou qualitative du sommeil peut provoquer des effets négatifs sur les plans cardiovasculaire, métabolique, neurologique, psychologique, immunitaire, ou sur les performances physiques et cognitives .
Le temps de sommeil total moyen chez les français en semaine est inférieur aux 7h habituellement recommandées. De plus, la proportion de sujets dormant moins de 6h par nuit est d’environ 36%, ce qui représente plus d’un tiers de la population française. En-dessous de ce seuil, le risque d’accidents en lien avec une baisse de la vigilance est majoré .

Chronobiologie de la sécrétion de mélatonine

Le rythme veille/sommeil d’un individu s’organise selon une période circadienne proche de 24h. L’horloge biologique repose sur deux hormones, le cortisol qui favorise l’éveil, et la mélatonine qui favorise le sommeil. Ces hormones répondent à une sécrétion selon un processus cyclique d’environ 24h . La sécrétion épiphysaire de mélatonine reste faible durant la journée, puis s’élève en soirée pour atteindre un pic au milieu de la nuit.
Le cortisol, hormone surrénalienne du stress, est quant à lui libéré de façon maximale vers 8h du matin, permettant un éveil optimal.
L’alternance jour/nuit constitue le synchroniseur le plus fort : la lumière naturelle inhibe la sécrétion de mélatonine par stimulation des photorécepteurs rétiniens, entraînant ainsi l’éveil.
En l’absence d’exposition photique naturelle, on observe une perte de l’effet régulateur circadien de la lumière, provoquant un sommeil désorganisé et de moins bonne qualité, responsable d’une fatigue diurne plus importante .

Conséquences du travail posté en milieu civil

Plusieurs domaines nécessitant un fonctionnement permanent imposent aux professionnels un travail en horaires atypiques. Ces professions appartiennent aux domaines de la santé, de la sécurité, de l’industrie ou du commerce.
Le travail posté entraîne un dérèglement de l’horloge biologique. Ses effets sur la santé des individus sont connus .
A court terme, il existe des troubles du sommeil et du rythme circadien, avec une altération de la vigilance et de l’attention, ainsi que des troubles métaboliques et cardiovasculaires. A long terme, la prévalence des cancers augmente, ainsi que la mortalité cardiovasculaire et la mortalité globale. Le monde maritime civil représente un milieu particulier, en lien avec l’environnement physique (milieu contraignant et en mouvement constant) et social (isolement, confinement, éloignement). Dans ce système, l’organisation horaire du travail repose sur le principe de la prise de «quart» et est caractérisée par un fractionnement des 24 heures en plusieurs épisodes d’activité et de repos. Dans le secteur de la marine marchande, il s’agit en général de quarts «fixes» : trois équipes de travailleurs se relaient sur 24 heures, en effectuant chacune deux quarts de 4 heures (l’un de jour, l’autre de nuit), séparés par 8 heures de repos.
Les professionnels de la mer dorment ainsi environ une à deux heures de moins qu’à terre, quel que soit le rythme de quart, et présentent un sommeil scindé en deux, voire quatre périodes. Cette organisation du travail, qui tend à fractionner les épisodes de travail et de repos, est source de fatigue. Les études portant sur les effets de ces horaires atypiques soulignent leur influence sur le sommeil et la vigilance, et démontrent que les périodes de travail nocturne sont associées à un risque critique d’accident.
Le système de quarts offre donc un avantage en termes de planification des activités dans les professions nécessitant une activité continue. Néanmoins, il peut être responsable de troubles de la vigilance, associés à un sur-risque d’accidents, notamment la nuit et en début d’après-midi.

Applications au milieu sous-marinier

Sur sous-marins, la propulsion nucléaire et des usines recyclant l’atmosphère permettent de rester plusieurs mois sous l’eau. Depuis 2011, plusieurs études menées sur les SNA et SNLE français ont cherché à évaluer l’impact de ces facteurs : manque de lumière naturelle, rythmes de quart et environnement isolé .
Absence d’exposition à la lumière naturelle : Sur SNLE, l’éclairage est artificiel, et ne dépasse pas 1000 lux en moyenne. L’alternance jour-nuit est maintenue par une lumière rouge mise en place pour les horaires de nuit, avec alors un éclairement de 1 à 2 lux . Il a été montré que l’absence d’exposition à la lumière naturelle pouvait entraîner un syndrome de dépression saisonnière, comme il peut exister au cours des hivers polaires.
Effet des rythmes de quart sur le sommeil et la fatigue : L’activité d’un bâtiment à la mer nécessite une organisation en travail posté afin d’assurer la continuité de la capacité opérationnelle. Dans la Marine Nationale française, ce travail s’organise en «quart», traditionnellement réparti sur trois équipes (les «tiers») qui se succèdent au même poste.
Sur SNLE, l’organisation en quarts fixes s’avère incompatible avec l’entraînement, la formation continue et les tâches annexes incombant au sous-marinier quand il n’est pas de quart ; elle ne permettrait pas un sommeil suffisant en matière de durée. Les sous-mariniers travaillent donc selon un rythme de quarts «tournants».
Il s’agit de tranches horaires sur lesquelles les marins travaillent soit dans leur spécialité à un «poste de quart» comme le «central opération», centre névralgique du bâtiment, bien connu de tous les films sur les sous-marins ou encore le poste de commande du réacteur nucléaire, soit à l’entretien du bateau, soit sont au repos, de jour comme de nuit. A bord d’un sous-marin, ce rythme irrégulier est plus dense qu’en surface, en raison d’un nombre restreint de personnels à bord. Plusieurs rythmes de quart sont individualisables.
Le quart « par tiers » : c’est le rythme de quart appliqué à la majorité de l’équipage ; le volume horaire en travail posté pour ces personnels varie de six à onze heures par jour, auquel s’ajoutent les exercices et l’entretien du bord. Le quart par « tiers + X » ne concerne que certains postes de quart comme celui du maître de central. Les plages horaires de quart sont réparties de telle sorte qu’un quatrième, voire un cinquième maître de central (+ X) vienne occuper ponctuellement ou régulièrement certains quarts pour soulager les trois autres. Ce mode de fonctionnement allège le volume horaire effectué par les maîtres de central des tiers constitués (6 à 8 heures par jour), et permet au quatrième de disposer de plus de temps libre hors quart pour assumer des fonctions annexes.
Le quart « par quarts » concerne une vingtaine de personnes à bord, avec quatre équipes qui se relaient par 24 heures. Le volume horaire varie de trois à huit heures de travail posté par jour. Un tiers de l’équipage ne travaille pas selon un rythme de quart. Ces sujets «Hors Quart» appartiennent à l’état-major (commandant, commandant en second, commandants adjoints opération et navire), au service commissariat (cuisinier, maître d’hôtel, boulanger), au service hygiène et santé (médecin et infirmiers) ou à d’autres services lorsque les personnels exercent des fonctions de supervision ou d’expertise.
Ainsi, ce rythme de travail a des répercussions chronobiologiques sur le sommeil : un sous-marinier tournant par «tiers sec» va perdre un nombre de cycles de sommeil équivalent à dix nuits blanches sur une durée de soixante jours. La fatigue et la somnolence qui en découlent sont associées à un sur-risque d’erreurs, potentiellement tragique pour un bâtiment en mission .

Table des matières

I- PREMIERE PARTIE : PRESENTATION DU MONDE SOUS-MARIN ET DU CONTEXTE DE L’ETUDE
1. Description générale des forces sous-marines françaises 
2. Caractéristiques techniques des Sous-marins Nucléaires Lanceurs d’Engins 
3. Cadre de vie des sous-mariniers 
4. Notions de chronobiologie et effets de la privation de sommeil 
i. Physiopathologie et épidémiologie du sommeil
ii. Chronobiologie de la sécrétion de la mélatonine
5. Conséquences du travail posté sur le sommeil et la fatigue 
6. Applications au milieu sous-marinier
i. Absence d’exposition à la lumière naturelle
ii. Effets des rythmes de quart sur le sommeil et la fatigue
iii. Impact du milieu isolé
Références 
II- DEUXIÈME PARTIE : ARTICLE
Titre et auteurs
Résumé 
Texte 
1. Introduction 
2. Matériel et méthodes 
i. Cadre de l’étude
ii. Population étudiée
iii. Définition des variables
iv. Protocole expérimental
v. Ethique
vi. Analyse statistique
3. Résultats 
i. Description de la population étudiée
ii. Description du sommeil et de la pratique de la sieste chez les sous-mariniers
iii. Evaluation de la somnolence
iv. Evaluation de la sensation de fatigue
v. Evaluation des performances cognitives
4. Discussion 
i. Discussion des principaux résultats
ii. Faiblesses de l’étude
iii. Perspectives
5. Conclusion
Bibliographie
Liste des abréviations
ANNEXES :
Annexe 1 : Formulaire d’information et consentement
Annexe 2 : Agenda de veille/sommeil et d’activités
Annexe 3 : Questionnaire d’Epworth
Annexe 4 : Questionnaire de Pichot
Annexe 5 : Questionnaire médicobiographique
Annexe 6 : Questionnaire de Horne et Ostberg
Serment d’Hippocrate
Résumé

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